Depuis son arrivée à Seattle, Noam devait bien admettre qu’il avait lâché du lest et avait accepté de se laisser un peu plus porter par les événements. D’abord il y avait eu sa rencontre avec April qui avait radicalement changé ses perspectives. Plutôt que de rester seul à errer dans les rues de Seattle, il avait trouvé une alliée avec qui il s’était réfugié dans une petite maison, le temps de reprendre des forces et de continuer chacun respectivement leurs recherches. Puis Kerwan était arrivé et une sorte de routine s’était installée entre eux. Noam Artémis n’avait en aucun cas perdu de vue son but premier et régulièrement il retournait dans la grande ville à la recherche de sa famille. Rien. Il n’avait rien trouvé jusque-là, aucun indice, aucun petit détail qui pouvait lui indiquer où ils pouvaient être. Pourtant, il gardait cette idée en tête, ce même espoir. Il était toujours persuadé qu’ils étaient encore vivants. Ils n’osaient quitter trop le périmètre de la ville. Une voix en lui lui disait qu’il devait rester dans le coin, que c’était son meilleur moyen de les retrouver.

Et puis il y avait eu les Barnett et Noam se retrouvait désormais debout, devant un potager laissé à l’abandon. Arriver ici avait été un pur hasard auquel le jeune homme n’avait pas spécialement cherché à résister. Il y avait du monde oui, mais ils restaient dans la zone de Seattle et peut être plus en sécurité. De toute façon, ils ne pouvaient plus rester à Madison Park. Noam Artémis avait vécu dans une coopérative, en communauté pendant un long moment alors se retrouver de nouveau avec plus de monde ne le dérangeait pas. Et puis, face à ce potager, il voyait un objectif, une manière d’occuper les moments où il ne serait pas à la recherche de son père et de sa sœur. Un espoir aussi, cultiver la terre c’était le meilleur moyen de survivre et de ne pas manquer de vivre. Mais pour ça, il allait falloir profiter de l’autonome pour ressortir le meilleur de la terre, trouver des plants, choisir les bonnes semences. Noam Artémis n’était pas agriculteur mais il avait beaucoup aidé à la coopérative alors quand on lui avait demandé de s’occuper de cette partie de la vie de la communauté, il avait accepté en toute simplicité. Il allait s’attacher à tirer le meilleur de cette terre. Il avait d’ailleurs commencé par arracher toutes les mauvaises herbes trop invasives qui avaient tendance à puiser toute l’énergie de la terre.

Couvert de terre, Noam Artémis frotta doucement ses mains pour en enlever l’excédent. Il s’étira aussi en douceur avant de se décider à retourner à l’intérieur. Il fallait qu’il trouve de quoi noter. Il devait faire une petite liste de ce dont il aurait besoin pour aider au mieux ce potager. Les Barnett avaient déjà dû fouiller les lieux, peut-être que certains éléments étaient déjà là. Frottant ses pieds avant de rentrer, Noam Artémis se faufila au rez-de-chaussée. Cependant, sur sa route, il passa dans l’infirmerie où se trouvait Emerson. Il toqua alors contre la porte ouverte pour signaler sa présence.

« Je peux entrer ? »

Noam Artémis avait affiché un sourire avenant avant de prendre la parole. Il ne se faufila dans la pièce qu’après avoir eu l’autorisation d’Emerson. Il laissa alors son regard se promener sur la pièce, examinant chaque élément qui se présentait à son regard. Lorsque sa mère était malade, il avait pas mal écumé les hôpitaux mais il fallait bien avouer que depuis la médecine n’était plus vraiment la même. Il se tourna alors vers Emerson.

« Je trouve ça fascinant tout ce que l’Homme a pu inventer pour accroître ses chances de survie… »

Et ça, il s’en rendait d’autant plus compte maintenant. La moindre petite blessure pouvait être dangereuse dans ce nouveau monde, les infections, les maladies… Il se rendait compte comme son monde d’avant été aseptisé. C’était vraiment fascinant pour quelqu’un comme Noam Artémis qui voyait chacun nouvelle chose portée à son regard comme une source merveilleuse. Au moins, il n’avait jamais perdu ça, sa curiosité, sa soif d’apprendre, de comprendre, de disséquer le monde. Celui-ci était plus sombre mais il ne fallait pas qu’il le dévore.

S’il y avait bien une chose qui ne lui avait pas manqué, c’était de potasser des bouquins pour se tenir au niveau. L’exercice en lui-même était devenu mécanique : recoudre une plaie, refaire un point, poser un bandage, établir un diagnostic… C’était facile, presque robotique pour elle. Avec la présence d’Ian, agir sous l’urgence ne la gênait plus, et la pratique venait peaufiner sa capacité à agir quand chaque seconde comptait. Mais la médecine, c’était surtout une constante recherche pour se maintenir au niveau. Mieux encore. Et quand la vie des personnes qu’on devait sauver était celle de gens qu’on connaissait, le poids était double. Difficile. Oppressant.

Elle était justement en train d’y penser quand un bruit la sortit brutalement de ses pensées. Emy se redressa de sur son minuscule bureau, sortant le nez du bouquin qu’elle avait trouvé dans ce lieu même et qu’elle lisait depuis des jours, en ayant l’impression de parcourir sans arrêt les mêmes lignes. Le sujet était centré sur le troisième âge, l’accompagnement des personnes mourantes, des soins d’urgences dans ce genre de situation, mais la blonde avait conscience que ça pouvait l’aider à bien faire si un jour elle se trouvait confronter à un problème ici. Qu’elle DEVAIT s’entraîner pour réagir efficacement si ça arrivait.

Pour cette raison, la présence de Noam dans l’encadrement de la porte l’interrogea, et la rendit immédiatement soucieuse.

« Bien sûr. » L’invita-t-elle d’un signe de la main en se redressant pour lui faire face. Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle devait faire désormais, aussi tenta-t-elle de ne pas paraitre trop bizarre : « Il y a un problème ? Tu t’es fait mal ? » S’inquiéta-t-elle dans la foulée.

Réaction de maman, un peu trop protectrice, elle s’en rendit compte. Noam fit un tour du regard de la petite pièce dans laquelle elle passait la plupart de ses journées, à potasser en silence comme l’étudiante qu’elle avait été quinze ans en arrière. Sa remarque sur la capacité des hommes à toujours chercher comment prolonger la vie et l’améliorer lui tira un sourire amusé. A dire vrai, ça n’était pas pour ça qu’elle avait entamé les études de médecine. C’était pour être comme son père, qui lui était médecin. Elle avait été plus loin : chirurgienne. Et elle s’était concentrée sur des patients qu’elle aimait : les enfants.

« Euh oui… C’est-à-dire que c’était surtout nécessaire pour ne pas… Mourir bêtement à chaque fois. » Ajouta-t-elle avec toujours le même sourire, venant porter une main à ses cheveux pour basculer une mèche derrière son oreille. « Surtout aujourd’hui… »

Plissant le regard, elle regarda Noam. Sous cet angle, l’homme avait l’air d’un enfant, qui avait soif de connaissance. Qui s’extasiait devant la moindre curiosité. Etonnant, dans un sens. Curieux, à sa manière. Elle n’osa pas faire mention de cette approche, mais se contenta d’admirer un peu plus longtemps le jeune homme, pour voir s’il y avait moyen de tenter une approche avec lui. De voir si son esprit était assez ouvert pour qu’elle puisse lui apprendre quelque chose :

« Ça t’intéresse ? » Lui demanda-t-elle en le scrutant attentivement dans l’attente d’une réaction.

« Non non, pas de panique, tout va bien ! »

Noam Artémis avait levé les mains comme pour montrer qu’effectivement il était en un seul morceau, affichant un sourire amusé. Il n’avait en effet pas pensé à prendre en compte l’idée qu’Emerson puisse croire qu’il vienne en raison d’une blessure. Mais soit, cette hypothèse écartée, Noam pu laisser son regard se promener sur la pièce et ses pensées voguer avec. Il avait souvent tendance à faire cela et à oublier quand il s’exprimait à voix haute et quand il le faisait simplement dans sa tête. Cette fois, c’était à voix haute et Emerson réagit de manière amusée. Il lui adressa un sourire.

« Effectivement… On se rend compte que la moindre petite blessure peut avoir des conséquences. »

Les accidents stupides, ça arrivait déjà avant. Noam avait comme tout le monde entendu les histoires farfelues de personnes ayant perdu la vie dans des circonstances complètement improbables. Désormais, ce phénomène était accentué. Ils avaient comme reculé dans le temps médical et la moindre coupure pouvait être dangereuse. Noam Artémis en avait conscience, comme tout le monde. Cette pensée l’encouragea à regarder avec encore plus d’attention les ustensiles qui se trouvaient dans cette pièce et qui pourraient être utiles dans un futur proche. Emerson le tira une fois de plus de ses pensées en lui demanda si tout cela l’intéressait. Le jeune homme tourna alors le regard vers elle, quelque chose brillant dans ses yeux. Cette lueur, il l’avait depuis l’enfance. Elle faisait partie de son identité, cette curiosité qui l’avait poussé à partir explorer le monde.


« Bien sûr que ça m’intéresse ! »

Noam Artémis n’avait clairement pas caché son enthousiasme en répondant à Emerson. Il ressemblait clairement à un gamin et il ne put que s’en rendre compte. Le jeune homme laissa alors échapper un léger rire. Il riait de lui-même, du fait que malgré tout ce qu’il s’était passé, il y avait des choses qui ne changeaient pas. Gaïa lui faisait souvent la réflexion, lui disant que parfois elle avait l’impression d’être l’aînée. Bien sûr c’était de l’humour et il savait que ce n’était très certainement pas un reproche. Elle avait toujours aimé avoir un frère curieux qui pouvait s’intéresser à ce qu’elle faisait sans aucun jugement. Rien que pour elle, il devait faire attention à garder cette partie de lui.

« Je pensais être un peu trop sensible pour m’intéresser aux choses médicales mais je crois que ce monde a fini par m’endurcir. »

Un sourire flotta sur les lèvres de Noam. Oui, la carrière médicale, il s’était toujours dit que ce n’était pas pour lui. Voir d’horribles plaies, farfouiller dans des corps, être confrontés à des maladies terribles… Non tout ça, il ne s’en sentait pas les épaules. Seulement maintenant les cartes étaient redistribuées et il avait vu des choses qu’il se croyait incapable de surmonter à une époque. Et s’il était certain que son estomac n’était pas des plus solides et qu’il aurait sans doute dû mal encore à supporter certaines choses, apprendre les bases l’intéressait vraiment. Alors instinctivement il s’approcha des livres qu’Emerson gardaient à côté d’elle. Pour lui, les bouquins avaient toujours été la première source de savoir. Il tenait sans doute cela de son père.

« Vraiment, tu te sens le cœur bien accroché pour ça ? » Demanda la blonde d’une voix douce.

Noam avait tout l’air d’un enfant qui découvrait tout de la vie. C’était rafraichissant. Elle ne put s’empêcher de sourire en le constatant, sans savoir si cette existence avait eu un impact plus violent sur lui. Avait-il vécu l’enfer ? Perdu des proches ? Perdu de sa candeur ? Si oui, il devait en avoir beaucoup à l’intérieur pour réussir à conserver ce trait encore aujourd’hui. Ça la mit face à ses propres démons : ceux qui l’empêchaient désormais d’être trop naïve, trop conciliante. Parce qu’Emy avait connu des gens horribles, d’autres pire encore. Et la survie des siens dépendaient de sa capacité à croire en l’être humain :

« Si tu veux, je peux t’apprendre quelques trucs… » Confia-t-elle d’une petite voix, en posant une main sur sa hanche : « Si tu t’occupes bien du potager, on pourra faire pousser des herbes médicinales. »

La blonde avait beaucoup d’espoir pour l’avenir de ce groupe. Elle pensait activer tous les leviers qui seraient à disposition pour faire de cette vie un endroit plus doux, presque paradisiaque. Ça n’allait pas être simple, mais elle était pleine de bonne volonté et d’optimisme : et si Noam en était aussi, alors ça pourrait fonctionner.

« Rien de très compliqué, ni de très efficace, mais ça pourra toujours servir un peu lors des coups durs. » Ajouta-t-elle : « De toute façon, les réserves de médicaments ne seront pas éternelles alors… » Elle se tourna vers la pharmacie, leur stock était bon, mais ne passerait pas la fin de l’année s’ils ne trouvaient pas un moyen de se renouveler.

Et elle n’était pas chimiste. Elle ne fabriquait pas de drogues dans sa salle de classe comme Walter White, ou d’autres avant lui. Elle ne savait pas faire de médicaments durables : depuis des mois, ils vivaient à crédit, sur des ressources limitées, qui s’épuiseraient forcément à un moment.

« On peut se contenter de ça pour l’instant si tu ne te sens pas de faire plus : essayer de trouver les herbes et remèdes qu’il faut pour le groupe. » Ajouta-t-elle en reposant ses yeux sur lui.

Elle avait beaucoup à lui apprendre sur son métier. Certes, elle s’était spécialisée sur les enfants, et les nourrissons, parce que c’était une vraie vocation pour elle. Mais elle avait eu des centaines d’heures de cours sur tout ça, et donc beaucoup à transmettre à son prochain. De plus, pouvoir enseigner était quelque chose qui la motivait. Elle aurait voulu tenter aussi ça avec Calypso, mais la brune était très occupée ailleurs. Surtout avec Jackson.

Si elle ne manquerait pas de lui en toucher deux mots tout de même, de faire cette proposition, elle préférait se tourner vers Noam pour l’instant : il était déjà à son écoute.

« Ou alors… Je peux t’apprendre à panser une plaie, la nettoyer, la recoudre, et comment tout ça fonctionne plus concrètement. » Elle lui fit un grand signe de la main, pour se désigner elle toute entière.

Le corps était une machine complexe, elle n’allait pas le ménager pour faire rentrer dans sa tête tout ce qu’il y avait à savoir pour assurer la survie de ses pairs.

Est-ce que Noam Artémis était certain que son cœur était suffisamment accroché pour apprendre la médecine ? Vaste question. Il ne s’empressa pas de répondre à Emerson, ne voulant pas dire quelque chose qu’il ne pensait pas. Il croyait en la valeur des mots et il n’affirmerait pas quelque chose dont il n’était pas certain. La question se posait, clairement. Il voyait bien qu’il était plus sensible qu’une partie des gens, que lorsqu’il voyait des cadavres en décomposition il avait la nausée etc. Est-ce qu’il était vraiment assez solide pour apprendre à mener de vrais actes médicaux ? Il ne le savait pas. Pour le coup, le jeune homme devait bien admettre qu’il n’avait pas la réponse. Il aurait aimé l’avoir mais il hésitait. Il était sensible oui mais savait aussi que pour aider des gens à qui il tenait, il était capable de repousser une partie de ses limites. Non il n’était pas particulièrement téméraire et n’irait pas affronter une foule enragée de morts ou de survivants un peu trop violents. Mais ça c’était différent. Il fallait qu’il réfléchisse mais peut être aussi, qu’il essaye. Emerson évoqua alors les plantes médicinales. Noam hocha la tête, retrouvant le sourire qu’il avait laissé s’effacer alors qu’il était plongé dans ses réflexions. Oui c’était une bonne idée, les médicaments ne seraient pas toujours là. Ils devaient se préparer à ce que l’ancien monde ne revienne jamais et donc, apprendre à faire avec ce qu’ils avaient.

« Oui je pense que ça peut nous être très utile, j’ai déjà vu des personnes se soigner qu’avec les plantes et obtenir des résultats plutôt positifs. »

Bien sûr, pas contre tout. Mais au cours de ses voyages, Noam Artémis avait été en contact avec des personnes n’ayant pas accès aux médicaments ou très peu et ayant appris à se débrouiller avec la nature. Les plantes non modifiées ne faisaient pas des miracles sur tout mais elles aidaient beaucoup. Et s’ils trouvaient un moyen de les transformer… Emerson expliqua alors qu’ils pouvaient partir là-dessus. Noam Artémis hocha la tête mais ne répondit pas tout de suite. Se contenter de ça ? Il trouvait cette mission très intéressante et avait bien envie de s’y intéresser. Mais pouvait-il ambitionner plus ? Ne devait-il pas accepter de sortir un peu de ses habitudes et se rendre encore plus utile ? Une fois de plus, ce fut Emerson qui le poussa à sortir de ses pensées et à se rappeler qu’il n’était pas seul avec lui-même. Elle lui fit comprendre qu’elle était prête à lui en apprendre plus s’il le voulait. Noam prit quelques secondes avant de répondre.

« Je suis prêt à faire des recherches sur les plantes médicinales et à m’investir sur ce sujet. Mais j’aimerais aussi en apprendre plus que ça. »

Noam en avait réellement envie. Le fonctionnement du corps humain le fascinait et il serait ravi de pouvoir en apprendre plus. Recoudre une plaie ? Ça il s’en sentait capable. Pour une petite en tout cas. Les plus grandes ? Peut-être qu’à force de faire il se forgerait une résistance. Il fallait qu’il essaye. Il pensa à ses anciens camarades, il pensa à Gaïa. Apprendre à soigner c’était une bonne réponse à ce nouveau monde. Cela lui correspondait, à son envie de toujours garder espoir, de toujours privilégier la vie face à la mort. Oui il avait envie d’apprendre et peut-être que cela risquerait de secouer un peu son estomac. Mais il voulait essayer.

« J’ai dû apprendre à déconnecter des morts en leur enfonçant des objets dans le cerveau. Je peux apprendre à soigner les autres. »

Le sourire n’était plus présent sur le visage de Noam Artémis mais son visage était loin d’être fermé. Au contraire. Il était décidé et sûr de ce qu’il venait de dire. Dans son esprit, il y avait beaucoup d’agitation, beaucoup de pensées qui fusaient mais cette conclusion avait fini par lui apparaître comme étant la seule et unique réponse satisfaisante. La violence subit par les corps l’affecterait toujours il en était certain. Mais apprendre à guérir était la meilleure réponse à tout cela. Il devait continuer à être choqué, c’était pour lui la preuve qu’il était humain. Mais il pouvait contourner tout cela, se montrer plus fort en apprenant à réparer. Oui, il en avait envie et il se voyait déjà partir à la recherche de bouquins sur le sujet.

« Des lectures à me conseiller ? »

Déjà, le sourire était revenu sur le visage de Noam.

« Je devrais pouvoir te trouver ça, oui… » Lui répondit-elle avec le même enthousiasme que Noam.

Elle demanda quelques minutes au garçon, le temps de rejoindre la bibliothèque. Elle n’avait pas encore pu explorer l’endroit, mais revint avec une encyclopédie du corps entre les mains pour la lui tendre. Elle lui demanda quelques instants de plus pour trouver un livre d’infirmière qui ferait l’affaire, vu qu’elle l’avait déjà feuilleté en arrivant. Du reste, elle ne connaissait pas grand-chose de l’endroit, pas faute d’en avoir fait le tour. Elle se doutait qu’il y en aurait probablement dans le bâtiment principal, mais pas de ceux qu’elle avait elle-même étudié :

« Je regrette de ne pas avoir mes vieux bouquins avec lesquels j’ai appris la médecine. » Souffla-t-elle en posant une main sur sa hanche, un peu contrariée de cet état de fait.

Elle considérait son enseignement comme bon… Elle était médecin, après tout ! Chirurgien même ! Alors, forcément que ça allait pour elle. Elle n’avait cependant pas passé à d’autres ce qu’elle avait pu apprendre. Ian aurait été meilleur qu’elle dans ce domaine, elle le savait, mais Ian était parti quelques semaines plus tôt et elle n’aurait plus jamais de nouvelles de lui, ou de moyen de lui demander conseil avant le point final de cette histoire.

Elle improviserait donc, c’était pour le mieux. De son index, elle désigna l’encyclopédie :

« Pour des informations plus générales ça suffirait… Je te dirais bien de le lire plusieurs fois, de l’apprendre par cœur même, mais… ça serait un peu contraignant pour toi et tu as le temps. » Elle lui fit un sourire : au moins, ils échappaient aux examens et aux contrôles qu’elle avait pu avoir, même si elle devrait forcément vérifier qu’il apprenait bien les choses d’une manière où d’une autre. Son index passa sur l’autre bouquin : « Celui-ci fera l’affaire pour commencer, tu sauras au moins les bases, et j’essaierais de t’en trouver d’autres durant les prochaines sorties… »

Un soupir lui échappa, alors qu’elle passa une main dans ses cheveux pour rattraper une mèche de cheveux et la passer derrière son oreille. Il y avait forcément une librairie spécialisée quelque part qui pourrait valoir la peine. Ou même un autre hôpital ou une clinique : dans les salles de repos, il y avait toujours ce genre de lecture !

« Et… de te préparer de quoi t’exercer aussi. » Ajouta-t-elle.

Pour ça, elle avait déjà sa petite idée. Mais ça demanderait de trouver ce qu’il fallait pour ça, et de l’inviter à s’exercer avec les moyens du bord. Elle avait hate de lui faire coudre la peau d’une orange avec une aiguille recourbée et une pince à épilée, juste pour voir comment il s’en sortirait pour faire des points.

« Repasse me voir quand tu auras fini au moins l’un des deux. Ça te prendra quelques jours, le temps de prendre mes dispositions aussi… » Lui fit-elle avec le même sourire encourageant.

Et Emy ne pouvait pas le cacher : c’était grisant d’avoir un élève à qui transmettre son savoir.

Noam Artémis fut ravi de voir l’enthousiasme d’Emerson. Apparemment, elle aussi semblait apprécier l’idée de pouvoir transmettre son savoir. Noam n’avait nullement l’intention d’être un poids et il aurait été regrettable que son aînée le ressente de la sorte. Si tout le monde était sur la même longueur d’ondes alors, il y avait de fortes chances pour que tout se passe pour le mieux. Pour que le jeune homme apprenne bien et puisse par la suite donner un coup de main efficace à Emerson. Noam Artémis hocha donc la tête alors qu’Emerson lui demandait quelques instants pour partir à la recherche des livres. Pendant ce temps, il ne put résister à l’appel de sa curiosité naturelle. Le jeune homme fit le tour de la pièce, jetant un coup d’œil aux instruments. Il lui fallut un grand effort pour ne pas tout toucher. Il en avait envie, comme un enfant, mais il savait que ce serait crétin de mettre ses mains pleines de bactéries sur du matériel médical. Il avait donc fait appel à toute sa bonne conscience pour ne rien faire de stupide. De toute façon, son aînée revint assez vite avec un nouveau moyen de satisfaire son esprit curieux. Une encyclopédie sur le corps humain. Les yeux de Noam se mirent à briller instantanément alors qu’il contemplait le livre. Il l’ouvrit et aurait pu déjà se plonger dedans si Emerson n’était pas finalement revenue avec un autre ouvrage qui ressemblait plus à un manuel pour infirmière. Noam s’en empara avec la même avidité et l’ouvrit. Il fut cependant interrompu dans son exploration par le soupir d’Emerson.

« Je suis sûr que ceux-ci ont déjà beaucoup à m’apprendre. »

Il en fallait plus pour atteindre l’enthousiasme de Noam Artémis et le décourager. Certes, les livres qu’Emerson avaient étudiés devaient être particulièrement précis et efficace pour l’apprentissage mais si ce monde leur avait montré quelque chose, c’était bien qu’ils étaient capables de faire feu de tout bois. Noam comme les autres avait trouvé en lui des ressources insoupçonnées et il était certain qu’Emerson saurait lui enseigner la médecine à partir de tous ces petits éléments épars. Emerson lui montra alors l’Encyclopédie en lui déclarant que l’idéal serait qu’il la lise plusieurs fois, voire qu’il l’apprenne par cœur mais sans apparemment être certaine qu’il apprécie cette démarche. Noam, au contraire, avait vu un immense sourire se dessiner sur son visage et une petite lueur espiègle s’allumer dans son regard. Oh, il était prêt à le lire plusieurs fois sans souci, ça ne lui faisait pas peur. Emerson de son côté avait enchaîné en lui expliquant que le manuel d’infirmier était le mieux pour commencer. Noam acquiesça d’un signe de tête. Emerson ajouta ensuite qu’elle allait lui trouver de nouveaux livres ainsi que du matériel pour qu’il puisse s’exercer. Effectivement, si Noam était féru de tout ce qui était théorique il devait bien admettre que sans pratique, cela ne lui servirait pas à grand-chose. Il devait faire pour mieux apprendre et être efficace le jour où son savoir serait requis.

Les dernières instructions d’Emerson furent données et Noam Artémis ne put réprimer ce même sourire espiègle qui avait pris place sur son visage quelques minutes auparavant. Il avait du travail certes et ne pourrait pas passer son temps à lire mais Emerson serait sans doute surprise de voir le temps qu’il pouvait passer concentré sur une seule et même chose, un seul et même sujet.

« C’est noté. Je vais tâcher de lire tout ça avec soin. »

Noam Artémis baissa alors la tête vers les livres qu’il caressa du regard. Son sourire était toujours là de même que la flemme qui s’était allumée dans ses yeux. L’idée d’avoir toutes ces choses à découvrir égayer sa journée. C’était pour lui essentiel, toujours apprendre, toujours découvrir de nouvelles choses et se rendre compte que le monde était loin d’avoir épuisé toutes ses ressources. Cultiver la terre et apprendre à guérir les gens, il voyait dans ces actions la perspective d’un avenir.

« J’irai aussi regarder à la bibliothèque si je trouve d’autres choses intéressantes, j’avais aperçu quelques titres intrigants la dernière fois. »

Autant dire que la bibliothèque faisait partie des premières pièces que Noam Artémis avait entrepris d’explorer lorsqu’il était arrivé ici. La lecture était pour lui une échappatoire idéale, un moyen de se recentrer et d’oublier un temps l’horreur qui régnait à l’extérieur. Alors oui, les livres qui étaient ici avaient incarné une grande bouffée d’air pour lui. Il avait donc regardé les rayonnages et si à ce moment-là les titres médicaux n’étaient pas les premiers à attirer son attention, il se souvenait vaguement en avoir croisé quelques-uns. Peut-être n’étaient-ils en vérité pas très intéressant mais ça valait toujours le coup d’étudier de plus près.

« Merci. »

Noam Artémis avait quitté des yeux les précieux ouvrages qui se trouvaient entre ses mains pour planter son regard dans celui d’Emerson et lui adresser un sourire franc.