Ils l’avaient tous regardé bizarres – sauf Selene sans doute ? Mais il fallait dire que de tous ceux qui s’étaient portés volontaires pour sortir, il n’y en avait pas beaucoup qu’il connaissait vraiment. Même Cassidy, et cela même s’il taquinait régulièrement Nolan à son sujet. Mais à peine eut-il mis en marche le moteur que le grésillement du talkie et la voix d’Andrea lui fit tout arrêter. Elle rentrait. Il y a avait un soupçon d’urgence dans sa voix.

Suivant les ordres de la régisseuse, tout le monde se remit en sécurité à l’intérieur du Fort quand le vrombissement du moteur de la voiture de leurs amis résonna dans la nuit. Lisandro se tenait prêt à les accueillir – à s’assurer qu’elle allait bien – et quand la brune sorti du véhicule, il fit un pas vers elle avec l’envie irrépressible de la serrer dans ses bras. Mais devant l’agitation qui les tenait tous, il se contenta de croiser son regard brièvement, rassuré de la voir en un seul morceau.

Malheureusement, les réjouissances furent de courtes durées. « Santa Maria… » Le reste du chapelet qu’il s’apprêtait à débiter resta coincé dans sa gorge alors que cette annonce lui rappelait un douloureux souvenir du lycée. Sauf que, à l’époque, ils avaient tous été surpris par cette horde. Le chilien n’était pas le tacticien de ce groupe, ni même un dirigeant. Cora et Andrea sauraient les coordonner comme il faudrait. Juliet était revenue près de lui et Selene, à attendre les autres. Lisandro regarda sa petite blonde préférée, devenue livide. « Je pense qu’il est temps de t’équiper, cariña … » Dit-il en tentant un demi-sourire. Il pouvait essayer, mais en cet instant, il n’en menait pas large. « Ils auront besoin de soutien au sol pour renforcer le portail et les empêcher de passer. » Ils n’étaient pas sniper, ni lui, ni elle. Mais ils protègeront leur maison, cette fois. Du moins, il l’espérait. Il avait à présent beaucoup trop à perdre, que ce soit ces murs qu’ils avaient mis tant de temps à consolider, et cette famille – sa fille – qui risquait de disparaitre s’ils ne parvenaient pas à se défendre. C’est sans doute l’image d’Annabella qui le poussa à s’avancer vers sa femme. « Comment je peux aider ? » Dit-il avec aplomb, malgré l’angoisse dans son regard.

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Daniella avait eu la sagesse de l’écouter. La boule au ventre, la musicienne acheva de préparer seule Fury et sauta sur son dos. D’une inflexion du talon, elle incita sa monture à trottiner jusqu’à la cour où les voitures et les volontaires étaient prêts. Skyler lui lança une torche qu’elle attrapa au vol, au moment où le talkie à sa ceinture avait craché les voix de Cora et Andrea. Ne pas sortir, vraiment ?

Sa jument devait sentir sa nervosité carme elle trépignait, piétinant la terre battue des sabots et Selene ne songea même pas à descendre. Quand enfin les grandes portes s’ouvrir, le soulagement fut de courte durée. Andrea, Isaac et Duncan était là… mais ils apportaient de mauvaises nouvelles. Ils parlèrent de cadavres déterrés, par centaines, qui erraient dans les parages et probablement dans leur sillage.

Les yeux bleus de la jeune femme qui dominait la scène du haut de Fury se perdirent brièvement dans le vide, en quête de solution. Coupée dans son élan, il lui fallut un instant pour recalibrer ses intentions. Une équipe était rentrée mais l’autre était toujours dehors, probablement coincée par la même horde qu’avait vu le groupe d’Andrea… ou peut-être était-il trop tard.

Elle se pinça les lèvres ; les cartes avaient changé. Maintenant qu’ils savaient ce qui risquait d’approcher, ils devaient d’abord défendre leurs positions. S’ils sortaient sauver les autres au péril du Fort, ça n’aurait pas d’intérêt, ils n’auraient plus nulle part où rentrer. Ses entrailles se nouèrent à l’idée de savoir Serena et Joey là-bas. Il fallait qu’ils arrivent à tenir le choc…

- Si on est pas sûr que les mordeurs suivent, on pourrait pas simplement arrêter de faire du bruit et attendre qu’ils passent ? Proposa-t-elle aux représentants du conseil, après que Lisandro ait demandé comment il pouvait aider, on se tait, on arrête tout ce qui peut faire du bruit et… peut-être qu’ils nous passeront juste à côté.

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A l’infirmerie, Lisandro cerne très vite l’appréhension de sa protégée. Lorsqu’il lui propose de ne pas sortir avec eux, elle se mord les lèvres avant d’accepter. Elle n’aime pas cette impression d’abandon, mais elle ne se sent pas prête. Avec gratitude, elle le suit pour rejoindre la cour et le regarde monter en voiture avec les autres, prêts à quitter le camp.

Mais ils n’en ont pas le temps et les portes s’ouvrent seulement pour laisser entrer le groupe d’Andrea. Les nouvelles qu’ils apportent ne sont pas bonnes et Juliet se fige, comme tous les habitants. Elle se sent pâlir, son souffle s’accélérant soudainement. Elle entend à peine les mots d’encouragements que Lisandro lui adresse. Tout, dans cette situation, la ramène à cette nuit. Les rôdeurs, la proximité de ses voisins, la lueur de la lune, qui transperce l’obscurité des ténèbres, mais pas suffisamment pour voir… La terreur pure court dans ses veines, lui glaçant le sang et recouvrant son corps tout entier d’un film de sueur froide. Submergée par la nausée, elle cherche désespérément Selene du regard et la trouve toujours à cheval.  

- Je -… Sa voix se bloque dans sa gorge. Devant ses yeux dansent des étoiles. Je peux pas. Je veux partir. Gargouillis immonde. Aveu de faiblesse qu’elle lâche sans même l’entendre réellement.

Ses yeux révulsés de terreur cherchent ceux de Lisandro, mais il est déjà tourné vers la protection du camp. Elle sait qu’elle devrait dépasser cette peur qui la paralyse, qu’elle devrait se préparer, comme les autres. Mais un seul mot résonne dans son esprit, comme une rengaine lancinante.

Fuir. Fuir. Fuir.

Avant qu’un autre malheur n’arrive.

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Elle allait bien, mais elle avait besoin de boire de l'eau. Depuis leur arrivée, Duncan et elle n'avaient eu de cesse d'expliquer la situation. Ils avaient déjà pas mal d'éléments à montrer aux autres. Et pour sa part, Andrea était contente qu'ils soient rentrés à temps ! Qu'est-ce qu'il se serait passé s'ils avaient pris un peu trop de retard, s'ils s'étaient faits détourner par la horde ? Tout un groupe se serait retrouvé nez à nez avec beaucoup trop de morts pour pouvoir les affronter. Ca avait au moins le mérite de la conforter dans son choix… Le cas de Serena, Joey, Akiko, Nolan et Tomas n'était cependant pas encore réglé.

Une chose à la fois.

C'est une bonne idée, fit-elle à Selene. Mais il fallait un silence absolu : Les chevaux dans l'écurie, couchez les enfants, fermez les portes et les fenêtres. Je veux qu'on bloque l'entrée avec les véhicules et qu'une dizaine de personne reste dans la cour si jamais quelque chose foire. On doit garder un silence absolu, ordonna-t-elle alors. Il fallait que tout se mette en branle : Je ne sais pas combien de temps on va devoir passer comme ça, une heure, peut-être plus, mais on ne peut pas se permettre de se confronter maintenant à une horde de cette taille quand une autre empêche Serena, Tomas, Akiko, Nolan et Joey de rentrer à la maison.

Un soupir lui échappa, elle était déjà épuisée et la nuit promettait d'être encore terriblement longue.

Partons du principe qu'ils se sont mis en sécurité, on va tenter de les recontacter, et dès que la horde sera passée, nous repartirons pour les tirer de là, ses yeux se levèrent vers Duncan. Sans Serena, ils n'étaient que tous les deux pour mener la troupe. Autant faire front commun. Elle lui laissait les rennes de l'organisation de l'expédition à venir : ici, elle pouvait gérer. Dehors, elle lui faisait davantage confiance.

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