Bien sûr, ses paroles surprirent le cavalier qui ne s’attendait probablement pas à ce type de discours dans une pareille situation. Lisandro faisait les choses à l’envers, au mauvais endroit. Mais il savait qu’en rentrant de cette opération de ravitaillement, il aurait des excuses à faire à son aîné. En attendant, il essayait de se montrer agréable, et même vis-à-vis d’Eli qui ne lui avait de fait, rien demandé du tout. Mais il connaissait assez le gosse pour savoir que comme lui, il voulait se réconcilier avec Isaac, sans savoir par où commencer. Ils n’étaient peut-être pas du même sang, mais finalement, Eli et Lisandro semblaient être fait du même bois. La conversation s’arrêta là, parce que ce n’était clairement pas le moment.

Reprenant leur avancée ensemble, il remarqua la directive d’Andrea à Isaac concernant deux cadavres aux alentours d’un camion, il observa un court instant ses camarades s’élancer à leur suite tandis qu’attentif, Lisandro les suivait, couvrant leurs arrières. Très rapidement, Isaac se débarrassa du sien tandis qu’Andrea s’attaquait au second et le silence revint autour du commissariat. Pour l’instant du moins. Il s’attarda un instant sur Andrea. Bien sûr qu’elle n’avait pas besoin d’aide, surtout de la sienne. La brune était bien plus forte que lui, elle avait bien plus d’expérience du terrain que lui, également. Son bras perdu ne l’handicapait pas vraiment. Elle continuait de se mouvoir comme si la prothèse était une extension d’elle-même. Elle n’avait pas besoin de lui. Pourtant, il se sentait comme responsable. Quelque chose avait changé depuis qu’il s’était penché vers elle ce soir-là, il se sentait connecté. Il s’efforça d’extirper cette pensée illégitime de son esprit en prenant soin de ne pas intervenir. Ce qu’il s’était passé l’autre nuit ne se reproduirait probablement plus jamais, quand il voyait l’indifférence avec laquelle elle le regardait, il se demandait même par instant s’il n’avait pas rêvé ce qu’il s’était passé. Tout ce qu'il savait, c’était qu’elle n’apprécierait pas le moins du monde qu’il se montre prévenant envers elle. Alors il se détourna, une fois le dernier cadavre au sol.

Ensemble, ils se rapprochaient de l’entrée du commissariat. Le médecin s’arrêta à hauteur d’une énième voiture, sans rien trouver d’intéressant à l’intérieur. Puis il revint vers les autres, alors qu’ils arrivaient bientôt aux portes du commissariat. Il ne baissait pas la garde, s’ils avaient nettoyé l’avant du parking, il resterait bien d’autres dangers aux alentours et à l’intérieur sans doute plus. « A votre avis, on en trouve combien à l’intérieur ? » La réponse importait peu au final, mais comme toujours, Lisandro avait besoin de l’ouvrir. Outre sa bonne humeur du jour, c’était aussi sa façon à lui de se rassurer, d’avancer aussi, en se concentrant sur autre chose que les râles en fond sonore. « Je parie sur huit à l’intérieur. » Fit-il, joueur. Connaissant assez les personnes qui l’accompagnaient, il était fort possible qu’il parlait tout seul. Il regretta la présence d’Eli, de Sarah ou même, celle de Duncan. L’un des trois l’aurait probablement suivit dans ce pari plus qu’inutile.

Spoiler:

Plusieurs options s’offraient à eux. Le vieil homme scruta quelques instants le bâtiment à la recherche d’une brèche qui serait possible d’emprunter. La porte principale était cadenassée et fermée par une chaîne métallique, cela ne les arrangeait en rien. Dubitatif, le regard du cavalier s’arrêta ensuite sur la planche qui obstruait l’une des fenêtres du commissariat. C’était une solution. Malheureusement, ils ne pouvaient prévoir ce qu’ils trouveraient derrière cette plaque de bois. Cela ne lui plaisait pas, pas du tout même. Mais vu le peu de possibilité qu’ils avaient, passer par là était peut-être le mieux…

Et alors que Lisandro et Andrea discutaient pour se mettre d’accord, un détail interpella le cinquantenaire. S’éloignant d’à peine deux mètres, il se baissa, s’accroupissant pour poser sa main sur la neige. Des empreintes de pas, pensa l’homme. Mais elles n’avaient pas l’air d’être fraîches. « Il y a eu du passage par ici… Mais impossible de dire de quand ça date. » Il se redressa difficilement, le froid engourdissait ses vieux genoux, les rendant douloureux. Il retourna vers les autres avant d’acquiescer à la remarque de la métisse. Couvrir Lisandro pendant qu’il faisait sauter la plaque de bois et qu’elle allait jeter un coup d’œil à l’arrière du bâtiment. « Soit prudente. » Dit-il à Andrea, alors qu’il s’avançait vers la fenêtre où Lisandro s’apprêtait à se débarrasser de la plaque avec son pied de biche. Le chilien plaça le bout de la tige métallique entre la fenêtre et la planche en bois. Crac. Il n’eut pas de mal à la décrocher. Isaac se tenait prêt à intervenir si besoin, tout comme il espérait voir revenir leur coéquipière rapidement...

En arrivant à l’entrée du bâtiment, ils se heurtèrent à un mur. Ou plutôt un cadenas plutôt solide, une vitre calfeutrée sommairement et … la possibilité de vérifier s’il n’y avait pas d’autres entrées – ou sorties de secours. Andrea lui demanda de s’occuper de la planche qui barrait la fenêtre pendant qu’elle ferait le tour du bâtiment, au cas où. Le chilien hocha la tête. « Je m'en occupe. » Il la regarda un instant avant d’ajouter, juste après Isaac. « Fais attention. » La parole était déplacée, parce que le ton qu’il employa était un peu plus tendu que d’habitude, que compte tenu de ce qu’il s’était passé entre eux la nuit dernière… C’était déplacé. Mais il n’y avait qu’elle qui saurait pourquoi. Alors pour éviter d’attirer l’attention du palefrenier qui se rapprochait de lui pour le couvrir, il se dépêcha de s’attaquer à cette planche de bois qui, après quelques efforts, finit par s’arracher à la fenêtre – en partie du moins. Le chilien faisait confiance à son aîné pour ne pas s’inquiéter de ce qui viendrait par derrière, il était attentif à ce qui pouvait arriver de l’intérieur. Malheureusement, il faisait sombre et sans se glisser à l’intérieur, il distinguait mal les objets présents dans la pièce. L’ouverture n’était pas assez grande. « Je pourrais essayer d’en enlever plus, mais ce serait bruyant. » Dit-il à Isaac. Arracher la planche avait déjà de quoi réveiller les morts à l’intérieur du bâtiment, était-ce raisonnable de faire plus de bruits que nécessaire ? Andrea revint rapidement et le chilien – rassuré de la voir entière – lui désigna l’ouverture. « Je n’ai pas su ouvrir plus. Mais je peux essayer… » A dire vrai, l’ouverture était assez grande pour elle, mais l’idée qu’elle entre à l’intérieur sans qu’ils puissent intervenir pour la sortir de là ne lui plaisait pas des masses.