Ils étaient rentrés, j’avais presque du mal à le faire rentrer dans ma petite tête. J’avais envie de leurs sauter dans les bras à chaque fois, mais je faisais de mon mieux pour contrôler mes pulsions. J’étais très heureuse de les savoir saints et saufs et tristes pour la perdre de Sven. La vie au chalet avait repris doucement son cours du moins c’est comme ça que je le voyais. Je faisais de mon mieux pour avoir toujours le sourire quand je croisais Alan ou Christina. J’avais la bonne humeur facile et le sourire communicatif alors autant m’en servir. Lorsqu’elle pouvait se montrer utile.

La veille, Gary nous avait demandé à Kass et moi d’organiser un festin ! L’équipe de choc pouvait donc se déployer pour faire quelques choses de fou. Il nous avait laissé carte blanche, autant dire que rien ne serait laissé au hasard pour satisfaire tout le monde et rendre l’endroit le plus festif possible. J’étais tellement excité à l’idée de faire un banquet en l’honneur de vivant. J’en avais à peine fermé l’œil de la nuit pensant sans cesse à tout ce que je devais organiser avec ma blonde préférée. La fête ne pouvait pas être entre de meilleures mains.

Je m’étais affairé aux cuisines tout la matinée, heureusement je pouvais compter sur l’aide de quelques personnes. Nous avons pu concocter deux délicieux ragouts, le premier au lapin, le second au poison. Le travail d’équipe permet de faire des choses vraiment magnifiques. Pendant ce temps, les hommes s’occupaient de dresser une table dehors. J’avais hâte de voir ce qu’il avait fait à l’extérieur. Je m’éclipsais quelques secondes pour pouvoir voir le résultat. Il avait fait un superbe travail tout ensemble.

- C’est parfait tout ça ! Je suis sûre qu’Alan et Christina vont adorer. Maintenant, si vous voulez bien m’aider, j’ai besoin d’hommes costauds pour apporter les casseroles sur la table.

En temps normal, je m’en chargeais, mais la distance à parcourir était bien plus grande puisqu’il fallait tout apporter dehors. Je savais que je pourrais compter sur l’aide de quelqu’un. Nous étions une grande famille et chacun donnait un coup de main. Quelque seconde plus tard, deux volontaires rentraient dans la maison. Je restais dehors pour apprécier le spectacle. Il y avait déjà quelques personnes attablées. Nous attentions simplement l’arrivée de nos deux revenants préférés. J’affichais un petit sourire satisfait en voyant ce spectacle des plus chaleureux.

    Deux jours étaient passés depuis que nous étions rentrés. Deux nuits ici où reprendre l'habitude de la sécurité n'était pas chose aisée ; je n'avais pratiquement pas dormi, entre les cauchemar et cette crainte viscérale de me réveiller trop tard et me rendre compte que la maison est bloquée par les Coyotes... Mais il n'y avait rien de tout ça ici, la vie suivait son court presque normalement, presque comme avant.

    Il semblait que nous nous étions réintégré dans cette famille comme si nous ne l'avions jamais quitté, abordant avec eux certaines passes de notre périples ; quelques parties étaient encore difficiles à aborder, mais il y avait de ces choses que seul le temps savait apaiser. Reprendre les habitudes de la vie ici n'était pas vraiment facile et, malgré tout le repos dont nous avions besoin, j'avais parfois la sale impression de tourner comme un lion en cage.

    Le deuxième matin, nous étions restés un peu plus longuement dans la chambre, sans parler, à simplement profiter de ce confort que nous avions, de cette famille retrouvée. Désormais, nous n'étions plus seuls à endosser notre peine, évidemment la tristesse de chacun n'était pas comparable, mais savoir qu'ils étaient là pour nous réchauffait un peu nos cœurs meurtris. Je me rendais évidemment compte que je me renfermais plus qu'avant, que j'avais plus souvent le besoin d'être seul, mais je n'en cherchais pas les raisons, incapable de penser posément à tout ce qui était arrivé ; est-ce que tout cela parviendrait un jour à combler ne serait-ce qu'une partie du vide qui s'était désormais formé en moi ? Me tournant vers Christy qui était affairée non loin à plier des habits, je posais une main légère sur son épaule.

« On devrait peut-être descendre maintenant ? »

    Bien que les sourires des autres laissaient bien plus souvent place à la peine quant au non-retour de Sven, je peinais à porter toute cette culpabilité, croiser leurs regards tout en sachant pertinemment la rage que je gardais au fond de moi.

    Sortant de la chambre qui avait été la notre avant de partir et qu'ils avaient soigneusement gardé pour notre retour, je m'engageais dans l'escalier menant au rez-de-chaussée ou déjà une certaine agitation se faisait entendre. Après trois longs mois à n'entendre que pour seule agitation les râles incessants des Coyotes, j'avais comme l'impression d'être encore dans un rêve.

Ces quelques jours avaient été difficiles, pas pour Nara spécialement mais pour l'ensemble du groupe. La situation était délicate et tous faisaient au mieux pour rendre l'ambiance confortable afin que les Karlson se sentent le bienvenu. Pour cela, il fallait cesser les disputes pour les concerner, rester calme, assurer en même temps le bon fonctionnement du campement et leur montrer qu'ici, ils seraient en paix. Ils n'étaient plus en danger et ils auraient tout le loisir de reprendre des forces. Nara savait qu'ils en avaient besoin, l'un comme l'autre. De plus, ils leur fallait un certain soutient psychologique, compte tenu du fait qu'ils ne réagissaient pas pareil ni à la même vitesse.

Perdre un enfant... Nara n'arrêtait pas de se retourner cette nuit là, dérangeant Buzz au passage. Elle n'arrivait pas à dormir parce qu'elle pensait à ce que les Karlson pouvaient ressentir à propos de la perte de leur fils. Et beaucoup de questions se bousculaient dans la tête de la jeune femme, notamment concernant la survie potentiel du garçon qu'elle aimait beaucoup. Il s'ajoutait à la liste des personnes qu'elle espérait revoir un jour. Le matin, quand Nara avait réussit à s'endormir depuis quelques heures, Buzz avait quitté la chambre tôt, pour aider à la préparation de la "petite fête" organisée par l'ensemble du groupe. Nara s'était réveillée plus tard qu'eux, en fin de matinée, la tête dans le potage et les cheveux en bataille.

Il fallait se secouer et s'activer pour aider tout le monde. Naturellement, Nara proposa son aide pour la manutention ennuyeuse de boucherie et poissonnerie notamment. Elle lançait un sourire en coin à Tam, qui elle dirigeait comme un chef la cuisine. Nara était une catastrophe culinaire ambulante, tout le monde le savait, mais elle était contente de pouvoir se rendre utile quand même quant à la découpe parfaite des pièces de viande et de poisson. Au moins, grâce à elle, personne n'irait s'étouffer avec une arrête ni manger un nerf mal coupé.

Tout était prêt, alors la jeune femme s’éclipsa un instant après avoir nettoyé son plan de travail pour revêtir un débardeur propre pour ensuite aider pour les petits détails qu'il restait à régler avant qu'Alan et Christina ne descendent. Un torchon sur l'épaule, des saladiers dans les mains, Nara avait l'air un peu moins organisée qu'à l'ordinaire. Cette ambiance lui pesait mais elle voulait que tout soit réussit pour les Karlson, cette famille qui n'était plus si parfaite. Ca ne faisait rien, pensait-elle. Ils avaient tout un campement dévoué rien que pour eux. Ca ne leur ramènerait pas leur fils, mais ils étaient soutenus.

Apercevant Buzz un peu en retrait, observant le dîner prêt sur la table en fumant sa cigarette, Nara eu un sourire pour elle-même, se détendant un peu, jetant le torchon de son épaule à un des plans de travail de la cuisine. Elle souffla pour elle-même, reprenant contenance, et alla vers lui pour s'adosser contre le mur, cognant volontairement son épaule contre le bras du petit ami tatoué qui était le sien. Sourire en coin, elle se tortillait quand même les mains en guettant l'arrivé d'Alan et Christina. "J'espère que ça va leur plaire..." Murmura-t-elle juste assez fort pour que seul Buzz puisse l'entendre en hochant la tête de haut en bas comme pour s'en convaincre toute seule.