C’était pas leur première sortie. J’reprends ça, là, sur le pouce. Les courbatures de demain seront pas jouasses mais c’est un moindre mal comparé à ce qu’il se passe aujourd’hui. J’avise Maes d’un regard pendant qu’il conseille de parer au plus urgent, ça m’semble évident aussi. Mais on a tous des doutes et des questions, et j’ai la réponse à certaines : Ceux d’la tente nous en ont dit qu’ils avaient entendu l’hélicoptère, y’a quelques semaines. Ils l’ont pas vu, juste entendu. C’est pas les seuls.

D’autres sont venus avec les mêmes rumeurs. On les a pris pour fou.

On y croyait pas trop jusqu’à aujourd’hui. Maintenant, on a plus d’raisons de douter. J’sais même pas si c’est vraiment le même… Enfin… Je hausse les épaules : Quand on a les moyens d’avoir un hélico, on peut voir plus grand pas vrai ?

C’est ça l’truc quand on a la folie des grandeurs, non ? Pourquoi sortir la machine pour seulement ça ? J’ai pas encore en vie d’savoir la réponse, en tout cas, pas dans l’état dans lequel on s’trouve actuellement. Alors puisque j’ai rien à rajouter de plus, j’rejoins l’architecte dans sa besogne, autant qu’ça nous soit utile.

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On sera mieux au calme. Appuya-t-elle pour encourager Lisandro à continuer ce genre d’autorité. Au moins étaient-ils déjà bien moins oppressé. Hannah, il nous faudra aussi de quoi soulager la douleur… Pour lui… Fit-elle en désignant Lisandro de la tête avec un sourire : Et je n’ai plus rien pour lutter contre la fièvre, de mon côté, si tu as de quoi faire. Le Pilote en aura besoin.

Elle commença sa palpation, essayant de trouver tout ce qui n’allait pas chez cet homme. Son visage se fit sérieux et concentré, parfois, elle fronça les sourcils pour ne pas cacher son mécontentement. Ça n’allait pas être facile de le sauver… Pas du tout, même.

Kendale est dehors, avec un autre survivant. Nous cherchons un nouveau refuge en ce moment. Expliqua-t-elle à Lisandro pour le rassurer. Là, elle tira une aiguille de son sac, la désinfecta rapidement, et planta l’outil entre deux côtes de l’homme. En tirant, elle parvint à extraire du sang de son poumon, et afficha une mine fâchée de trouver ça là. Toi, papa ? Il y a des miracles qui arrivent tous les jours finalement. Félicitations à toi. Elle lui demanda de l’aider, veiller aux constantes de l’homme, et de voir avec lui s’il trouvait d’autres fractures. Je suis contente que tu sois à l’abri, et qu’Eli aille bien aussi.

Pour autant, ils devaient se concentrer. L’homme n’était absolument pas stabilisé, et elle ne pouvait se permettre de faire quoi que ce soit sans en apprendre davantage sur lui. Même dans l’urgence. Son diagnostique fut presque évident :

Les chocs traumatiques sont nombreux, il n’a quasiment plus une côte en état, et ses poumons se remplissent de sang. Il faut qu’on trouve où il s’est percé avant qu’il se noie, et pourquoi son cœur s’arrête. Je ne suis pas sûre qu’on puisse le sauver, souffla-t-elle. Essayer de le stabiliser, pour le réveiller, au mieux mais je ne suis pas optimiste. Elle essuya la sueur qui perlait de son front, avant de s’éloigner de quelques pas : Kaycee ! Appela-t-elle sa fille avec vigueur, l’encourageant à revenir vers elle : Tu peux fouiller ses affaires ? Ses poches, la doublure de sa veste s’il faut, s’il a des plaques ou quelque chose… Il nous faut des informations sur lui.

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Je suis silencieuse depuis plusieurs minutes. Je ne l’avouerai sans doute pas mais je suis plus remontée contre moi-même que contre Markus. Je suis responsable, autant que lui, parce que je l’ai aidé à réparer l’antenne et la radio. J’ai eu des mois pour le dissuader et je n’y ai pensé qu’en dernière minute, quand c’était déjà trop tard. Alors les groupes qui se pointent, l’hélicoptère et maintenant… ça : le charnier aux portes du No man’s land, la porte dégondée, les mines épuisées. C’est de notre faute. C’est de ma faute. J’en suis sûre.

J’ai le cœur et les pieds lourds en arrivant à l’entrepôt. Je ne pense même pas à la possibilité que Daniel soit là en pénétrant les lieux mais baisse la tête comme une enfant qui cherche à devenir invisible. Mes cheveux blonds cascadent et masquent mes traits, je ne cherche pas à m’en défaire. Du coin de l’œil, au milieu de tous ces visages tendus, j’aperçois Yulia. Je préfère l’éviter cette fois et je profite de l’agitation autour de la tente pour me faire oublier dans un coin. J’ai la sensation qu’il se passe encore des choses que je ne mesure pas et… non, je n’ai pas envie de m’en mêler pour l’instant.

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Les réactions se font vives, visiblement Mary est encore passée pour une gentille qui veut sauver tout le monde, ce qu'elle fait souvent c'est vrai. Elle les écoute échanger et acquiesce les paroles d'Helena, le matos en ce temps de fin du monde, comment savoir s'il était vraiment opérationnel. Mary se tourne vers Richard et l'observe, plutôt bel homme d'ailleurs avec une certaine prestance, elle lui parle d'un ton calme même si ses joues s'empourprent légèrement:

- J'ai pas parlé de les aider, juste de prendre les devants et dire qu'on l'a sauvé, si on y arrive c'est une bonne monnaie d'échange, ils nous seront redevables, on n'peut pas aider tout le monde, on ignore à qui on a à faire! L'hélico n'a peut-être pas supporter les voyages s'il n'était pas entretenu, mais il faut s'attendre à ce qu'ils aient du bon matos dans tous les cas. Ceci dit, c'est chez vous ici, on prendra pas de décision sans votre accord. On peut consolider l'entrée ici peut-être, vous avez eu de sacrés dégâts... et vous aider à nettoyer.

Observant autour d'elle, elle voit l'état des lieux et c'est pas mirobolant. C'est là qu'elle la voit, masqué sous des tripes et du sang, mais en échangeant un regard elle ne peut pas se tromper, c'est une des jumelles, probablement Lila. Elle se contient, souhaitant terminer sa conversation importante, mais elle ne peut s'empêcher de lui sourire de bonheur. Elle s'inquiète de ne pas voir la deuxième gamine en revanche.

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À l’écart de toute cette animation, Valérian plissait les yeux avec l’expression celui qui s’efforce de mettre un nom sur un visage. Absorbé dans sa contemplation, il en avait oublié le Colt qui pendait désormais inutilement à sa main. Ses yeux verts étaient en effet rivés dans la direction du petit groupe, lequel débattait du sort du pilote, et détaillaient attentivement la silhouette mince d’une femme qui lui tournait le dos. Celle-ci lui était en effet très familière. Ses cheveux châtains, son maintient fier et sa voix claire donnaient en effet l’impression au grec de contempler un fantôme venu tout droit d’une autre vie. Valérian demeurait par conséquent immobile, le souffle coupé, craignant que ne se dissipe l’illusion au premier de ses gestes.

Une petit voix dans son esprit lui sommait cependant de revenir à la raison. Il faisait sûrement erreur. Il devait faire erreur : seul un sacré coup du sort aurait en effet pu les réunir ici-même, dans cet entrepôt délabré, après toutes ces années à errer en plein cauchemar. Son esprit lui jouait probablement des tours : Il ne pouvait pas s’agir d’elle.

À cet instant, Valérian réalisa qu’il avait perdu espoir de la retrouver. Probablement depuis un bon moment, d’ailleurs. Il était à présent bien trop désabusé pour croire à des retrouvailles dignes d’un conte de fée. Ce monde l’avait en effet taillé à sa mesure et rendu insensible à toute forme d’optimisme. Le grec considérait qu’il était en effet absurde de rêver, dans la mesure où seules les pires craintes des vivants paraissaient désormais prendre chair et se réaliser sous leurs yeux. Il se mit par conséquent à ricaner de sa propre stupidité et passa une main dans ses cheveux sales : il avait probablement été quelque peu ébranlé par les derniers événements en date et se laissait, par conséquent, gagner par un sentimentalisme qui lui ressemblait franchement peu. Allez, un peu de nerf ! Ce n’était pas le moment de se laisser aller à de telles mièvreries ; le No Man’s Land paraissait en effet en ébullition et des voix s’élevaient désormais de tous côtés pour prendre part au débat.

Valérian s’approchait lentement du groupe dans l’espoir d’avoir voix au chapitre, lorsque fut soudain mentionné son prénom. Une femme blonde, bien bâtie, l’avait en effet prononcé l’air de rien. Il eut pourtant pour effet d’électrifier le grec, à quelques mètres de là.

« Merde alors. »* fut tout ce que Valérian trouva à marmonner, véritablement frappé par la foudre.

* En grec.

résumé: