Crispé sur le volant, j’avais tenu le coup – on avait tenu le coup… Mais à quel prix ? Ce que l’on avait découvert, lors de notre passage en centre-ville pour estimer l’étendu du danger), n’avait absolument rien donné de bon pour nous rassurer… Les morts étaient nombreux – très nombreux – une véritable foule mouvante couverte de boue, qui peinait peut-être à avancer, mais qui n’était pas moins désespérément affamé. Comme s’ils venaient tout juste de sortir de terre après de longues années passées ensevelie… Comme s’ils étaient ces 2637 corps dont faisait mention ce maudit bout de papier que j’avais foutu dans ma poche arrière de jeans. Parce que, plus les choses allaient, et plus on avait des raisons de croire que ce fameux protocole G.I.U. avait bel et bien eut lieu.

Enfin, on était parvenu à regagner le Fort. Passant le portail dans un beau mélange confus de soulagement et de d’affolement. Je m’étais alors laissé entraîner par cette vague d’agitation qui animait la cour intérieure. C’était au milieu de tous ces visages inquiets qui nous encerclaient et nous bombardaient de questions, que j’avais tendu la note trouvée près de l’hôpital, à qui voulait bien la voir – la laissant circuler, de mains en mains, pour quelle puisse venir appuyer les explications que fournissaient déjà Duncan et Andrea.

J’aurais probablement dû ressentir de la fatigue, après cette longue journée d’expédition, et pourtant, l’adrénaline et l’urgence de la situation semblait avoir effacé toute trace de lassitude dans mon corps. J’étais sur le qui-vive ; tendue comme un arc prêt à tirer. Grouillant sur place et tout simplement incapable de me tenir tranquille. Il fallait que je bouge. Que je fasse quelque chose – n’importe quoi – pour rendre la situation moins pénible qu’elle ne l’était déjà.

« On ne pourrait pas simplement dévier la horde avant qu’elle n’arrive jusqu’à nous ?! » La vérité, c’est que je n’étais vraiment pas certain d'avoir ce qu'il faut pour pouvoir rester suffisamment immobile et silencieux le temps que les morts passent leur chemin… Et, ça, s'était sans compter la panique étouffante que je sentais déjà monter en moi à l'idée d'être assiéger entre ces murs. « Avec des fusées de détresse et un système d’alarme enclenché sur un véhicule, on aurait tout ce qu’il faut pour les attirer dans une autre direction ! » et tout ce qu'il faut pour se retrouver avec une horde aux trousses... Mais au moins, ça les amèneraient loin d'ici !

Spoiler:

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Je m’emballe sûrement pour rien, ils n’ont sans doute rien, pas la peine de paniquer. Sauf qu’étrangement, plus je me le répète, moins ça marche. Mais comme chacun essaie de s’activer dans le calme, je ne peux que me dire ça ira. Et que je me traiterais d’idiote après, quand on les aura retrouvés et qu’on se sera rendu compte que les piles ont juste lâchées. Pourtant quand le talkie finit par grésiller, je soupire de soulagement. Soulagement qui ne dure absolument pas évidemment en les entendant. Et l’autre groupe ? Et pourquoi…

Et à quel moment, je peux dire que j’avais raison de m’inquiéter ? À quel moment l’inquiétude peut se muer en panique sans que je ne passe pour une hystérique ?

… Oui, c’est sans doute le bon moment j’en conviens.

Je cille, n’écoutant plus que d’une oreille distraite la conversation, mes oreilles bourdonnant en revoyant certaines masses de morts, aperçus de très très loin avec Tom, il y a un siècle de cela. Je ferme les yeux, inspirant lentement, me forçant à me concentrer sur les échanges. Et ça, je crois que c’était un gémissement venant de moi, en entendant Andrea mentionner une autre horde, sur ceux encore dehors. Nolan. Mais de toute façon, si on peut pas sortir, si on en a des centaines qui déboulent, ce serait du suicide… Je me rends compte que je me suis accroupie, la tête posée sur mes genoux, en sentant la crise arriver.

Inspire. Si tu commences à péter un plomb maintenant, tu n’aideras personne. Expire. Tom se mettra en danger pour toi, encore. Inspire. Et tu seras pas capable d’aller retrouver Nolan. Expire. Et surtout, si tu fais du bruit, tu feras tuer tout le monde. Inspire.

D’accord. Expire.
Tu peux être utile. Pour une fois.
Fais-le c’est tout. Et respire.

Les bras serrés autour de moi, je me force à me relever. Bloquer les portes et se taire. Ça peut marcher. Je tourne la tête en entendant parler des gosses, et je dévisage un instant la gamine, qui semble encore plus paniquée que moi. Elle va pas rassurer les gosses elle. « Les chevaux. Faut s’occuper des chevaux pour pas qu’ils se mettent à flipper quand la horde va passer. Tu t’en sors bien avec eux non ? Tu saurais faire ? » Je jette un coup d’œil à la femme. Pour les gosses, vaudrait mieux des personnes qui savent y faire. » Pas moi, jamais de la vie donc.

Je rejoins Duncan et Andrea. « Je peux faire quoi ? Et quand vous sortirez, je viens. » Okay, ça c’était pas une question…

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Putain, j'avais mal au dos et c'était l'bordel, mais genre vraiment l'bordel. J'avais claqué la porte de la bagnole derrière moi en arrivant au camp alors que tout le monde se précipitait un peu partout en paniquant, p'têt que moi j'paniquais pas parce que je connaissais que très peu les gars d'ce groupe et que j'm'en foutais un peu. Ça m'faisait chier d'perdre l'avion de chasse sans avoir pu la conduire mais bon c'était pas la mort non plus.. enfin pour elle, si. Mais ressentir toute cette ébullition m'avait rappelé pourquoi pendant longtemps j'avais pas voulu m'joindre à un groupe, les gens paniquent dès qu'il se passe quelque chose, à raison certes mais ils paniquent. Alors j'pose les yeux sur eux, avec un air blasé, personne reste calme visiblement. Faut juste s'terrer dans un trou et pas en sortir de toute façon pis ils verraient pour les autres après, t'façon s'ils étaient morts, le problème était déjà réglé.

Mais d'un autre côté les voir bouger partout ça m'rendait heureux, ça montrait qu'y avait toujours un esprit d'camaraderie, un esprit d'commun qui animait les groupes de vivants. C'était pas si mal, fin j'crois. J'savais pas trop quoi dire depuis l'début de toute façon, j'savais pas trop où me mettre pour une fois, y avait plein d'monde et j'en connaissais pas beaucoup en plus j'avais pas trop envie d'faire l'mâlin devant tout l'monde à ce moment précis, j'savais quand même m'tenir j'étais pas un monstre.. enfin pas totalement.. j'crois ?

Enfin quand Andrea distribua les ordres, j'hocha la tête, j'allais aider un peu, ça valait mieux plutôt que d'rester à d'voir soutenir moralement les autres parce que t'façon j'en étais bien incapable. J'laissa glisser mon r'gard sur le grand type qui ressemblait au Père Noël s'il distribuait des droites avant d'lui demander fatalement : "On commence par où ? J'connais pas encore bien l'endroit." Parce que c'était vrai, j'connaissais pas tous les coins et recoins de c'fort et j'savais pas où y avait p'têt plus besoin qu'ailleurs.

Spoiler:

Selene fut soulagée d’entendre ses deux amis – et représentants du conseil – approuver son idée. Elle descendit promptement de Fury avec l’intention de la faire retourner dans l’écurie. La jument était déjà suffisamment nerveuse de sentir les humeurs de sa cavalière, le fourmillement de survivants stressés et l’approche de la meute n’allait rien arranger. Les rênes dans une main, elle reçu la fameuse communication de l’armée mais n’y posa pas ses yeux bleus : ils étaient occupés à foudroyer Frederik – et Daniella qui l’encourageait dans son idée stupide.

- Ah oui ? Et tu la détournes dans quelle direction ta horde, petit génie ? Vers la ville où y’a des milliers de rôdeurs qui attendent un casse-dalle ou jusqu’au cul-de-sac en bord de mer ?

Le fort était sur un bras de terre encerclé par les eaux, alors ils n’avaient pas quinze choix de directions, ils en avaient deux. Et les deux signifiaient envoyer le potentiel conducteur dans une voie sans issue où il avait 100% de chance de se faire bloquer, acculer et dévorer. Parfois, la musicienne se disait que si l’européen aimait tant son marteau, c’était parce qu’il en avait un à la place du cerveau. Il ne savait pas de quoi il parlait. Elle – et tout ceux de la prison – avaient déjà vécu cette situation ; et ils avaient essayé de détourner les voraces. Oh oui, ils avaient sauvé leur refuge… mais William, qui avait pris le volant, en était mort.

Par succession d’idée, songer à l’ambulancier lui rappela cette nuit tragique trois ans auparavant… et elle pensa à Juliet. Cette dernière approchait d’ailleurs, blanche comme un linge, fébrile, absente. Selene se désintéressa momentanément des autres pour prendre brièvement son amie dans ses bras.

- Ça va aller. Je te promets, ça va aller, souffla-t-elle contre son oreille, rentre Fury, elle lui transmit les rênes, s’écartant pour pouvoir chercher son regard, enferme-toi avec les chevaux, je viendrai te chercher quand c’est terminé, la pianiste déposa un bref baiser sur son front, vas-y.

Sa main s’attarda sur sa joue laiteuse et elle se détourna à contrecœur pour prêter main fort où elle pouvait.

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Tétanisée par la peur, Juliet ne voit pas Daniella s’approcher. Elle entend seulement une voix floue, qui se veut malgré tout rassurante. Mais ses paroles ne font que l’effrayer encore plus et le regard qu’elle lance à la jeune femme est chargé de terreur pure. Le visage d’Arun danse devant ses yeux, le sang qui dégouline sur son front pâle, son corps mort entre ses bras et à ses pieds, la batte rougie avec laquelle elle l’a frappé. Heureusement Cassidy s’approche à son tour et suggère à la blonde de prendre soin des chevaux. Un faible hochement de tête lui répond mais elle reste immobile après le départ de la botaniste.

Les secondes s’étirent à mesure qu’elle s’applique à faire refluer la peur. Mais sa panique a pris le dessus sur tout le reste et elle est incapable de se détacher de son emprise. Au prix d’un effort colossal, elle finit par s’arracher à son immobilisme et part en direction de l’écurie. En apercevant Fury elle se dirige vers la jument, aux côtés de qui marche Selene. Sans un mot, la blonde avance résolument vers son amie pour se perdre dans ses bras. Les larmes aux yeux, elle hoche la tête contre l’épaule de la brune avant que celle-ci ne lui fourre d’office les rênes de la jument.

- Ok, souffle-t-elle d’une voix étranglée. Elle ferme les yeux un instant, profitant du baiser, sa respiration s’apaisant lentement. Sois prudente. Elle pose sa main sur celle de Selene, résistant à une impulsion stupide, déplacée.

Lorsque son amie s’éloigne, elle caresse l’encolure de Fury pour la rassurer, avant de l’entraîner avec elle vers l’écurie. Avec des gestes lents et mesurés, elle la débarrasse de son harnachement puis enfoui son visage dans la crinière à l’odeur familière et rassurante de la jument. Là, à l’abri des regards, elle se laisse aller à fondre en larmes.

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Résumé: