Merde, c'était un beau bordel tout ça. Je m'étais réveillé avec un putain de mal de crâne après ma chute et on avait dû tous fuir à cause de Marlon et de ses conneries de coup d'état pour rétablir Dieu sait quoi, j'avais rien compris, tout ce que je savais c'est que ce soir-là j'dormirais pas tranquille sur un oreiller. J'les aimais déjà pas, maintenant j'veux franchement leur faire la peau, le refuge qu'on avait trouvé était pas horrible mais c'était clairement pas un hôtel de luxe et très loin d'être au niveau du fort, c'était juste suffisant comme un abris de fortune le temps de  reprendre ce qu'était à nous. Deux jours, ça f'sait deux jours qu'on était là, quarante huit heures à enchaîner tour de garde, discussion et gestion de stress des autres, c'était quand même une sacrée merde et ç'm'rappelait pourquoi j'avais pas voulu d'groupe pendant longtemps mais maintenant qu'j'y étais fallait bien m'démerder et participer.

En plus j'avais la chance d'être en pleine forme et quand l'Janek nous avait avertis qu'une voiture arrivait et que j'vis enfin le visage de Juliet, mon cœur s'délesta du peu qu'il avait de poids sur lui, la seule personne à laquelle j'tenais un minimum était encore vivante, l'reste c'tait des options même si j'irais quand même les chercher, pas loin du canapé où Joachim semblait vivre ses dernières heures, ce qui de toute évidence n'inquiétait que moi, la blonde nous fit un topo, de toute évidence c'était l'bordel et nos p'tits amis étaient coincés avec New Eden, autant dire qu'y fallait s'speeder pour les récupérer sous peine d'les voir tous crever, pendus à un arbre pas loin de notre petit paradis, enfin de ce qu'était notre petit paradis.

J'souffle du nez tandis que tout l'monde pose des questions à Juliet pour porter mon r'gard sur l'pauvre gamin qui est en train d'clamser, y s'plaint d'sa jambe et j'm'approche de derrière lui pour lui taper doucement sur l'épaule et essayer d'le rassurer, s'il est encore capable d'comprendre c'qu'on dit, s'il est même encore vraiment conscient vu son état. "T'inquiètes pas, c'pas prévu qu'ce soit cette nuit ou les dix prochaines années que tu t'fasses sucer par des anges, on t'garde avec nous." Enfin, c'ce qu'j'dis mais j'lance un regard aux autres un peu plus grave sûr'ment coupé par Soo et sa batterie d'une centaine de questions à la minute. "On a rien ou presque, Joachim est en train d'crever et on a plus d'chance si on r'trouve et on récupère nos camarades d'Nisqually d'aller libérer Selene et les autres qu'd'faire le contraire." Un instant d'pause et mes yeux étaient sur Ruben. "Si on récupère pas les nôtres d'abord, c'sera juste du suicide d'aller chercher Selene et j'veux pas savoir ce que vont vivre Duncan, Caleb et tous les autres aux mains d'Marlon et sa bande si on r'vient pas." Surtout vu l'état d'Juliet et d'sa pote, Selene, Nihima et tous les autres, dans le même état servirait presque à rien ou à pas grand chose d'plus.

Spoiler:

« Il n'y a pas de On ! »

Les interventions de Kaya se font rares. Elle a passé les deux derniers jours dans son coin, n'accordant son attention qu'à Ruben ou Joachim. « T'as quoi ? Huit ou neuf ans ? » Son regard se darde sur Soo, cette enfant dont elle fustige maintenant l'enthousiasme. « À défaut d'être utile, essaie au moins d'rester en vie ! » Les mots claquent sévèrement. L'adolescente a l'impression d'avoir trop perdu. Et si elle espère toujours que sa mère ou Isa' aient pu survivre d'une manière ou d'une autre, l'espoir se tarit au rythme de ces trop longues secondes qui s'écoulent. Et avec lui, cette capacité à faire preuve d'empathie.

Lorsque Juliet a fait son apparition avec cette rouquine, sa joie s'est ainsi révélée fort mesurée. Ces filles ne lui inspirent pas grand chose. « Tu t'es enfuie sans les autres ? » reproche-t-elle à la première. Cette lâcheté l'agace. Et pourtant un sourire fatigué finit par naître sur ses lèvres lorsqu'elle s'autorise à imaginer les retrouvailles avec sa mère et cette étreinte qui viendra les ponctuer.

Évidemment, elle se sent obligée de faire quelque chose pour lui venir en aide. À elle ainsi qu'à tous les proches des personnes présentes. Mais elle ne se sent nullement redevable envers Fort Nisqually. Ce n'est plus chez elle. Pas depuis que Marlon et les autres ont décidé - et sont parvenus - à prendre le pouvoir. « J'vais aller chercher ma mère ! » annonce-t-elle simplement. Ils ne peuvent pas sauver tout le monde. Elle n'en a d'ailleurs pas réellement l'envie. Et sa priorité absolue, c'est Nima. Ou encore Joachim et cette blessure infectée qui l'entraine, lentement, loin des rivages de l'existence. « Il est où, cet avant-poste ? » s'enquit-elle en se retournant vers Juliet. « Il y a encore assez d'essence dans la voiture ? » Suffisamment pour le rallier ?

Clairement, elle n'a pas envie de débattre ou de demander l'autorisation. Ses yeux sombres se posent sur Ruben et Joachim. Elle interroge le premier du regard : va-t-il l'accompagner ? « On a déjà perdu trop de temps ici ! » Du temps qu'ils auraient pu mettre à profit pour aider leur camarade blessé. C'est ce qu'elle compte faire maintenant. En réduisant cet avant-poste en cendre et en le pillant de ses ressources médicales. D'une pierre, deux coups !

Et puis son regard dérive sur Denise. Sans trop savoir pourquoi, le sang de la Lakota ne fait qu'un tour. Cette rage, cette haine, elle la manifeste sous la forme d'un coup de pied dans le visage de la rebelle. Un autre suit puis son poing prend la relève. Ce n'est pas utile. Mais qu'est-ce que ça fait du bien...

le p'tit résumé sympa:

Kaya, arrête ça ! J'ai pas le temps de réagir à tout ça trop vite, y'a beaucoup de choses qui se disent, trop sans doute et... Je fatigue, comme tout le monde. Je me lève et éloigne mon amie de l'afro-américaine, l'attrapant par les épaules pour la faire reculer. Mais quand je me redresse pour me tourner vers cette dernière, elle ne bouge plus, et à les yeux fermés : Denise ?

Mes doigts s'approchent de son nez pour vérifier qu'elle respire toujours et je sens rien. Ensuite, c'est son pouls que je cherche au niveau de son cou... Et y'a rien !

Chier ! Je dégage rapidement les trucs autour d'elle, l'allonge convenablement, lui redresse la tête même rapidement pour qu'elle puisse avoir de l'air. Elle respire plus ! J'sais pas pourquoi j'dis ça aux autres, ils ont l'air de s'en foutre. Mais ils comprennent pas à l'évidence qu'elle est importante - si ce n'est pour nous actuellement - au moins pour quelqu'un sur terre. Allez, allez, allez !

Je ramène mes mains l'une contre l'autre et les place au niveau de son plexus. Et je me redresse au-dessus d'elle, pour y mettre mon poids. C'est quoi la chanson ? Stayin' Alive... Je la marmonne dans ma barbe, appuyant avec force sur son thorax pour relancer son coeur et... D'un coup, Denise se réveille, elle inspire profondément et moi, c'est une vague de soulagement qui m'envahit soudainement... Je pensais pas prendre soin un jour de ma pire ennemie, mais je le fais, je dégage son visage, attrape un linge humide pour le nettoyer, la redresser, lui file un coussin pour le mettre sous sa tête....

Plus personne l'approche à part moi, c'est clair ?! Que je grogne aux autres : Si je vous vois lui parler, la regarder, la toucher, je vous pète la gueule ! Et je suis putain de sérieux.

Il y avait trop de bruit.
Qu’est-ce qui pouvait susciter une agitation pareille ? Pourquoi Ruben criait ? Je poussai un gémissement de douleur en tentant de me redresser un peu quand Soo posa sa petite main sur la mienne. Elle avait l’air si paniqué… Je n’avais plus assez de force à revendre pour la rassurer. J’abattis la mienne sur le haut de sa tête, dans un geste qui manquait malgré tout de conviction. « T’inquiètes pas. Ca va aller… »

Alors évidemment, quand Ashton clamait au-dessus de moi que je n’allais pas tarder à clamser, c’était tout sauf rassurant pour les autres. Mais il avait sans doute raison. On n’avait plus accès aux soins, à rien du tout en fait. Pourquoi ça m’affectait aussi peu ? Je ne savais même pas où on était exactement. J’avais perdu la notion du temps et des lieux. Il n’y avait plus grand-chose qui me préoccupait maintenant que Ruben et Kaya étaient hors de Nisqually. Le reste… C’était foutu, non ?

Je repris d’une voix rauque, quand Janek chercha des solutions : « Ils sont morts… Je vous l’ai dit. Les complices de Marlon ont fait effondrer ce tunnel sur eux et… Il y a plus rien à sauver. » On ne savait même pas exactement où était ce tunnel. Ce n’était pas comme si on pouvait aller vérifier. Et puis… Il y avait deux femmes avec eux. Depuis quand elles étaient là ? Je plissai un peu le regard, avant de secouer négativement la tête. Ashton tentait de me rassurer, à sa manière. « Des anges ? » J’avais du mal à suivre. Je toussai faiblement un rire. « J’entends déjà des morts me parler... Là, c’était Juliet. » Je devais déjà avoir un pied dans la tombe.

Mais quand Aurora proposa sans détour de me ramener là-bas, j’eus l’impression que quelqu’un venait de me faire un électrochoc. « Non, c’est mort. Je retourne pas là-bas. » Je me redressai pour de bon, mais il me suffit de tenter de poser un pied à terre pour qu’une exclamation de douleur m’échappe. Ashton s’était déjà porté à mon secours avant que je tombe encore de ma hauteur. « J’ai besoin de… » Je ne savais pas exactement de quoi. J’étais trempé de sueur. Je me serais bien changé en fait. Je lui indiquai de m’amener à la chambre d’à côté, que je puisse fouiller rapidement les placards. « Il y a rien ici… Des balles de ping-pong, des crayons… » Je les tendis à Soo. Ca l’occuperait peut-être. « Et de l’aluminium. » Super.

Spoiler: