De retour dans le commissariat, Lisandro prend le temps de s’arrêter pour scruter les lieux. Tout était terriblement calme, si ce n’était que les pleurs du gosse dans ce qui lui servait d’infirmerie. Et de l’entendre cassa quelque chose chez Lisandro. Ce n’était qu’un môme, qui avait suivi son père dans sa folie. Il n’avait probablement rien demandé. Il regarda Andrea, son regard dur et sans faille. « On va… On va aller voir sur le Shérif. » Lisandro n’avait qu’une hâte, sortir de là, oublier cette histoire et oublier ce gosse dans cette pièce. Sur leurs gardes, Lisandro et Andrea avancèrent jusque l’arrière du bâtiment où le corps du Shérif reposait dans une flaque de sang. Le chilien s’accroupit, fouilla les poches de l’homme avec le respect qu’il avait pour les morts. La tension était quelque peu retomber et Lisandro regrettait, un peu. Mais il ne dit rien, surtout pas à Andrea. Elle n’aurait pas compris. La régisseuse était plus forte, plus dure que lui. Il en était conscient. « Il n’a rien sur lui va falloir… » Dit-il d’un ton sombre, et lourd. Il n’était pas franchement enjoué. D’autant plus qu’il se doutait de l’attitude qu’aurait Andrea.

Il se releva et ensemble, ils se dirigèrent vers la porte du bureau d’où les pleurs montaient. Lisandro ne le sentait pas vraiment, ce gosse, il avait l’âge d’Eli. Il posa la main sur l’avant-bras d’Andrea, la mâchoire crispée. Il croisa son regard un instant avant de céder et de regarder ailleurs. « Andrea… C’est … Il ne doit même pas avoir l’âge d’Eli. » Il ne demanda rien, mais il signifiait clairement qu’il n’était pas prêt à le tuer, peu importe ce qu’il avait fait. Le chilien était tiraillé.

Chaque pas devenait un supplice pour le vieux Greene. Grimaçant, il faisait tout son possible pour rester debout et éviter de glisser sur le sol neigeux. Arrivé à quelques mètres du commissariat, de nouveaux râles se firent entendre à quelques mètres de là. Quatre rôdeurs approchaient, ils étaient encore à distance raisonnable, mais le cavalier ne pouvait pas s’en occuper seul.

Puis une nouvelle détonation retentit à l’intérieur du commissariat. Pressant le pas, Isaac se hâta jusqu’à s’arrêter devant la fenêtre par laquelle Andrea était entrée à leur arrivée. Jetant un œil vers les quatre silhouettes décharnées qui s’avançaient toujours vers lui, alertées pas le coup de feu, il appela par l’ouverture. « Andrea ! Lisandro ! Tout va bien ? » Demanda-t-il, inquiété par la détonation. « On a de la compagnie. Faut pas traîner ici. » Avaient-il trouvé les clés ? Il fallait espérer que oui. Adossé contre le mur du bâtiment, son regard ne quittait pas le groupe de rôdeurs des yeux, leurs râles se faisant de plus en plus forts à mesure qu’ils avançaient. L’homme hésita un instant à rejoindre le véhicule derrière le bâtiment, mais il n’était pas certain de pouvoir y arriver seul. Alors il resta là, à attendre ses amis, espérant qu’ils sortent rapidement…

De l’autre côté de la porte, les pleurs finirent par cesser, jusqu’à ce que la voix du gosse ne s’élève, malheureuse. Il dût reconnaitre que son cœur s’était serré, malgré les réprimandes d’Andrea. Il n’avait pas répondu, elle avait raison. Cela étant, il avait hésité et elle le savait. A ses côtés, il avait un peu honte de cette sensiblerie. Ce gosse n’était pas Eli mais … il avait été entrainé dans une histoire qu’il ne comprenait pas. Cela aurait pu arriver à n’importe qui. A Eli aussi. Andrea le tira soudain en arrière quand le cliquetis d’une arme se fit entendre. La détonation retentit. Puis un silence lourd.

En forçant un peu, ils parvinrent à ouvrir la porte, pour découvrir ce qui avait été. Andrea était toujours aussi inexpressive, Lisandro lui, avait le cœur lourd en voyant les dégâts. Il s’approcha, fouilla les poches du garçon jusqu’à trouver les clés de la voiture. Il se redressa, avisa l’infirmerie de fortune pour récupérer ce qu’il pouvait ; bandages, alcool pure, et d’autres fournitures utiles qu’il glissa dans son sac à dos. Il jeta un bref coup d’œil à Andrea, puis la voix d’Isaac s’éleva. « Allez, on y va. » Fit-il, sombre. Ils rejoignirent Isaac à l’entrée, alors que les morts se rapprochaient dangereusement. Il avisa Isaac, qui était au bout de sa vie, accablé par la douleur et l’épuisement. « On a les clés, on y va. »

Il s’élança d’abord, avec Andrea, pour abattre les quatre rôdeurs qui les menaçaient mollement – à cause de la neige. Il en abattit deux, avant de revenir pour prendre le bidon rempli d’essence qu’Isaac avait amené. « Merci, allez viens, on rentre à la maison. » Et ces mots lui firent un bien fou. Quelques secondes plus tard, Lisandro était derrière le siège conducteur, Andrea à son côté et Isaac à l’arrière. La voiture démarra en grinçant, mais ils reprirent la route pour rentrer à la prison. Rapidement. Si l’épisode au commissariat se terminait là, la partie n’était pas encore terminée. Par pour Isaac. Il jeta un coup d’œil dans le rétroviseur, avisant le cavalier qui luttait. « Tiens bon, Isaac. Le plus dur reste à faire. » C’était pessimiste, mais il fallait qu’il sache à quoi s’attendre. Ce ne serait un rien une partie de plaisir. Malgré tout cela, ils avaient quand même récupérer des armes, et quelques maigres fournitures médicales. La journée avait été difficile, mais pas si pire. Non, pas si pire.

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