Comment tu te sens ? Je scrute longuement Karl a côté de moi, qui a un soupir de circonstances. Mal, répond-t-il. Et ça se voit. Non loin, Zachary en est à soupirer de plus belle, contrarié par la tournure des choses, il va sans dire que ça n'est pas du tout pour l'avantager. Ou nous avantager. L'état de Karl n'est pas mieux depuis la veille, et Sebastian n'est pas là. S'il doit revenir dans la soirée, il faudra évidemment tenir le choc d'ici là. Je pince les lèvres, sentant une vive culpabilité me prendre. La fièvre ne le lâche plus depuis plusieurs heures, si Heinrich ne rentre pas avec des médicaments ce soir, son sort est plié...

Karl n'a pas besoin qu'on prenne des formes avec lui : il est conscient de ce qui l'attend. Aussi froid que d'ordinaire, l'homme tâche de ne pas montrer sa fatigue mais c'est marqué sur son visage : L'amputation est toujours une solution ? Zachary esquisse une grimace. Elle sera peut-être un peu tardive... Je me passe la main sur le visage en soufflant : Putain de merde... Karl a les épaules secouées d'un bref rire : C'est ma main dont il s'agit, tu n'auras pas mal, rétorque-t-il en me partageant presque un sourire. Dans ces moments-là, j'ai envie de lui dire que s'il m'apprécie autant qu'il a l'air, on devrait sans doute parler de mes origines.

Mais avant une confession qui n'a pas lieu d'être, la porte s'ouvre sur une Audrey qui a le souffle court : Je... Je viens de passer devant la maison de Marius et... Karl se raidit, perd son sourire : Quoi ? Insiste-t-il en se redressant de plus belle de son fauteuil : Je crois qu'on s'en prend à lui, à l'intérieur... C'est suffisant pour qu'il retourne sur ses jambes et saisisse son poignard directement à la main. Ou est-ce que tu vas ? Rétorque Zachary, prêt à s'interposer alors que Karl titube vers la sortie, en bousculant Audrey. Jefferson a divisé ses forces, ils sont en train de faire le ménage, assume-t-il sans attendre. Pardon ?

L'intuition éveillée, Karl ne ménage pas le suspens, il est persuadé de ce qu'il affirme... Et je suis tentée de le croire. Il connait suffisamment ses hommes et notamment ce cas social de Jefferson pour ne pas prendre le risque de laisser son frère blessé avec eux. Mais lui-même n'est pas en meilleur état, et je pense que si confrontation il y a, Karl ne s'en sortira pas mieux que les autres. Je viens avec toi, que j'ajoute. Il se stoppe, se tourne vers moi. Je suis plus en forme que lui de toute évidence. Il a un temps, retourne son couteau pour m'en tendre le manche : J'ai ce qu'il faut. Je le scrute un temps. On n'y va pas pour faire dans le subtil... Je sais.

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Je suis Karl, on dépasse la cuisine, atteint la porte. Zachary est sur mes talons aussi, clairement inquiet pour mon cas de ce que j'en comprends, mais ça n'est pas ça qui va m'arrêter pour ma part. Les mâchoires serrées, j'avise dans la cour une batte abandonnée : Bon... Je m'en saisis fermement et nous avançons vers la porte d'entrée quand Karl avise de ce que je tiens : J'espère que tu sais t'en servir, mentionne-t-il simplement d'un ton ferme. J'ai déjà tapé quelques balles... Et d'autres trucs aussi, mais on n'a pas besoin de s'en vanter.

La porte ouverte n'augure rien de bon, Karl et moi sommes les premiers à rentrer après la mention de Zachary. Si la pièce là est un chaos sans nom, j'avise surtout que les bruits viennent du dessus et mon sang ne fait qu'un tour quand je me jette dans les escaliers pour grimper les marches quatre à quatre : Anika ! Je n'entends même pas la mention de Karl derrière moi, lorsque je rentre dans la chambre, c'est un groupe d'hommes que je discerne autour d'un Marius écroulé au sol, le premier qui me fait dos tient un club de golf dressé, et avant qu'il ne s'abatte sur le crâne du frère de Karl, c'est à mon tour de lever ma batte.

Le bruit résonne en un bong sonore quand je viens l'abattre d'un coup sec contre la tempe de ce demeuré fini à la pisse. Le coeur battant à tout rompre, j'avise le corps qui s'effondre au sol, désarmé. Zachary a le réflexe de se jeter en avant pour récupérer le club, pendant que je termine l'agresseur à même le parquet, en plusieurs coups de batte bien avisé. Voilà, ça me semble tout de suite plus équitables, que je grogne d'un ton sombre, en venant désigner du bout de mon arme couverte de sang et de bout de cervelles les autres : Reste plus que trois fils de pute à finir...

Ils ne se laissent pas démonter, et Karl, dans son état, s'approche avec précaution. Je tremble d'une rage folle. Si je n'ai aucune estime pour Marius, et que j'ai tout à fait conscience qu'il me tuerait sans hésiter si l'occasion se présentait, le fait est que je ne supporte pas la lâcheté de s'en prendre à plusieurs à un homme blessé. Même quand ce dernier est une sacrée merde humaine. C'est Almarich ou Jefferson qui vous a organisé cette petite sauterie ? Demande Karl d'un ton sombre. Les deux ? Interroge-t-il, avant de sonder la pièce rapidement : Où est Hilda...?

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Attend voir que je te lave la bouche, toi, que je grogne entre mes dents serrées en m'avançant d'un pas menaçant. Je prends tout juste la peine d'enjamber le corps sous mes pieds, une rage folle qui fait trembler la main tenant mon arme. Qu'ils soient trois n'est pas du tout pour m'effrayer. Je ne réfléchis plus vraiment je crois, et le timbre froid de Karl ne fait qu'alimenter une colère qui me rend encore plus réactive sur ce coup-là. Ce que ça peut me foutre, c'est que je peux saigner seulement les responsables, ou m'occuper de votre cas en plus de vous faire souffrir, précise-t-il d'un ton vibrant. Mais maintenant c'est plus vraiment négociable vu que vous vous en êtes pris à mon frère, ajoute-t-il.

L'absence d'Hilda n'est pas pour le combler, mais il y a autre chose : Et Ava ? Où est-elle ? Il y a un blanc qui passe, Marius au sol a une toux douloureuse, les hommes ont porté la main à leurs armes et j'imagine qu'il n'y a plus vraiment le temps de négocier sur le reste, Zachary retient une insulte parce qu'il n'a aucune envie d'être là, alors que Karl en est déjà à tenir trop fermement son couteau pour que ça soit anodin. Il va être temps de montrer que je sais un peu trop bien me servir de cette batte je crois, j'ai tout juste le temps de me glisser sur le côté pour éviter une offensive et laisser mon adversaire recevoir un swing dans les côtes.

Ben se retrouve en mêlée avec Zachary alors qu'il me visait, Karl en est à suriner fermement Lawrence, prêt à l'ouvrir du nombril jusqu'au cou. Il n'a même pas besoin de s'épuiser plus que ça alors que sa lame rentre et sort à plusieurs reprises, pour découper sans attendre. C'est Josh qui tente de me porter une attaque que je pars à l'aide de mon plâtre dans un grognement douloureux. Je glisse dans le sang de son complice, je l'embarque avec moi au sol et manque de me prendre une estoque dans le ventre. Je roule sur le parquet, ma main rippe dans le sang mais un coup de poing bien senti vient le sonner à la tempe.

L'instant d'après, c'est en saisissant sa propre arme que je parviens à m'extirper de là. Dans un geste réflexe, je l'enfonce profondément dans sa gorge et me retrouve avec une marée sanguinolente sur moi, qui m'étouffe, m'aveugle, alors que son corps s'affesse sur moi. Oh merde. Tremblante toujours, Zachary vient m'aider à me dégager après avoir mis KO son adversaire. Est-ce que ça va ? Tu n'as rien ? Insiste-t-il en me remettant sur mes jambes. A nouveau, je manque de glisser dans le sang. Est-ce qu'Almarich est dans le coup ? Les questions fusent, Karl maintient Lawrence en vie, à un cheveu près. Je le demanderais qu'une seule fois... Assure-t-il. Vous deviez venir me trouver après avoir fini avec Marius ?

Tu peux t'occuper de lui ? mes yeux se posent un temps évidemment sur Marius qui n'en mène clairement pas large, à raison. L'afro-américaine relâche son club de golf pour se pencher sur le corps de l'aîné de Karl et commencer ses premiers soins. Plusieurs os brisés, des hématomes, des chairs tuméfiées, ils se sont faits plaisir sur lui mais Zachary fait de son mieux pour réussir à le sauver, et ça lui prend du temps : On va avoir du mal à le déplacer même si je le soigne, je ne peux pas faire du miracle, donc il faudra le porter si on veut l'amener avec nous. Couverte de sang encore, je soupire et me pince l'arête du nez. Karl ferme les yeux un instant, un vertige le prend. Lawrence s'étend dans ses derniers soubresauts de vie.

Je vais chercher Hilda... annonce-t-il en saisissant son poignard pour le remettre à sa ceinture. Je me raidis alors : Attend, non, il n'ira nulle part. Je ne te fais pas confiance. Tu l'as entendu : Almarich craint tes fréquentations. C'est Heinrich, moi. Depuis qu'on est là, on a déstabilisé votre écosystème, ça veut dire que je ne peux pas te lâcher des yeux au risque que tu me la fasses à l'envers, je dois garder mon sang froid. A côté, Ben semble nerveux en nous écoutant. Mes yeux sombres se posent sur lui, ma main serrée autour de ma batte. Partout où tu vas, j'y vais, que j'annonce à Karl, qui semble contrarié de mes propos.

Stratégiquement, qu'Almarich ait tenté de me poignarder une fois dans le dos implique qu'il recommencera. Ce n'est pas votre cas, précise-t-il d'un ton incroyablement calme qui contraste avec ma propre nervosité. Vous avez bien foutu la merde en effet, mais j'ai choisi de vous ramener, c'est ma faute, ajoute-t-il alors. Mon souffle court trahit le fait que je n'ai aucune idée de ce que je fais actuellement. Ma tête est en ébullition, je dois retrouver mon calme mais je suis tendue, incapable de réfléchir comme je le devrais. Si je me foire maintenant, beaucoup de vies seront en jeu, et ne pas savoir l'état de Sebastian ne fait que rajouter une couche d'incertitudes sur une tonne d'incertitudes.

Qu'est-ce que vous voulez faire ? Demande alors Zachary, en compressant une plaie sur l'épaule de Marius avec fermeté. Tu ne peux pas rester, tu le sais, ajoute alors Karl en me fixant. Moi non plus, précise-t-il rapidement en s'approchant de moi, jusqu'à poser ses mains sur mes épaules. Alors, partons ensemble, tu as visiblement un camp avec Heinrich où te rendre, je me laisse endormir, sans le voir. Très bien, je tranche sous le regard méfiant de Zachary. Dans ce cas il faut que tu trouves Audrey, elle devra aller chercher Eva et... Il faut qu'on amène Alexander avec nous pour tenir dehors, tu dois récupérer des armes aussi, on ne tiendra pas sans. Je m'occupe de faire diversion pour sortir d'ici, que j'annonce.

On se sépare là-dessus, j'échange un regard avec Zachary qui se reconcentre sur le corps de Marius, terminant ses soins. Avec Karl, nous descendons et nous éloignons. Le blond a un regard pour ma tenue, et je me fige : Tu as un briquet ? Il se retourne et me confie celui qu'il a en poche, je le remercie d'un signe de la tête. Il faut que je trouve le réservoir du lance flamme que Sebastian a planqué à proximité du dernier chantier. J'ai l'impression de m'enfoncer dans la neige. Je suis couverte de sang, un frisson me prend à cause de la moiteur qui me recouvre. Cette odeur me remonte et me donne la nausée aussi, mais j'inspire profondément par la bouche pour passer ça. Je me concentre. Mes gestes sont tremblants, je finis par dénicher ce que Sebastian a caché, prend mes dispositions. Mèche allumée, réservoir ouvert, le gaz s'échappe et je m'éloigne au pas de courses pour éviter de flamber avec...