Je ne supporte pas de laisser croire à l'ennemi qu'il est parvenu à m'affaiblir. Cela ne ferait que lui donner l'occasion de frapper à nouveau. Pragmatique, raisonnable, ainsi je prends chacune de mes décisions en espérant qu'elles me permettront de tenir bon. D'assumer les responsabilités qui m'incombent et de tenir les promesses que j'ai fait en accédant au siège de Sénatrice. Je souhaite profondément m'impliquer pour que mes objectifs politiques soient atteints. Depuis des années je me battais dans l'ombre en acceptant les risques qui y étaient liés. Aujourd'hui, je me dois de faire de même avec ceux qui accompagnent le fait de se battre en pleine lumière.

Nous y parviendrons. J'en suis certaine. Nous ne les laisserons pas nous prendre ce que nous avons tant eu de mal à obtenir. Mais en attendant... J'imagine que me reposer pour pouvoir revenir au meilleur de ma forme est la seule chose que je peux réellement faire, dis-je avec un fin sourire ornant le coin de mes lèvres, se voulant rassurant. La convalescence sera longue et frustrante, mais pourtant nécessaire.

***

Une nouvelle journée éreintante vient enfin de toucher à sa fin. Et comme presque chaque soir depuis les dernières semaines – celles ayant succédé à ma rémission totale suite à la tentative d'assassinat contre ma personne – le rituel a été le même. La porte de mon bureau fut fermée à clé. La porte principale s'ouvrit pour accueillir mon visiteur habituel: Jacob. Nous sommes montés à l'étage, afin de profiter simplement de la présence de l'autre.

Ainsi, assise sur l'accoudoir du fauteuil dans lequel est installé le brun, je laisse délicatement mon bras prendre place autour de ses épaules alors que je viens placer entre ses mains le verre que j'étais allée lui servir. Oh, le mien se trouve déjà sur la table juste à côté de moi. Évidemment. Il s'agit de sympathie, et non de servitude. Ce soir, je te fais goûter à une bouteille que j'apprécie tout particulièrement. Un rhum produit à Porto Rico. Goûte, tu verras. Il a des notes de vanille et de caramel. Tu me diras ce que tu en penses. Et comme à chaque fois que je suis à ses côtés, je ne peux me défaire de ce fin sourire ourlant mes lippes. Ce dernier est sincère, incontrôlable, et exprimant sans mal à quel point est-ce que la présence du brun est importante pour moi. Presque essentielle, en réalité. Car tout au long de mes journées, l'instant que j'attends le plus est celui où nous nous retrouverons tous deux ici.

Alors que je prends place aux côtés du brun, le laissant récupérer le verre que je lui tends avant de moi-même m'emparer du mien pour le porter à mes lèvres, je viens distraitement perdre mes doigts dans sa chevelure. Je n'ai aucun mal à me rendre compte de son épuisement, ces derniers temps. A croire qu'il ne parvient pas à reprendre du poil de la bête. Nul doute qu'il s'agit d'un constat qui me frustre au plus haut point, car je suis bien incapable d'y changer quoi que ce soit.

Lorsque sa main vient glisser à ma taille, je n'oppose aucune résistance. Bien au contraire, je suis le mouvement induit en venant m'installer sur ses jambes sans rechigner. S'il existe une pudeur certaine dans notre relation, cela serait mentir que de dire que je lui suis insensible. Ainsi, prenant place, je ferme même les yeux alors que le visage de l'homme vient se nicher au creux de mon cou. Penchant la tête sur le côté pour lui permettre d'être plus à l'aise encore, ma main libre glisse de ses mèches à sa nuque pour la caresser lentement du bout de mes ongles avant de descendre lentement sur ses épaules et ses omoplates.

Est-ce que tu veux peut-être aller t'allonger ? Il n'y a là pas le moindre sous-entendu érotique bien évidemment. Je ne fais qu'essayer, du mieux que je peux, de veiller à son bien-être. Appuyant un peu plus mes doigts en passant sur la musculature de son dos, je peux sans mal constater les nœuds qui s'y trouvent et prouvent qu'il est bien loin d'être détendu. Je ne suis pas professionnelle dans le domaine, mais je pourrais te faire un massage si tu le souhaites. Tu es tout tendu.

Lorsque le brun se redresse, mes yeux sont inexorablement attirés vers les siens, comme à chaque fois. Et tel un reflet dans le miroir, mes lippes viennent s'étirer pour répondre au sourire de Jacob par l'identique. Je suis bien incapable de résister, nul besoin d'essayer de le nier. Ma main toujours sur ses épaules remonte lentement pour revenir jouer avec les cheveux à la base de sa nuque, du bout des doigts. Caresser sa peau du bout de mes ongles avec légèreté. Il ne s'agit pas d'exploitation, si l'idée vient de moi, tu ne crois pas ? Et puis, je n'aurais pas la prétention de faire un massage à visée médicale. Simplement pour t'aider à te détendre.

Je viens porter mon verre à mes lèvres, me délectant du véritable nectar contenu par celui-ci, avant de revenir observer l'homme sur lequel je suis assise. Cette proximité entre nous est à la fois une bénédiction et une torture. Car si chaque moment passé en sa compagnie me donne à nouveau l'impression d'être vue telle que je suis, je ne puis prétendre qu'il me laisse indifférente. Malgré cela, je sais que son ex-femme est encore bien trop présente dans sa vie pour qu'il puisse réellement s'intéresser à moi comme je le souhaiterais.

Tu pourrais demander bien plus, pensais-je sans le dire avant de prendre la parole. En toute honnêteté, d'un point de vue purement égoïste j'attends chaque jour avec impatience le moment où tu franchiras cette porte. Alors... Ne compte pas cela comme une faveur que je te fais, car en réalité c'est plutôt l'inverse. Dans ce cas, j'estime qu'un remerciement est de rigueur. C'est avec une touche d'espièglerie que je prononce mes derniers mots, quittant à contrecœur les jambes du brun pour faire le tour de son siège et m'installer derrière lui après avoir déposé mon verre sur la petite table. Là, mes mains viennent toutes deux trouver ses épaules pour s'y perdre d'abord en caresses avant de commencer un massage qui, je l'espère, lui fera du bien.

Crois-tu que je te mentirais?, demandais-je d'un air à la fois profondément interrogateur mais également légèrement amusé. La façon que peut avoir cet homme de constamment douter de l'évidence a un côté attachant bien qu'il soit également triste de constater le peu de foi qu'il peut avoir en lui-même.

Poursuivant les gestes de mes mains, je viens masser avec un peu plus de force ses trapèzes, ses omoplates, remontant parfois sur sa nuque jusqu'à la naissance de ses cheveux avant de descendre sur le haut de son torse. Bien évidemment, je me montre attentive à tout geste de sa part qui pourrait m'indiquer qu'il estime que je me montre trop intrusive – et ce même si je serais déjà allée bien plus loin si cela ne dépendait que de moi.

Mes mains ralentissent pourtant lorsqu'il prend la parole, s'attardant malgré moi sur son torse, alors que j'écoute attentivement ses mots. Et je me dois d'avouer que je suis soulagée d'être derrière lui en cet instant car ainsi il ne peut apercevoir le sourire presque adolescent qui vient étirer ces lèvres que je viens torturer doucement entre mes dents. Et bien, j'avoue que je craignais que tu ne poses jamais cette question, dis-je en faisant une nouvelle fois le tour pour revenir me mettre face à lui. Reprenant cette place que j'affectionne tant sur ses jambes, je laisse une main sur ses épaules tout du long et viens glisser mon autre main sur sa joue, plantant mon regard dans le sien.

J'en serais comblée.