Je me fige à quelques pas des garages, avant de m'y engouffrer. Les morts sont attirés vraisemblablement par le bordel que j'ai causé dans l'infirmerie, l'occasion pour moi de m'occuper de ce véhicule dont a parlé Maes lorsqu'on était dans le campement qu'ils ont rasé. Je pince les lèvres, avise du blindé en question. L'occasion de me souvenir aussi que j'ai eu mon permis dans une pochette surprise et que je suis une vraie terreur au volant d'un véhicule. Surtout de ce genre. Qu'importe. Je me glisse à l'intérieur et viens défaire l'étui sous le volant en faisant levier avec mon couteau. Pas de clé pour démarrer le moteur, mais un petit trifouillage des fils mis à nu m'aider à faire ce qu'il faut.

Je peine un temps avant que ça gronde soudainement. Main sur le levier de vitesse, l'autre sur le volant, j'enfonce la pédale d'accélérateur pour sortir de là en fanfare avant de faire un parfait dérapage sur le bitume recouvert de verglas et avancer en direction d'où j'ai demandé aux autres de se rejoindre. Je les trouve, tous, sur le qui-vive quand ils me voient débarqué, les feux allumés et les grognements du véhicule en plus : Allez, grimpez ! Je klaxonne un grand coup, ils se décident à se bouger, transportant Marius dans le coffre avant de tous grimper à l'intérieur. Karl se jette à mes côtés, son sac d'armes balancés à l'arrière. Il me fixe de haut en bas : Qu'est-ce que tu as fait ?!

Je déglutis, secouant la tête : Ce qu'il fallait... je crois. On trace... Défonce la barricade ! Ordonne-t-il simplement alors que je remets le levier de vitesse en place et que je recule pour prendre un peu d'élan. Le pire ? C'est qu'Eva lâche un cri : Il y a quelqu'un ! Ce n'est pas suffisant pour m'arrêter, et il est pris sous les roues de la voiture alors que la blonde en a les yeux exorbités. Je me paie tout juste le luxe de lui passer un peu mieux dessus pour lui briser les jambes. Ses cris détourneront les rôdeurs de nous. Il va falloir que tu me guides ! Que je somme Karl. Il hoche la tête, réfléchit : La piaule où on s'est rencontrés... Ok, ok... Je crois qu'on n'a pas le choix de toute façon. Vous avez mon sac ?

Une fois que j'ai la réponse, je tracerais de toute façon. Pas question de rester là. Mais j'ai besoin du talkie que Sebastian a laissé dedans. Je patine un peu dans le sang de ce qu'il reste des membres arrachés, à l'arrière, Xander ne tient plus : Mais elle joue à quoi cette tarée ? Je ne sais pas si c'est bien le moment de m'insulter, le regard assassin que je lui rends le fait taire rapidement, il est accompagné de celui de Karl dans la foulée qui le somme de la fermer. Garde tes nerfs, on n'est pas encore sorti d'ici... Je hoche la tête, et enfonce la pédale d'accélérateur pour éventrer la barricade.

Tu devrais te rendormir, j'émerge difficilement alors que Karl se redresse de son fauteuil. Sur le matelas usé, j'ai l'impression d'être absorbé jusqu'aux lattes du lit. Je me sens mal, groggy, épuisée. J'ai mal partout, comme des courbatures, la nausée qui me prend et une émotion qui vive qui me tient la gorge. Plus tard, que j'articule d'une voix enrouée. Je secoue la tête. Mes yeux sondent la pièce, je ne comprends plus rien à ce qu'il se passe. Où est-ce qu'on est ? Karl fronce les sourcils quand je le regarde fixement. Comment ça ? Lui non plus ne comprend pas.

Je suis couverte de sa veste pour me tenir chaud, mais en-dessous, mes vêtements sont trempés de rouge. Où... Je secoue la tête : Qu'est-ce que... L'angoisse broie mes côtes, je ne trouve pas les réponses à mes questions et Karl m'attrape les mains : Ok, qu'est-ce qu'il se passe ? Demande-t-il d'une voix ferme qui m'oblige à me concentrer. Je ferme les yeux, ces dernières heures sont nébuleuses pour moi, je n'ai rien. Plus rien du tout. Je ne comprends pas. Je... Je ne sais pas ? Qu'est-ce qu'on fait là ? Où est Seb ? Qui ? Rétorque-t-il en fronçant les sourcils.

Merde. Je perds pieds je crois, ce n'est pas le moment de se relâcher, d'une quelconque manière. J'ai besoin de mon sac, de mon talkie... Je me redresse, me libérant de sa prise, en manquant de tomber du lit tant je me sens éreintée et affaiblie. Mais Karl me rattrape et me ramène sans vraiment m'autoriser à m'éloigner : Anika, respire, calme-toi, exige-t-il d'un ton sec. Je crois comprendre qu'il essaie vraiment de faire preuve de patience et de douceur, mais ça n'est pas du tout son truc. Pourquoi je suis couverte de sang ? Que je demande. Il pince les lèvres : Ce n'est pas le tien, explique-t-il.

Il pince les lèvres : Des amis de Jefferson ont attaqué mon frère et essayé de le tuer. Tu t'es interposé, et ensuite, on a dû partir. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, je suis allé de mon côté chercher des armes, on t'a retrouvé au volant de la voiture, tu nous as conduit jusqu'ici. Tu te souviens de ça ? Je secoue la tête. Des rôdeurs ont envahi le campement. Tu as pillé l'infirmerie. Pour me sauver. A nouveau, je secoue la tête. Je ne comprends rien. Karl soupire, aussi confus que moi sur cet instant. Je déglutis péniblement. On va devoir en rester là, que j'articule alors. Je détourne les yeux. Tu dois partir, où tu veux, avec ton frère, ta soeur et Xander, que je lui souffle simplement. Et je pars de mon côté avec Audrey, Zachary et Eva, je poursuis ça fermement. En essayant. Mais Karl me force à me rallonger. On en parle quand tu auras dormi...

Est-ce que tu te sens mieux ? Je relève les yeux vers Zachary. Le fait de changer de vêtements me fait déjà du bien. Il faut brûler les autres. Mais mes pupilles reviennent à mon talkie qui semble désespérément silencieux. Pas vraiment, que je souffle alors, la gorge nouée. Est-ce que tu peux nous guider jusqu'à chez toi...? Que je demande soudainement. Zachary fronce les sourcils. Les tiens doivent plier bagage, j'ai un endroit où les accueillir, où ils seront en sécurité. Nous sommes nombreux chez moi, et vous méritez un abri fiable. Si on peut y trouver refuge quelques jours, c'est... L'idéal, je pince les lèvres. Il hoche la tête : Très bien, souffle-t-il. Je devrais vous parler en partant, que je lui souffle. Ils ne viendront pas, les autres. Karl, Marius, Xander. Je ne peux pas les ramener, Zachary, à nouveau, hoche la tête.

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Je crois qu'il faut qu'on parle, Karl se redresse de son siège un instant. Je m'assoie en face, sur le bord du lit. Il m'a veillé une partie de la nuit. Et je crains sa réaction, il va sans le dire. Comment va ta main ? Que j'entame néanmoins en posant les yeux sur son bandage. Bien, assume-t-il simplement. J'ai du mal à le regarder dans les yeux. Mon coeur bat vite, je suis mal à l'aise. Sebastian détesterait ce que je suis en train de faire, mais je ne suis pas un monstre. Je ne peux pas... Partir sans dire la vérité. On va plier bagage avec Audrey, Zachary et Eva, et partir loin d'ici. Je te l'ai dit hier et je le pensais vraiment, que je souffle.

Je lui fais un signe de la main quand il va pour m'interrompre : Je ne peux pas te ramener chez moi, parce qu'il y a des gens - comme moi - que vous détestez par essence, que j'ajoute simplement. Il semble perdu, fronce les sourcils : Anika, je ne te déteste pas, précise-t-il rapidement. Je ne m'appelle pas Anika, que j'ajoute. Il se tait. Je m'appelle Olivia, je suis cuisinière, enceinte et juive, ses yeux sombres se voilent d'une froideur terrifiante. Pardon ? Je ne pratique pas, si ça peut te rassurer, pourquoi je le précise ? aucune idée. Et Otis, qui a fuit quand on s'est rencontrés ? C'est mon ami, et j'espère qu'il a survécu, de toutes mes forces.

Un soupir m'échappe, je relève les yeux vers lui : Tu en fais ce que tu veux, Karl. Tu peux même me tuer maintenant si ça te chante, si c'est comme ça que tu veux que ça se termine, ça te concerne : C'est toi et ta conscience, à mon niveau, je suis encore épuisée et je ne peux rien y faire. Je crois quand même qu'on était plutôt doués pour se faire confiance, mais que tu as besoin... De trouver les réponses à tes questions et à ta haine. Je suis désolée d'avoir menti, je pense que tu comprends pourquoi je n'ai pas été sincère avec vous, je n'aurais pas survécu à tout ça. Tu peux garder les derniers ressources, à quatre, vous tiendrez plusieurs semaines sans doute. Si jamais tu restes dans le coin... je marque un temps. Je me renseignerais si un Anton existe bien, Anton Andersen, ça ne doit pas courir les rues, que j'ajoute.

Tu n'as pas besoin de moi pour survivre, tu n'as jamais eu besoin de personnes pour ça, Karl, que je lui rappelle d'un ton ferme en posant un regard sérieux sur lui. Il s'est débrouillé sans moi jusqu'ici, il le fera encore après sans aucun doute là-dessus. Je ne cherche pas plus loin, tout comme je ne m'explique pas l'attachement dont il semble faire preuve à mon égard. Car dans ses mots, je le sens davantage contrarié que je le laisse plutôt que je lui ai menti. Mais je sais surtout que je ne peux pas vous ramener là où je vis, que j'ajoute simplement. Tu es assez intelligent pour t'adapter. Mais ton frère ? Je n'exposerais personne au danger qu'il représente, tu dois me comprendre, notamment parce qu'il le connait mieux que personne.

Je ne cherche pas plus loin là encore : Et pour Xander... Je suis désolée pour lui, je garde en mémoire la facilité déconcertante avec laquelle il est capable de lever la main sur une femme. Mais il a besoin de se remettre en question et d'évoluer également, je ne peux rien dire de plus que ça. Si vous voulez un jour un abri, je pourrais vous en offrir un, un vrai, un endroit où ils pourraient être vraiment bien. Leur force serait un avantage pour nous, j'en suis convaincue... Mais pas comme ça. Cependant, il se fera selon mes règles parce que je devrais répondre de vous, et je refuse que ça soit aux dépends des autres. Si j'ai le moindre doute vous concernant, alors je ne prendrais pas le risque de mettre mes enfants devant des psychopathes, que j'ajoute.

Un soupir m'échappe, je pince les lèvres avant de secouer la tête : Là aussi, tu dois me comprendre, même s'il s'obstinera sans doute. Je préfèrerais qu'il en soit autrement, ne pas avoir besoin de mentir ou trahir, je suis terriblement mauvaise pour ça. Pour ce que ça vaut... J'ai toujours été... Moi-même, je ne sais pas si ça change quelque chose pour lui. Je suis simplement incapable d'être une autre. Je sais que Marius n'est pas en état, tu es encore souffrant et je ne vous souhaite pas de mourir, quoi que vous ayez fait, je serre les mâchoires, me mordillant la lèvre avant de reprendre pour ne pas rester sur un point final : On pourrait se retrouver ici dans... Deux ou trois mois ?

Je suggère l'idée, je m'y raccroche aussi, maladroitement. Se laisser des messages si jamais on se rate, c'est aussi une possibilité. Sebastian va détesté. Je pourrais te dire si je trouve la trace de ton frère, que je promets. Je laisserais le choix à Eva de me suivre ou non. Si elle vient, ça sera sans Alexander, ma condition est limpide et je ne reviendrais pas dessus, que j'ajoute alors en soupirant. A prendre ou à laisser, et il vaudra mieux pour elle qu'elle la prenne. Je vais le demander à Eva, j'imagine qu'il ne vaut mieux pas que Xander soit dans le coin si elle accepte et que nous devons partir, je le fixe, m'arrangeant pour capter son regard : Est-ce que je peux compter sur toi pour le contenir si ça dégénère ?