Elles courent jusqu’à en perdre haleine, mais impossible pour elles de semer les deux hommes à leurs trousses. Les coups de feu retentissent, et une balle fuse près de son oreille. Puis une morsure, brûlante, à son bras. Elle ne s’arrête, ralenti peut-être, mais jamais ne s’arrête. Jusqu’à rejoindre par hasard Selene et Corray au détour d’un couloir. Les coups de feu s’échangent alors et l’amazone n’a que le temps de se mettre à l’abri alors que les hommes tombent sous les balles et les coups d’un Corray au sommet de sa rage. Quand le dernier homme tombe à terre, c’est un crissement de pneus qui se fait entendre et qui leur apprend soudain, que plus personne ne viendra. Mais il manque quelqu’un à l’appel.

Vaguement, elle écoute Nihima demander à Selene ce qu’il s’est passé. Ce qu’elle leur a dit et révélé. Ce n’est que quand elle entend le nom de Valerian qu’elle se fige et se braque contre la musicienne. « Quoi ?! » Ça lui échappe, un grondement furieux. Et si le regard se perd instant, incendiaire, elle décide que ce n’est ni le lieu, ni le moment. Selene est ailleurs, déconnectée. Raina réfrène et enfuit le mépris qui l’assaille soudain. Parce qu’il manque encore quelqu’un, et qu’il était hors de question de quitter ce bâtiment sans l’avoir retrouvée.

La colère pourtant, est bien là. Et c’est probablement celle-ci qui l’empêche de voir, alors qu’elle et Selene parviennent au deuxième étage, quoi que ce soit qui leur serait utile. Elles sont néanmoins seules, toutes les deux dans le couloir, et les mots tombent, sans qu’elle ne puisse les retenir. « Je sais pourquoi tu as parlé. Je sais qui tu voulais protéger. » Ça oui, elle le comprenait. « Mais ne me compte plus parmi tes alliées, Selene. Si ma famille tombe… » Elle n’acheva pas sa phrase, ce n’était pas la peine. Et puis elle avait enchaîné bien trop de mots en un si court laps de temps, de toute façon. Raina avait laissé sa vie avec les siens, pour entrer dans la famille d’Isaac. Si les paroles de Selene menaient les siens à leur perte, il n’y aurait aucun pardon possible. Nulle vengeance, par ailleurs, par égard pour Isaac. Mais jamais, elle ne pourrait le lui pardonner.

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S’appuyer sur Corray lui permit de récupérer quelques miettes d’énergie. Juste un peu. De quoi focaliser à nouveau son énergie sur l’essentiel : trouver Juliet, sortir d’ici. La musicienne ne vit même pas les regards qu’on lui lançait, elle n’avait de toute façon pas la force de se disperser. Elle n’avait qu’un objectif depuis son arrivée ici, un seul.

La machine humaine était impressionnante. Capable de puiser dans des ressources insoupçonnées, inespérées. Quand le corps lâchait, le mental prenait le relais. Selene était certaine que ses muscles étaient séchés de la moindre calories et pourtant, ils la portaient encore. En boitant, la jambe en sang, le visage en sang, elle grimpa les escaliers jusqu’au deuxième. Comme un automate. Dans sa main rouge, la lourde arme de poing pesait trois tonnes. Les mots de sa partenaire lui parvinrent comme à travers un nuage de buée ; elle répondit du tac-au-tac, glaciale :

- Je me fiche de ta famille, Raina.

Et à cet instant, elle se foutait aussi de la compagne d’Isaac. Elle parlait sans savoir, sans avoir vu. Qu’importe, elles étaient visiblement dans un étage de « vie ». Peu de cloisons, des chaises de camping, des effets personnels… ça lui fit serrer les dents, d’imaginer ce monstre de Chris se détendre là, après avoir accompli son méfait. Ce n’était probablement pas ici que se trouvait Juliet… elle était prête à proposer de changer d’étage, quand une radio attira son regard. Éteinte, abandonnée, mais… ça servira peut-être ?

- Emporte ça, désigna Selene ; elle, n’aurait pas la force de le tenir.

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« Je n’me fiche pas de la tienne. » Répondit-elle, sans plus d’émotion. Si elle s’en fichait, elle ne serait pas là, à chercher Juliet avec elle. Raina n’avait aucun don pour les relations humaines et son empathie ne servait finalement qu’à peu de monde autour d’elle. Selene ne l’avait pas. Elle n’aurait d’ailleurs plus sa confiance, ni son estime. Ce qui importait pourtant, là. C’était de retrouver Juliet et de la ramener auprès des siens, et auprès d’Isaac. Si elle s’en fichait de la famille de Selene, elle les aurait déjà probablement plantés là, pour rejoindre la distillerie. A une époque, c’est ce qu’elle aurait fait.

Fouiller cet étage ne les menait à rien, un lieu de vie déserté. Qu’ils aient été tous là, à se détendre, alors que les siens se faisaient torturer les uns à la suite des autres ne faisait que monter une sombre colère dans le creux de son ventre. Juliet ne serait pas ici. Elles allaient bientôt monter à l’étage quand Selene lui désigna la radio, qu’elle emporta sans un mot. Utile ou non, ce n’était pas leur préoccupation la plus urgente.

Sans plus échanger un mot, les deux femmes atteignirent le deuxième étage, toujours à la recherche de Juliet, ou d’une trace peut-être. Quelque chose qui pourrait les mener à la jeune femme. Mais il ne régnait entre ces murs qu’un silence pesant et une odeur âcre de sang.

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Elle repenserait plus tard à la déclaration de Raina, à propos de sa famille, bien qu’elle ne soit pas certaine que ça change quelque chose. La musicienne était ainsi, elle l’avait toujours dit – sinon pensé : la prison, ses proches, passaient avant tout le reste. Elle brûlerait même Nisqually de ses propres mains, si cela permettait de sauver Duncan, Lisandro, Joachim, Isaac, Ruben, Andrea, Annabella, Wyatt, Juliet ou Elizabeth. Particulièrement ces deux dernières…

Péniblement, ralentit par quelques débuts de malaise et les tâches colorées qui venaient troubler sa vision, les deux alliées montèrent au dernier étage et l’explorèrent sans trouver trace de vie, ni rien qui les intéressait. Selene devait lutter contre la panique qui lui serrait la poitrine pour rester lucide : si sa petite-amie n’était pas dans ce bâtiment, alors soit elle était morte, soit ils l’avaient embarquée…

Un sursaut d’espoir fit bondit son cœur contre ses côtes douloureuses : elles se heurtèrent à une porte fermée. Pas de clef à proximité, mais elles pouvaient essayer de l’enfoncer !

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Le deuxième étage ne semble leur apporté aucun espoir, aucun signe de Juliet, mais les deux femmes avancent, continuent à pousser les portes, une part une, avec obstination. Les deux femmes avançaient pour les mêmes raisons ; la famille. Excepté qu’elles n’en avaient pas la même définition. Une porte leur résiste néanmoins. Il faut un gros coup d’épaule de la part de Raina pour l’enfoncer, avec l’espoir peut-être de retrouver la blonde à l’intérieur ? Aucune trace. Toujours. Mais rangées sur un établi : son arc et l’équipement de Corray. Elle reprend ses effets et celles du jeune homme avant de faire demi-tour. « On redescend, on a peut-être manqué quelque chose. » Elle n’abandonnait pas, pas encore. Mais il commençait à devenir évident que plus personne n’habitait ces lieux, à par eux.

Le premier étage est passé en revue rapidement. Jusqu’à atteindre une chambre avec un lit défait. Juliet y avait-elle séjourné ? L’amazone était encore loin de savoir tout ce que la blonde avait vécu entre les murs de ce bâtiment. Mais sur une table elle trouve de la nourriture, et des bandages qu’elle prend et donne à Selene également. « Je ne trouve pas de trace d’elle. » Annonce-t-elle, sombrement. Elle n’est pas vaincue, elle est en colère. Et probablement encore loin de ce que Selene pouvait également ressentir à cette heure.  

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Derrière la porte, il n’y avait rien qu’une infime partie de leur équipement. Le reste avait probablement été volé : les denrées alimentaires, les armes, tout. C’était une goutte d’eau de plus à cette océan démoralisant : ils avaient tout perdu ce coup-ci.

Toutes les deux n’eurent pas le choix que de redescendre. Selene était de plus en plus lente, de plus en plus faible. Au premier à nouveau, elle dû reprendre son souffle de longues secondes Et enfin, elles découvrirent une pièce où pourrait avoir été retenue Juliet, mais celle-ci était vide. La pianiste sentit ses forces l’abandonner brièvement et dut s’asseoir sur le lit pour ne pas s’écrouler. Sa jambe lui faisait un mal de chien, son oreille aussi, tout comme ses côtes et son bras gauche. Elle était couverte de sang, blafarde, peut-être même ne tiendra-t-elle pas le retour à Nisqually. Peut-être qu’elle allait mourir avant d’avoir retrouvé sa protégée. Une main fébrile passa sur son front migraineux, puis elle souffla du bout des lèvres :

- Tu peux pas comprendre…, et les voix qui rampaient dans son crâne l’empêchaient de garder le fil, tu sais pas… ce qu’ils lui ont fait…, elle ne regardait pas son aînée mais un point fixe dans le néant, j’étais obligée…, obligée d’essayer ; de choisir entre sa famille et celle de Raina, j’étais obligée…

Et à quoi bon ? Car au final, Juliet n’était pas là. Elle était probablement en route pour New Eden… avec Chris et Oliver. Avec Betsy.

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