C'est compris, je serais là, je baisse les yeux après coup. La conversation s'est passée, j'imagine que ça aurait pu être bien mieux. Je sais que les mots de Karl sont surtout une menace. Si je ne suis pas là, il me traquera, surtout. Je pince les lèvres avant de soupirer, consciente que ce que je vais demander à Eva ne serait pas facile. Je me dis que maintenant que je suis lancée, autant continuer sur cette voie. Je souffle longuement pour me motiver, toujours fatiguée néanmoins, avant de faire signe à la blonde. C'est à part que je la prends, pour lui parler en tête à tête. Et je sens à son regard brouillé qu'elle n'aime vraiment pas ma demande. Eva, elle sanglote de plus belle et secoue la tête, me supplie de fournir un effort, qu'il se tiendra à carreau mais... Je ne suis pas en train de négocier avec toi actuellement, que je tranche froidement.

Anika, je t'en prie ! Je ne peux pas partir sans lui, c'est mon mari ! Je pince les lèvres en secouant la tête, je suis obstinée et résignée : C'est à prendre ou à laisser... Que je lui annonce en prenant le ton le plus ferme que je peux. Je n'aime pas me répéter, je me tiens droite, sans faire très attention à ce qu'elle fait. Elle sanglote, un gémissement lui échappe. Je l'imagine douloureux, sans aviser qu'il pourrait s'agir d'une sentiment d'injustice criant. Eva se détourne, ses yeux embués de larmes me sondent longuement. Et elle revient vers moi pour sans doute reprendre ses suppliques :Je sais que ça n'est pas ce que tu veux entendre, mais- Une douleur me cueille dans l'aine brusquement me coupe le souffle.

Je ne comprends pas immédiatement de quoi il est question, pas même quand la lame se retire de mon bas ventre soudainement. Ma main se plaque dessus, se mêle au sang un peu trop chaud qui s'écoule de la plaie. Oh... Eva semble être aussi stupéfaite que moi. Pourtant, elle tient le couteau, qu'elle laisse tomber au sol comme s'il venait de la brûler. Qu'est-ce que- Je titube un instant en arrière, un tournis me prend. Tu... Quoi ? Mais qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Anika, je suis désolée... Je... Je me maintiens à la commode derrière moi pour ne pas tomber mais j'ai l'impression que toutes mes forces me quittent à cet instant. C'est bon, ça va... que je mens comme je peux.

Je reste rationnelle, il le faut. Malgré le vent de panique qui souffle, je dois impérativement garder mes nerfs. Ce n'est pas grave Eva, tout va bien... La blonde me soutient comme elle peut, m'aide à compresser cette plaie. Ses doigts se teintent de rouge. Tu devrais aller prévenir les autres, et ramener Zachary ici, ok ? Elle hoche la tête de plus belle. Il va regarder si ça n'est pas trop profond et si on peut recoudre, et ça suffira sans doute, n'est-ce pas ? Bon sang, je n'en sais rien. Je n'en sais rien non plus parce qu'une vive angoisse me tient la gorge : elle a tapé bas. Et si ça affecte le bébé ? Si je le perds ? J'inspire profondément pour me calmer. Une chose à la fois, ça va aller. Je n'entends pas les pas qui font grincer le parquet, je n'entends rien sinon les battements de mon cœur.

Oh merde, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Zachary est à mes côtés, je ne sais pas quand il est arrivé. Il me saisit par le bras pour me forcer à m'asseoir doucement au sol. Rien, rien, ça n'est rien... Ses yeux sondent autour de lui, remonte mon pull gorgé d'hémoglobine, puis le couteau non loin, les mains d'Eva... Karl se ramène aussi. Dépassé. Tu l'as poignardé ?! Lâche-t-il sous le coup de la stupeur. Ma tête bourdonne soudainement. Je dois rester consciente et rationnelle. Pourtant tout autour de moi, ça va trop vite. Mais putain ! Ce n'est pas rien, Anika ! Reprend-t-il en scrutant la plaie. Le sang ne l'aide pas beaucoup. Reste consciente... Exige-t-il fermement. Je hoche la tête. Oui, je vais faire ça.

J'inspire et j'expire longuement. Je fais tout mon possible pour garder mon calme pendant qu'il m'ausculte. Pour l'instant, il doit surtout éponger le sang comme il peut, c'est laborieux. Est-ce que ça va aller ? Je peux faire un pansement compressif, recoudre même, mais je ne sais pas les dégâts internes que ça a pu causer... Je me sens vaseuse, et douloureuse. Ma main saisit alors celle de Karl fermement : Vous devriez partir avant qu'il ne revienne ici, que je glisse à l'homme qui est venu à côté de moi. Je le fixe avec sérieux, quand une grimace passe. Je pense à Sebastian. Je le connais. Et je sais ce qui couve en lui. Je l'aime malgré ça... S'il me voit blessée et qu'il apprend ce qu'il s'est passé, il vous tuera, que je souffle tout bas. Partez... C'est presque une supplique à ce niveau-là...