« Il faudrait reconstruire la serre. » Souffla la blonde, sans vraiment répondre à ce que lui disait Noam. C’était plus une remarque sur le pouce, sans grand intérêt. « Pour protéger les plants, et pouvoir en avoir toute l’année… »

L’espace d’une seconde, elle constata une chose : si elle avait beaucoup à lui apprendre sur la médecine, Noam avait probablement davantage à lui enseigner sur le jardinage. Et que pour le coup, leur domaine de prédilection se rejoignait. Ils pouvaient collaborer, construire quelque chose de durable, d’entier, d’utile à la communauté entière. L’idée s’ancra fermement dans son esprit, comme si elle venait se marquer au fer rouge sur sa peau.

« Ça viendra en son temps… » Assura-t-elle avant de libérer le garçon.

L’hiver s’installait, et ils n’auraient à s’y plonger qu’à la sortie de la saison froide. Ça leur laissait du répit, et du temps pour reconstruire l’endroit, même avec la neige qui viendrait s’installer et les paralyser.


« Noel avant l’heure. » Souffla-t-elle à la porte de la chambre de Noam, venant tapoter contre le cadre de celle-ci pour l’avertir de sa présence.

L’ambiance au campement avait perdu de sa superbe, elle en avait conscience. Et les cours qu’elle aurait du lui prodiguer plus ou moins régulièrement s’étaient espacés dans le temps. Ils traversaient une période compliquée, elle le savait. Emy se baissa pour récupérer le carton qu’elle avait posé à ses pieds, et s’avança dans la chambre du garçon. Là, sur le bord du lit, elle déposa ce qu’elle était venue lui apporter. Sans un mot, elle sortit un bouquin épais sur les plantes médicinales, qu’elle lui tendit à bout de bras, le cœur gros :

« Jackson avait trouvé ça pour toi… » Souffla-t-elle d’une voix éteinte. Chargée d’émotion. Parce que Jackson n’était plus, depuis quelques jours déjà, et qu’ils n’en avaient pas vraiment parlé ensemble. Aussi parce qu’Emy se sentait effroyablement coupable de cette perte. Tout ça n’avait servi à rien, le jeu n’en avait pas valu la chandelle. « Et ça, c’est… » Ses yeux se baissèrent vers le carton entier, posé devant elle.

Noam allait trouver ça absurde. Parce qu’elle, elle avait l’impression folle que c’était grotesque. Le sacrifice de Jackson pour retrouver leur fille en fuite, et quelques bouquins poussiéreux. Ça lui faisait toujours aussi mal au cœur, davantage avec le recul, et le départ de Calypso qui n’augurait rien de bon. Surtout pas avec ce qu’elles avaient trouvé en partant à sa recherche, sans succès encore.

« Tous mes vieux cours de médecine. » Signifia-t-elle en forçant un sourire.

Grotesque. L’adage qui disait qu’il n’y avait pas de petites victoires était un mensonge. Emy vivait ça comme une défaite supplémentaire.