La vie suivait doucement son cours, je n’étais pas ressorti dehors depuis que j’avais croisé les pillards avec Abel. Je me sentais incapable de remettre les pieds dehors et puis avouons-le, il était bien plus rassuré de me voir dans les murs de notre camp. Je me rendais utile à ma façon. Je m’occupais des tâches ménagères, la cuisine et même des enfants du groupe. J’étais en train de jouer avec les enfants dehors alors qu’il faisait beau, du moins pour le moment. Un énième appel aux mobs se fit entendre. Je n’étais pas plus étonné que ça, il y en avait toutes les dix minutes par moment.

Cependant, je n’entendais pas le bruit caractéristique des coups de feu. Est-ce qu’il avait décidé de les tuer au corps à corps, je n’en savais rien, mais je trouvais la situation un peu étrange. Je m’approchais alors de la grille, les personnes qui étaient dehors ne semblaient pas transformées. Les silhouettes étaient presque familières même. J’utilisais mes souvenirs pour essayer de comprendre de qui il était question quand tout à coup, une lumière dans mon esprit me fit comprendre. C’était la famille Karlson. Ils étaient de retour, cependant, je ne comptais que deux silhouettes, qu’était devenue Sven ?

J’étais bien trop heureuse de les voir de retour pour avoir des idées négatives. Je laissais les enfants avec qui je jouais à Kitty pour aller avertir le chalet. J’ouvrais la porte d’entrée en grand et me précipiter à la rencontre de mes amis. Le premier que je trouvais c’était mon petit blond préféré.

- Diabo ! Les Karlsons ! Ils sont en chemin ! Ils sont de retour ! C’est trop bien ! Faut faire tourner la nouvelle.

Je ressortis presque aussi rapidement, pour les observer et être la première à les accueillir.

Leurs peaux tannées par le soleil ne pouvaient masquer leurs traits tirés. Par la faim et la fatigue. Cela faisait de nombreux jours qu'ils avaient quittés les zones urbaines et qu'ils marchaient. Dans la montagne, les heures défilaient autrement. Les jambes étaient plus lourdes, mais la quiétude autour d'eux avait un aspect rassurant. Ici plus de rôdeur, enfin presque, et le cauchemar semblait ainsi lointain. Pourtant à chacun de ses pas, Christina ne pouvait que ressentir l'Absence. Celle de son garçon, perdu à Olympia un peu plus de deux semaines plus tôt. Ils avaient alors déjà décidé de retourner à Evergreen Ridge et le sort se riait d'eux. Puisque leur périple ne pouvait être qu'un échec – il n'avait pas retrouvé celui qu'ils étaient partis chercher – qu'ils soient maudits ! Aussi le couple revenait-il seul... sans leur dernier fils... Il ne manquerait plus que la station de ski soit désertée !

- Tu vois quelqu'un ? Demanda Christy en fronçant les sourcils et plissant les yeux, alors que le chalet bien connu apparaissait enfin dans leur champ de vision.

Le soleil aveuglant était encore haut et elle ne pouvait deviner les corps qui commençaient à s'agiter à l'intérieur de l'habitation en bois. Ils avaient réussi à rentrer. Enfin ! Alors que leur but était tout près, la femme sentit toute force commencer à s'envoler et les derniers mètres se transformèrent littéralement en torture. Comme si le peu d'énergie qui la faisait avancer jusqu'ici s'était envolée ! Il ne leur restait probablement qu'une centaine de mètres à parcourir, quand Christina sentit ses jambes se dérober sous elle. Elle fléchit sans tomber.

- Je ne vais pas y arriver, souffla-t-elle à son mari qui vint passer un bras autour de sa taille pour l'aider à avancer.

Au même moment, quelques membres de leur ancien groupe accouraient dans leur direction pour les accueillir et les aider dans ce dernier effort.

    A bout de force. C'était la seule chose dont je me rendais encore compte, ce corps qui peu à peu s'affaiblissait, et qui était désormais vide de tout. Le voyage avait été long et nous avait même parfois semblé interminable ; n'aurions-nous pas mieux fait de ne jamais quitter le chalet ? Bien sûr que si.

    L'après-midi était déjà relativement bien avancé et je peinais encore à reconnaître les alentours, me demandant même si nous ne nous étions pas trompés de direction. Et finalement la grande bâtisse s'était dressée devant nous, toujours là, comme si rien n'avait changé ; la végétation autour ne la rendait que plus belle.

    Nous y étions. Le voilà, notre chez-nous... et pourtant, plus qu'un sentiment de joie, ce fut la peur et la culpabilité qui m'avait envahi. Le poids dans ma poitrine m'étouffait de plus en plus au fur et à mesure de notre approche. Nous avions prit la décision il y a près de trois mois de cela de partir chercher un fils, et nous revenions désormais seuls. Nous avions tout perdu. Je n'étais d'ailleurs pas certain d'être prêt à affronter les regards des gens, leurs potentiels reproches ni lire la peine dans leurs yeux, mais que pouvions-nous faire d'autre ? Quand nous avions perdu Sven, il était hors de question de rester plus longtemps là-dehors à risquer nos vie. Il nous fallait retrouver cet endroit et tous les nôtres, comme s'ils étaient l'encre qui me permettraient de ne pas flancher.

    Nous n'étions plus qu'à quelques mètres désormais et pourtant tout cela semblait si loin, si inatteignable. Secouant la tête négativement à la question de ma femme, je serre les dents comme pour me préparer à tout cela. Et alors que je me sens toujours plus faible à chaque pas, je remarque que Christy est dans un état tout aussi peu glorieux. Posant sur elle un regard gorgé de culpabilité et de peine, je passe un bras autour de sa taille pour l'aider un peu.

« Encore un petit effort, on y est presque. »

    Oui, nous y étions presque. Rentrés. Et déjà les premières agitations se faisaient entendre.

La journée ressemblait à toutes les autres. L'été offrait quelques moments de répit au groupe qui profitait des rayons de soleil pour être dehors autant que possible.

Edwin, pour une fois, ne montait pas la garde ou ne s'occupait pas des besoins du camp, profitant de ce repos pour être à l'écart et perfectionner l'entraînement de son jeune faucon. A l'avant, l'appel se fit pour prévenir l'arrivée d'un groupe de condamnés. Le soigneur eut le réflexe de poser la main à l'endroit où reposait habituellement son couteau militaire, se crispant un instant, le temps d'entendre le coup de feu. Il n'appréciait pas vraiment savoir ses amis en potentiel danger avec ces choses. D'ailleurs il se tendait alors que la détonation se faisait attendre et enfin, il s'avança alors qu'au compte-goutte, un attroupement se créait. Une voix non loin l'interpella pour lui balancer un "C'est génial non ?! Ils sont de retour !"

- Qui "ils" ?

- Les Karlson, Ed ! On est en train de prévenir tout le monde !

Le fauconnier ne savait que penser de cette information. Cela faisait des mois qu'ils étaient partis... Et enfin ils rentraient au chalet. Il s'approcha un peu mieux pour voir arriver ceux que bon nombre estimait perdus. Deux ? Mais... il en manquait un ?! Oubliant cette information pour le moment, il se détacha de la masse pour rejoindre ceux qui allaient au devant du duo afin de les aider à retrouver leur groupe.

Jake, un jeune lycéen du groupe était venu les voir alors qu'elle était penchée sur Skyler, lui inculquant les principes de suture avec les maigres moyens dont il disposait, alors que le jeune homme annonçait une phrase qui la fit vraiment sortir des phrases scientifiques qu'elle balançait à Skyler en appuyant ses propos à l'aide de schéma.
Les Karlson étaient de retour. Après tout ce temps, ils étaient enfin revenus, sérieusement ?
C'était pas trop tôt putain !

Intimant à la jeune étudiante de la suivre alors qu'elle enfilait sa chemise par dessus son débardeur, l'espagnole descendit rapidement les marches l'amenant jusqu'au couple qui semblait à bout de force, et surtout une Christina des plus mal en point.
Une partie de son esprit mourrait d'envie de lui jeter au visage qu'elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle même pour avoir osé se barrer tant de mois sans donner de nouvelle et en embarquant Alan et Sven dans son délire, mais s'en abstint sagement en se doutant quue Gary et Alan risquaient de ne pas apprécier qu'elle laisse la pauvre hôtesse de l'air s'écrouler à même le sol.

Prenant rapidement le pouls de l'hôtesse de l'air en fronçant les sourcils, elle débita ses recommandations à Skyler sans sourciller.

Malnutrition, et ça doit faire un moment que ça dure. Donne lui tout de suite un peu d'eau, et on l'emmènera à l'ombre rapidement.

Restait à savoir depuis quand exactement surtout. Une trop grosse dose de nourriture risquait de lui faire éclater l'estomac, ce n'était probablement pas la solution adéquate pour l'aider. Il y avait tellement de question qu'elle avait envie de poser. Ou était passé Sven, est-ce qu'ils avaient pu avoir des nouvelles de leur autre fils, pourquoi avaient-ils mis autant de temps à revenir ? Mais elle ne pouvait leur demander maintenant, elle devait absolument se concentrer avec Skyler sur la santé de Christina. Relevant le regard vers Alan, elle demanda sans sourciller.

Depuis combien de temps exactement, elle n'a pas mangé ?