De l’autre côté du mur, une porte claqua. Lisandro ne s’en formalisa pas. Ce devait être l’autre crétin qui s’en était pris à Andrea. Fils ou pas, s’il était en mesure de braquer Andrea et de la tenir sous son joug, c’est que ce n’était plus un enfant depuis longtemps. Vu le regard qu’avait la régisseuse, il n’y avait aucune pitié pour ces gens-là. Le Shérif posa un genou au sol, vibrant encore de colère et de chagrin. Cet homme était fini, et il le savait. Quant à savoir ce qu’il fallait faire maintenant … L’homme en face de lui ne semblait plus attendre grand-chose de la vie aujourd’hui. Il s’était perdu. Entrainant son fils dans sa chute. D’abord vibrant de colère, l’homme semblait à présent résigné, et déterminé. Lisandro hésita, jetant un coup d’œil à Andrea qui frémissait littéralement de haine pour cet homme, ce qu’il avait osé faire, ce qu’il n’avait pas eu le courage de faire non plus. C’était un acte qu’ils ne pouvaient pas comprendre, aucun des trois. Un acte qu’ils ne cautionnaient pas non plus. Il valait mieux voir ses proches morts que de les voir revenir à la vie. Lançant un dernier coup d’œil à Isaac, mal en point, Lisandro raffermit sa prise sur son arme. Il ancra une dernière fois son regard dans celui du Shérif, et se sentit rapidement envahi d’un calme bienvenu. Il visa la poitrine. Et tira.

Le corps du Shérif retomba au sol lourdement, alors que l’homme ancrait son regard dans celui du croquemort qui l’accompagna jusqu’à son dernier souffle, avant de se diriger vers la cellule où les sacs des armes étaient entreposés. « C’est bon, on y va, on a assez trainé ici. » Il ajuste les sacs sur ses épaules, prenant celui d’Isaac pour lui. Deux morts étaient entrés dans le commissariat. Il laissa Andrea se charger de l’un, avant d’attendre patiemment le deuxième pour le cueillir sur sa lancée, se servant de son pied de biche pour lui éclater le crâne, s’éclaboussant au passage.

Ses forces l’abandonnaient peu à peu. Impuissant, Isaac n’avait pas eu le cran de tirer. Les chances de blesser Lisandro étant bien trop importantes, sans compter son bras tremblotant qui n’arrangeait en rien les choses. Il s’était donc tenu prêt à aider le chilien, néanmoins, le peu de pas qu’il avait fait s’était révélé difficile. Avançant en se tenant aux barreaux, il avait manqué de trébucher sur les corps qui jonchaient le sol.

Lisandro se battait toujours au moment où Andrea refit son apparition dans le commissariat, bien décidée à en finir. Le doc’ eut finalement le dessus sur le shérif, qui fut contraint de poser un genou au sol. C’était le bon moment pour agir. Pourtant le cavalier fut incapable de faire quoi que ce soit. Et si son état en était la principale cause, il fallait avouer que le vieux Greene n’était pas du genre à tuer de sang-froid. Même après ce que cet homme avait fait, malgré la haine qu’il éprouvait, il ne pouvait pas… Tentant d’avancer encore un peu plus, une détonation finit par retentir une fois encore. Lisandro s’en était chargé, c’était le moment de quitter cet endroit. D’accrochant toujours aux montants de la cellule, l’éleveur enjamba le corps de l’homme, dont une mare de sang s’écoulait déjà sur le sol. Pas un regard, pas un mot. Le cinquantenaire suivit ses coéquipiers en titubant, restant derrière eux. Il les laissa se charger des rôdeurs qui étaient entrés dans le bâtiment.

Le regard d’Andrea se pose sur lui, après ce qu’il a fait. Il croit y voir une once d’incompréhension, mais peu importe. Le chilien en a assez. Il réajuste son sac sur son épaule avant de revenir à hauteur d’Isaac pour le soutenir. Ils franchissent ensemble l’entrée du commissariat, déterminé à monter en voiture et partir de cet endroit au plus vite. Autant pour l’état d’Isaac, assez préoccupant, autant pour lui-même. En rentrant, il aurait quelques mots à dire à Duncan et Sarah, pour ne pas avoir remarqué la présence d’êtres vivants ici. Cela étant, il ne pouvait pas leur en vouloir vraiment. Si ces hommes ne voulaient pas être trouvés, ils avaient su rester cacher. Aussi, était-ce une faute à pas de chance. Lisandro cherchait déjà les clés de la voiture quand il avisa les quatre pneus crevés. « Puta madre… Hijo de puta. » Grogna-t-il en direction du commissariat. Il se dirigea vers le coffre, l’ouvrit, récupéra le bidon et le jerricane de fortune qu’ils avaient de secours quand ils partaient en expédition. « Isaac, tu pourrais récupérer l’essence de celle-ci ? » Avec Andrea, ils iraient voir après une autre voiture. Il vérifia que son glock était bien chargé et le donna au cavalier. « On va faire vite. » Promit-il.

Andrea lui indiqua la voiture qui bloquait le passage de la sortie de secours… et l’absence de clé. Ils n’avaient pas vraiment le temps de tenter de la faire démarrer sans clé, ni les compétences. Eli aurait probablement été plus utile que lui, à ce niveau-là. Roza lui avait bien montré une fois mais, Eli avait été plus assidu. Il se tourna vers l’entrée du commissariat, sérieusement las et excédé. « Va falloir y retourner… » Soit le Shérif avait la clé sur lui, soit le fils – encore en vie quelque part. Lisandro n’avait aucune envie d’y retourner. Il n’aspirait qu’à rentrer chez lui, retrouver Eli, Selene, et surtout Effy. Profiter de cette insouciance qu’elle avait encore pour apaiser son esprit tourmenté, épuisé. Accompagné d’Andrea, il se dirigea vers le commissariat à la recherche des clés de la voiture de police.

Ils étaient enfin sortis du commissariat. Andrea leur avait dit de rester sur leurs gardes, le fils du shérif s’étant retranché dans l’une des pièces du bâtiment. Ils n’avaient plus qu’à filer jusqu’à leur voiture et partir de là. Malheureusement, ils eurent la mauvaise surprise de retrouver les pneus de leur véhicule crevés. A bout de souffle, Isaac s’adossa contre la portière, abattu. Ils ne partiraient pas tout de suite. Ils devaient d’abord trouver un autre moyen de regagner la prison. Andrea leur désigna alors la voiture qui avait été utilisée pour bloquer l’issue de secours, à l’arrière du commissariat. C’était leur seule chance. Encore fallait-il retrouver les clés…

A la demande du chilien, l’éleveur soupira, pas franchement en état… Mais n’étant pas du genre à rechigner, il s’exécuta, laissant ses coéquipiers retourner jusqu’au commissariat. Restant sur ses gardes, il siphonna le réservoir jusqu’à remplir la moitié du jerrican. Une fois cela fait, il referma le bouchon du bidon avant de se redresser et de le porter avec son bras valide. Il reprit alors la direction du commissariat, espérant rejoindre rapidement ses amis. Son épaule le faisait toujours souffrir autant, fatigué, il manqua de trébucher à plusieurs reprises. Il était vraiment temps de foutre le camp d’ici.