La chasse… La traque… La fuite… La survie. Quatre étapes, intimement liées entre elles, mais pas seulement. Quatre étapes, qui lient également la proie à son prédateur, alors que l’un comme l’autre doit vivre selon ces préceptes, selon cette balance de la vie contre la mort qui ne penche vers un côté ou l’autre que grâce à la chance, les compétences et… Le destin ? Allez-savoir.

Toutefois, il n’y avait aucune joie, aucun rictus de satisfaction lorsqu’Ulysse entendit les râles et le cri d’un de ses assaillants, victime d’un des pièges. Il y eut, toutefois, une grimace de crainte, lorsque le crépitement puissant d’une détonation vint mettre fin à ces complaintes. Ainsi donc, de trois, ils étaient dorénavant deux… Mais ces deux-là, outre leurs capacités de survie accrues, devaient dorénavant être aussi motivés à tuer le trappeur qu’ils le furent à achever leur partenaire.

Soudainement, le visage du trappeur redevient sévère et sérieux, et se tourne vers une direction dont il perçoit des échos. Des rôdeurs… Une certaine quantité, d’ailleurs… D’un coup d’œil, il peut les apercevoir, là, dehors. Il en compte un peu moins d’une vingtaine… Mais tout de même, cela représente un nombre conséquent, surtout lorsqu’on est seul… Surtout lorsque deux gaillards capables d’amadouer les hordes, se lancent à votre poursuite…

Alors, Ulysse décide de s’enfuir. Ou du moins, d’arpenter un peu plus la bâtisse pour trouver une hauteur, un coin, ou quoi que ce soit d’autre, qui pourrait l’aider à se battre… A se cacher… Ou à fuir. Mais voilà, dans la précipitation de la décision et de la réflexion, il en oubli une chose : cette bâtisse est fragile. Et alors qu’il prend appui pour bondir un peu plus loin, sa jambe traverse le sol… Il ne peut plus bouger, ni avancer. Et, pour couronner le tout, la destruction du sol sous sa jambe provoqua une multitude de débris, de craquements et de chutes, qui auraient tôt fait d’indiquer sa position à ceux qui tentaient de le chasser.

Se reprenant, Ulysse parvient à sortir sa jambe et, en l’inspectant rapidement, n’y voit que les traces d’ecchymoses débutantes, et une douleur lancinante qui l’embêterais sans doute pour les quelques minutes à venir. Claudicant un peu, il se reprend et regarde autour de lui. Là, il avise… Et entends. On vient ! A l’étage du dessous ! Déjà !

Ni une, ni deux, il trouve un tapis qui était non loin de là, et le déplace pour pouvoir camoufler le trou qui, espérait-il, allait servir de piège à ses assaillants. La chose faite, il chercher… Encore. Et il trouve, encore ! Dans un placard à moitié effondré, se trouent des produits ménagers et de l’alcool à brûler. Il les place alors ensemble, les reliant grâce à un tissu avant de les placer en hauteur, sur la même étagère. Il noue ensuite un fin fil de lin, et le noue, de l’autre côté, à une anicroche dans le tapis placé au-dessus du trou. Mais comment l’incendier ?

Il le fera lui-même. Dès lors qu’arriveront les assaillants, et que se déclenchera le piège, il jettera lui-même son briquet dans la flaque de produits inflammables, et s’en ira alors, laissant la bâtisse brûler.

Caché, Ulysse ressent alors une étrange sensation. Peu de gens connaissent cette sensation. Elle vient des entrailles. Elle vient du cœur. Elle vient de ces choses intérieures qu’aucune médecine ne peut réellement caractériser ni observer, mais que les philosophes, les poètes et les arts des lettres, eux, connaissent depuis des siècles : l’instinct de survie. Un instinct fort, poignant, omniprésent, qui transforme la moindre vie en une formidable ressource de survie, de combat, d’adaptation et de force. Une résilience à toute épreuve, souvent.

Cet instinct de survie diffère parfois, entre deux types de situation : la survie contre la nature et la survie contre l’homme. Aujourd’hui, Ulysse ne devait point faire face à ses entrailles dans le cas d’un affrontement entre lui et la Mère Nature, non. Il ne devait point affronter un ours, non. Ni même courir à perdre haleine pour pouvoir échapper à une horde de loups, non. Il devait échapper à des hommes. Des êtres humains sans doute moins humains que ces décharnés décrépis qui n’en ont plus que la forme…

Enfin, ses pensées revinrent à lui. Ils arrivaient, ces deux personnages… Ils arrivaient, et avec une rapidité trahissant une agilité insoupçonnée. Ils entrent, enfin ! Et, sans mander leurs restes, voyant le brouhaha de cette pièce où quelqu’un s’était visible activé à fuir, le premier s’avance et, marchant sur le tapis de tout son poids, traverse le sol pour chuter un étage plus bas. Point de cris ne monte de son étage à lui… Mais la chute, accentuée par son propre poids, la réception sans doute désordonnée sur une articulation pas préparée à une telle chute, neutraliseraient suffisamment cette menace pour ne plus en être une du tout…

Le second, lui, saute à deux pieds au-dessus de ce trou béant. Avec la chute, l’armoire préparée et piégée, chute, elle aussi dans un bruit tonitruant. Et alors se répandent les liquides inflammables qu’Ulysse avait préparé. Ni une, ni deux, Ulysse sort de sa cachette, arme au poing, et jette de l’autre main libre le briquet qui lui restait. Flamme bien voyante, il atterrit dans la mixture inflammable… Et provoque immédiatement un brasier ardent.

Sans demander son reste, Ulysse ne s’attarde pas : regarder tel spectacle n’est pas dans sa nature, il veut fuir et rester en vie. Il entreprends alors de quitter la bâtisse…