Je ne me formalise pas par le ton sec ou froid de l’homme avec moi. Je reste définitivement de celle qui regarde le verre sur le dessus pour l’imaginer plein sans se demander s’il est à moitié vide ou pas. C’est donc en souriant à cette pique que je lui réponds:

“Comment connais tu ma bottes secrète?”

L’humour est aussi mon meilleur bouclier pour traverser les épreuves que la vie nous impose. Chacun sa façon de survivre j’imagine. Toujours en m’activant je continue à lui faire la conversation avec ce coté solaire qui est le mien:

“Tu as déjà été au store? Effectivement tu as de tout, mais c’est parfois un peu “remuant” dirons nous”

Si je n'étais pas spécialement effrayé en sa présence, le fait qu’il n’a eu aucun geste me donnant matière à me méfier ou me defendre me conforte dans cette idée que ce n’est qu’un naufrage lui aussi. Avec ses blessures et sa claudication, j’imagine qu’il est de ceux qui portent une lourde histoire et espère en commencer une nouvelle au Store sans ce rendre compte que c’est loin d'être El Dorado promis.

Quand je le rejoins sur le pas de porte, toujours hésitante face à cette pluie fine et froide qui me donne des frissons juste à la regarder je fronce les sourcils en pensant voir quelque chose dans les buissons. Cela ne serait sûrement rien sans la question de l’ancien du NML. Cette fois, j’ai un ton sérieux et de l'inquiétude dans les yeux:

“Toi aussi tu crois avoir vue quelque chose?”

J’avale difficilement ma salive me sentant horriblement nue, non pas d’etre juste en pull chaussette, mais plus d’etre sans mes armes. Je réfléchis à sa question. Impossible d’avoir des certitudes vu que je me suis réveillée non loin de cette cabane.

“Je ne vois pas qui ni comment… dis moi, par hasard, quand tu parlais de ton lot d’emmerdes de ces derniers temps, est ce qu’il y aurait des choses qu’il serait intéressant que je sache avant de te demander si tu n’as pas un couteau a me prêter?”

Mon regard coule sur sa jambe malgré moi. Sous ses vêtements impossibles de deviner ce qui le fait boiter de la sorte mais j’ai un doute dans le fait qu’il puisse courir. Certes, je ne suis pas mieux en chaussettes, mais je me sens dans de meilleures conditions que lui pour me défendre si besoin. Je me rapproche de lui et murmure :

“Ma voiture est a l’est de la ferronnerie, si on est séparé, vas par la, je me débrouillerais pour te faire gagner du temps…”

J’ai dit que je l’aiderais, même si je ne suis toujours pas sure de son prénom, la loyauté est une valeur importante a mes yeux. Qui plus est: j’ai été élevée dans le Montana ou la nature est autrement plus sauvage qu’ici avec des parents qui aimaient nous emmener avec eux en périple. Je me sais débrouillarde et capable.

La tension monte d’un cran et je le regarde avec gravité, pour une fois, quand il m’explique avoir géré ses emmerdes. Etrangement, je le crois sans pouvoir expliquer pourquoi. J’essaye de me creuser la tête de mon coté, personne ne sait exactement ou je suis dans mes proches ou mes clients. Je suis allée a la ferronnerie sur un coup de tête en partant de JK. Impossible que celui qui hante mes nuits soient ici aussi…  Des opportunistes est bien plus probable et ca n’a rien de plus engageant. Je le sens hésitant à me confier une arme mais il finit par le faire non sans me sortir une tirade qui me ferait presque sourire sans un contexte aussi dramatique:

“J'évite de tuer des gens qui ne m’ont rien fait avant qu’ils ne payent un verre dans un hôtel de luxe, tu devrais être safe pour le moment”

Mon maigre sourire se meurt rapidement quand il m’annonce qu’on est encerclé. Ca veut dire qu’ils sont combien? Je me place dos a dos avec son couteau prête à défendre ses arrières. Je ne sais pas encore ce qu’il vaut ni s’il sait se battre en groupe, mais je sens que je ne vais pas tarder à le découvrir alors qu’il est évident qu’il y a des bruits d’armes et de pas autour de nous.

“J'espère que tu dis vrai pour ton coté mauvaise herbe…”

Une forte lumière s’allume et on se retrouve avec des lampes braquées sur nos visages, nous éblouissant copieusement au passage. C'est le genre qu’on accole à une arme à feu. Je peste en vieux francais alors qu’une voix, avec un fort accent hispanique raisonne.

“Cé louiii, yé lé reconnnou!! Ils étaient avec ceux qui ont toué mon hermanito!”

Je lance un regard a mon voisin qui pourrait être sous titré par “tu es sur d’avoir si bien fait le menage?”. En attendant j’estime qu’ils sont 11 et vu la position estimée celui dont j’ai le pull ne s’est pas trompé, on est bien encerclés.

“Des yours que yé le souis! yé souis soure de moi!
- Est ce qu’on peut discuter? Il s’agit surement d’un malentendu…
- Putain… Demetra? Qu’est ce que tu fous là? Éloigne- toi de ce tueur!!”

Une lampe se baisse et je crois reconnaître la voix de la personne qui vient de parler immédiatement je pose ma main sur celle de Roman qui tient son arme et je tente de lui faire non de la tête. Je reste a coté de lui parce que je pense reconnaître les chasseurs de primes que nous avons en face et ils sont connus pour avoir la gâchette facile.

“Diego? C’est toi? Juan est avec toi? J’imagine que Paulo aussi… Il y a moyen que vous baissiez ces lampes et ses armes avant de nous expliquer ce qui se passe?”

Ca marche un peu meme si je vois bien que certains garde “la mauvaise herbe” en joue. Au moins on y voit mieux et je m’assure de rester entre eux et leur cible. Ce sont des clients avec qui, comme beaucoup, j’ai pas mal parlé mais ca reste des chasseurs dont je ne doute pas de la couleur de leurs mains. Qui plus est, depuis combien de temps traque t’il leur cible.

“Cet homme est lié a un groupe de mercenaires qui a massacré les notres il y a plusieurs mois, Miguel est sur de lui…
- Et bien dit a Miguel qu’il se trompe! Depuis le temps que je le connais je peux t’assurer que je ne l’ai jamais vu dans ce genre de groupe sans compter qu’on se dit tout lui et moi! Alors j'espère que vous avez meilleure excuse pour interrompre notre nuit en amoureux au pire moment, sinon je peux vous jurer qu’il va falloir trouver une autre forgeronne…”


Je dis cela avec le sourire mais la menace est entendue, ils savent que je suis la seule. Je les sens douter et je devine qu’il regarde ma tenue qui les met mal à l'aise.

“Miguel! Tu es vraiment sur de toi?
-Yé… yé… yé sais plous….”

C’est a “mon cheri” que Diego s’adresse:

“Tu as un nom? Tu viens d’ou? “

Spoiler:

Je les regarde scruter celui qui est dernière moi sans que je sache si je suis en train d’essayer de sauver un innocent ou un meurtrier. D’ailleurs, je pourrais le laisser a son triste sors sans me retourner, mais ca ne serait pas « moi ».  Je préfère faire confiance a mon instinct qui me dit que si ce type avait voulu me faire du mal, ca serait déjà fait. Dans tous les cas, j’ai du mal avec les mises a mort a 11 contre 1 sans l’ombre d’un procès. Même si je m’entends bien avec ces chasseurs, je les connais un peu trop pour ne pas savoir le sort qui attends « mon chéri ».

Je lève les yeux au ciel quand Diego pose des questions et c’est avec un peu d’agacement et beaucoup d’humour, que je lui rétorque :

« Mais c’est quoi cet interrogatoire ? T’es jaloux ou tu te prends pour mon père ? »

Au moins ca fait ricaner les autres. En attendant mon amoureux dont je ne connais pas le nom, essaye de s’en sortir. Son allusion aux femmes en colère semble amuser les chasseurs et je lève les yeux au ciel juste pour la forme.

« Crois moi, les frustrées sont encore pire mon cœur… »

C’est crédible, mais en même temps, je les sens toujours douter.

« Diego, on va y passer la nuit ou pas ? Je me porte garante pour lui, donc a moins que tu ne veuille ruiner ma vie couple comme tu viens de ruiner une partie de jambes en l’air avec mon mec, il y a moyen que tout le monde baisse les armes pour de bon ?»

Il semble réfléchir et fait signe aux autres. Je suis plus que soulagé de les voir se détendre et je me rends a peine compte que j’ai encore la main crispé sur le bras de celui que je viens de sauver.

« Néanmoins on traque vraiment un enfoiré qui a été suivi jusqu’à cette zone. Vu comment on vous est tombé dessus, je pense que vous devrez attendre un endroit plus sur pour jouer au tourtereaux. Venez avec nous pour ce qui reste de nuit, je serais plus tranquille, on vous ramènera a ta voiture au petit jour… enfin, tu veux peut être te rhabiller avant Demetra ? »

Un peu gênée par la question, c’est avec un sourire pas loin de la grimace que je lui réponds :

"Alors, en fait… disons que dans l’euphorie du moment… mes vêtements n’ont pas survécu. »

Cela fait bien rire et, pour le moment, je ne vois pas comment éviter « la proposition » de Diego et des siens qui nous escorte vers leur campement. J’entends qu’un de leur groupe va taper dans le dos de « mon conjoint » avec un : « Sacré veinard ». Plusieurs prennent la peine de se présenter a lui amicalement. Le chemin est court mais je suis a nouveau trempée quand on arrive a cause de cette pluie qui n’arrête pas.

Leur campement est surtout des tentes et toiles tendues entre les voitures. De façon fort sympathique, on me propose des vêtements secs et un peu d’imité dans une tente pour me changer, on aura meme le droit de la squatter pour la nuit. Pendant que je me change, j’entends qu’on propose aussi des vêtements secrets de la nourriture chaude a « Romain ». En même temps que j’enfile un pantalon trop grand et un T shirt qui m’arrive a mi-cuisse, j’écoute ce que Diego raconte :

« On traque un groupe d’hommes qui a massacré ma famille. Je n’étais pas la quand ca c’est produit, il n’y a que Miguel qui a survécu alors qu’ils étaient 20… c’est un groupe de mercenaires qui a fait ça, tu connais les Expendables ? Miguel est sur d'avoir vu l'un des leurs il y a quelques jours. Il l'a suivi jusqu'ici le temps qu'on rapplique. Une chance qu'on vous ait croisé avant lui. Pas sur qu'avec le pantalon sur les chevilles tu aurais pu défendre Demetra. D'ailleurs, je n'ai toujours pas ton nom... vue que Demetra est presque une petite soeur pour nous, il va bien falloir que je sache comment appeler mon futur beau frere...»

Je leve les yeux au ciel de la ou je suis en soupirant. Il est pire que mon pere.

Spoiler: