« Quinn ?! » s’étouffa presque la brune en dardant un regard rond sur sa voisine. « Qu’est-ce que Quinn fabrique avec cette vieille illuminée ? » s’étonna franchement Elena, l’inquiétude lui frappant la poitrine. Un peu perdue dans ses réflexions, tâchant de digérer l’information, elle se contenta d’un vague haussement d’épaules à la question de Seb. « Ma foi, en dehors de ses prédispositions évidentes pour la mixologie… Je ne sais pas, elle est très instruite sur un tas de sujets, ce n’est pas à exclure. » Chiara se formait bien auprès de Faith après tout.

La jeune femme roula des yeux à la remarque du chef d’entreprise. Ce n’était pas tout à fait le récit qu’elle avait entendu, et d’après la cheffe, leur hôte était plutôt bien imperméable au charme de leur ami. Elle tiqua l’instant suivant au surnom que lui donna Olivia, plissant suspicieusement les yeux un instant, muette. Elle n’avait pas manqué les rendez-vous fréquents entre les deux, le soutien d’Olivia durant sa longue convalescence à The Haven ni les rumeurs qui crépitaient dans les couloirs derrière eux au domaine depuis leur arrivée. Mais par-dessus tout, c’était le silence de Sebastian à ce sujet qui était paradoxalement le plus suspect. Elle ne dit rien, se contenta de suivre les consignes du brun, tout en observant du coin de l’œil ce qui ressemblait de plus en plus à une évidence qu’elle s’en voulait d’avoir loupé. Les gestes, la complicité…

Une fois l’abri de fortune dressé sur la calèche, Elena se rembrunit quelque peu. La frustration de voir ses amis subir les caprices du temps lui pinçait le cœur. Ça et… les douleurs lancinantes qui traversaient ses reins et son bas ventre depuis plusieurs minutes. Rien qu’elle ne sache maîtriser pour l’instant, mais c’était, de toute évidence, loin d’être le voyage le plus agréable de son existence. Les traits froissés par le vent qui s’engouffrait, Elena se sentait terriblement embarrassée pour Olivia à côté d’elle qui ne jouissait pas du même confort. « On peut échanger de place Liv, vraiment… » insista-t-elle en pressant son regard. « Tu vas attraper la mort. » souffla-t-elle avec dépit. Elle n’osait même pas parler de Seb à l’avant…

Le regard lourd lancé à Sebastian, qu'il ne s'avise pas de prendre ma place. Je vérifie juste que le pansement est bien en place pour reprendre ma besogne et regagné l'intérieur. Pile à temps pour presque éviter la sauce. Presque ! Une partie de mon corps n'est pas vraiment à l'abri de la pluie, et je me retrouve avec le côté droit totalement trempé. Et toi ? Tu vas te geler ! Il y en a toujours un pour venir au secours de la veuve et l'orphelin, évidemment, et c'est celui qui se retrouve complètement sous la pluie avec une épaisseur en moins pour se protéger.

Je n'ai pas vraiment le choix : si je suis déjà trempée, je ne suis pas à ce que ma fierté soit ébranlée d'avantage. Le vent est froid, l'extérieur aussi, la pluie donne l'effet d'être comme des petites aiguilles dans notre colonne. Bon, on a de la chance que ça ne soit pas la tempête non plus, mais j'ai connu moins diluvien comme pluie... que je grogne en portant le regard vers Elena : Avec cette température, espérons que ça ne se transforme pas en neige, et de lui souffler avec un sourire : Ne t'en fais pas, tout va bien ! Jusqu'à ce que la calèche s'arrête : Est-ce que ça va devant ?

Je fais signe à Elena de ne pas bouger, l'occasion pour moi de m'extirper un temps et de revenir fixer la partie que j'ai mal faite. Ni vu ni connu ! Avec ça, c'est l'espace entier qui est abrité heureusement, ça n'est pas plus mal comme ça. Je ne servirais plus d'éponger, et je prendrais au moins le temps de me réchauffer dans le manteau de Sebastian avant de le lui rendre d'ici quelques instants. Je sors aussi d'autres couvertures, nous allons en avoir besoin.

Elena s’enfonça un peu plus dans son coussin, résignée. Ne pas s’en faire ? C’était trop tard pour ça, surtout quand elle voyait les cheveux dégoulinant d’Olivia collés contre son visage pâle. La morsure de l’air, conjuguée aux gouttes d’eau glacées qui ruisselaient sur la bâche ne faisaient pas bon ménage, à l’évidence. De son côté, les contractions semblaient plus diluées, libérant la grecque de l’appréhension qui l’étranglait depuis quelques minutes. Elle se voyait assez mal accoucher dans une calèche, sous une pluie diluvienne avec ses deux camarades absolument novices dans le domaine médical bizarrement.

Elle fronça les sourcils lorsque la calèche s’immobilisa soudainement. Elle se redressa quelque peu, plissant les yeux pour essayer de voir devant Sebastian. « On dirait qu’il y a quelque chose qui barre la route. » commenta-t-elle à l’adresse de sa voisine. Cette dernière profita de l’occasion pour rafistoler l’abri et sortir des couvertures supplémentaires. Mais tandis qu’Elena avait figé son attention sur le tronc d’arbre qu’elle parvenait à présent à discerner à travers la pluie, ce fut des cris qui happèrent sa vigilance. Elle sentit un frisson lui parcourir l’échine. « Liv… » Elle était déjà en train de s’extirper de la calèche, non sans toutes les difficultés liées à son état, bravant inconsciemment les éléments pour faire quelques pas vers le bois qui les entourait. « Tu as entendu ? On aurait un cri d’enfant. »

Je ne vais me mentir, même si je le cache bien, je suis plutôt gelée sous cette pluie glacée qui a tout de la neige fondue. Au moins, il y en a une qui est dans non manteau. L’avancée est pénible et je refuse gentiment qu’on prenne ma place préférant assumer cette corvée comme un grand. Attentif au chemin je finis par tirer doucement sur les rênes en même temps qu’Elena me confirme ce que je viens de voir. Je n’aime pas ça.

« Un cri d’enfant ? Tu es sure de toi ? »

Je soupire sentant surtout le mauvais piège. Je descends du chariot et donne les rênes a Olivia.

« Gardez vos armes avec vous et couvrez-moi si besoin. Olivia, s’il le faut tu penses d’abord a Elena et tu éloignes le chariot. On est d’accord ? »

Question rhétorique puisque je m’enfonce sous la pluie et l’arme a la main, avant leur réponse. Je ne vais pas directement vers le tronc, mais plus vers la végétation qui y mène, sur les côtés, ouvrant l’œil et l’oreille a la recherche d’un bébé ou, plus surement, d’assaillants embusqués. Si j’étais un pillard un peu primaire, c’est exactement comme cela que j’arrêterais les passants. Je reste prudent.

La route bloquée pour l'instant, je me redresse pour essayer de voir dans quelle mesure avant qu'un bruit à travers le bois n'attire mon attention : J'ai entendu oui, que je confirme à Elena alors en sortant de la calèche pour en faire le tour et m'approcher d'où elle est. Sondant à travers le bois et la pluie, je ne discerne rien de près malheureusement et je ne sais pas ce que je dois faire pour aider. L'homme qui nous accompagne entend prendre les devants, je récupère arc et flèches pour me mettre en position.

Néanmoins, nos montures semblent s'agacer de la situation, je vois Happy qui gratte furieusement le sol et donne quelques acoups sur le lien qui le garde en place : Sebastian, au cas où mon complice ne l'aurait pas remarqué : Les chevaux sont nerveux, je ne sais pas ce qu'ils sentent, fondamentalement, mais c'est suffisant pour leur donner envie d'avancer. Je m'écarte pour aller récupérer la place de Sebastian et tenir les liens. Rien de très aisé, je lui fais juste signe de se dépêcher, je gère pour l'instant.

Pour le moment je m’avance cherchant d’où vient la menace et testant le sol. On a moyen de passer en jouant sacrement du muscle avec la boue, mais ce n’est pas ca qui me donne un frisson. Je me fige en tendant l'oreille alors que je ne comprends que trop bien ce qui se passe. Je grogne et recule, avec précaution, sans tourner le dos au bois, pour aller vers le charriot. Des que je suis au niveaux de mes camarades, les directives tombent en même temps que je prends une des bâches d’isolement de tente. .

« Elena, coupe des petits morceaux de la toile huilée et enroule ca a une des tiges de secours pour faire une torche. Olivia, reste avec ton arc prête a tirer a vue. »

Je ne traine pas et continue d’expliquer avant de prendre l’avant du convoi en prenant le cheval par le collet et essayant de l’apaiser pour le faire avancer. Je fais preuve d’un calme organisé qui ne trompe pas sur le fait qu’il y a une menace imminente.

« Le sol est boueux, avec la bâche on devrait limiter l’enfoncement… on risque de devoir aussi accélérer dès qu’on aura passé ce tronçon de route. Elena, j’ai peur que tu ne doives serrer les dents mais, avant ça… »

Je pose la bâche sur le passage le plus délicat et termine ;

« Ce ne sont pas des bébés que vous avez entendus mais des loups. tenez vous prêtes a les repousser si besoin le temps que l'on passe.»

Elena hocha fermement la tête ; elle était sûre d’avoir entendu un cri oui, et Olivia appuya même ses propos derrière. Son cœur s’accéléra sous sa poitrine alors que tout laissait présager le mauvais scénario à présent : la route barrée, les cris, le comportement des chevaux… Un pressentiment désagréable l’enveloppa plus froidement que le vent qui faisait grincer les arbres autour d’eux. Surtout lorsque Sebastian revint vers elle avec cette expression qu’elle ne connaissait que trop bien.

La grecque s’exécuta sans discuter face aux directives successives du chef d’entreprise, extirpant aussitôt son couteau pour découper méthodiquement la bâche. « Seb… Les cris, c’était quoi ? » s’inquiéta la brune. Elle enroulait le tissu autour de la tige comme il le lui avait demandé tandis que lui s’échinait à dégager un passage sûr. A ses excuses anticipées pour l’inconfort à venir, elle secoua la tête. « T’en fais pas, je gère. » affirma la jeune femme avec confiance avant que cette dernière ne s’effrite à la mention des loups. Ah. Peut-être des bébés loups ?

Elle échangea un bref regard avec Olivia, et récupéra son arme pour tirer si cela s’avérait nécessaire.