L’angoisse est toujours là. Depuis l’annonce faite par June. Depuis la connaissance de cette épée de Damoclès si proche de leur tête. Ce n’est qu’une question de temps, qui devient subjectif. Alors quand la cloche retentit, signalant l’ennemi à leurs portes, la chirurgienne se fige, tout comme ses collègues qui se jettent tous des regards apeurés. S’ils se sont préparés à ce moment, ils n’en redoutent pas moins les conséquences. Et à de rares exceptions près, ils ne sont pas des soldats, pas plus que des combattants. Leur rôle à eux, c’est préserver la vie des patients déjà présents ici et agir en ce sens pour le reste de la communauté. “Vous savez tous ce que vous av….” Le bip d’un des monitoring s’affole et la quadragénaire tourne son regard sur Terrance, ici après un premier infarctus. Les battements de coeur se font plus rapides, plus irréguliers et elle voit l’homme de soixante-dix-neuf ans commencer à s'essouffler, une main sur la poitrine. “Il fibrille!” lance la quadragénaire en se rapprochant du lit du patient, interpellant Lucy et Ivy à sa suite. Connaissant les risques de la fibrillation auriculaire, favorisé par l’âge du patient, le matériel a été préparé à côté de son lit, injections comprises. “Essayez de faire baisser son rythme cardiaque. Pas plus de 1mg en intraveineuse toutes les deux minutes. Préparer le DAE en cas de besoin” Et comme si ça ne suffisait pas, un gémissement plaintif résonne à l’autre bout de la pièce. Maryweather.

Laissant ses collègues assurer les soins pour Terrance, Maeve se rue vers Oakley et Hokulani, en charge de la patiente, enceinte de plus de huit mois avec des complications qui ont nécessité son alitement. Interrogeant la gynécologue du regard, cette dernière ne tarde pas à lui donner le coup d’enclume de trop. “Le travail a commencé.”

Fermant les yeux quelques secondes, le temps de compartimenter, de peser le pour et le contre, de gérer ce qui pouvait l’être par d’autres et ce qu’elle ne pouvait déléguer. Daniel, une jambe blessée mais pas de risques de complication. Mary, qui risque d’accoucher dans les heures qui viennent. Terrance, qui ne peut être déplacé dans son état sans risquer l’arrêt cardiaque. Le souterrain, pour les protéger de la menace New Eden. Mais sans électricité, sans champ stérile. Prenant le talkie accroché à la ceinture de son pantalon, elle tente de joindre un des autres responsables. “Wheelan pour le dispensaire. J’ai besoin de bras pour évacuer deux patients vers les abris. Daniel et Mary. Le plus rapidement possible.” Et se tournant vers ses collègues qui ont entendu les directives. “Je ne peux forcer personne à rester ici s’il n’en a pas envie. Hokulani et Oakley, je vous laisse gérer Mary.” Quant aux autres. “Je ne sais pas dans quelle mesure nous sommes tous en danger ni ce qui se passera. Si vous décidez d’aller vous mettre à l’abri, je ne vous jugerai pas. Mais si vous décidez de rester, il n’y a plus de retour en arrière possible. Je vais avoir besoin de chacun de vous.” Et se tournant vers les quelques personnes non médics. “Et probablement de protection” Son regard coule un instant sur Jill et elle déglutit lentement.

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Lorsque la cloche sonne, l'angoisse lui serre la gorge. Ils se sont préparés, mais Ivy était persuadée que l'attaque surviendrait dans la nuit, pas en pleine matinée. Visiblement, c'est uniquement dans les films que ça se passe comme ça. Elle n'a pas le temps de songer plus à la situation. Le monitoring de Terrence s'affole, Ivy accourt à ses côtés. Elle écoute les ordres de Maeve et attrape une injection qu'elle s'empresse de lui faire en intraveineuse. Le cœur du vieil homme se stabilise légèrement, suffisamment en tout cas pour ne pas avoir besoin de défibrillateur pour le moment. L'alerte est donnée cependant, il est instable, fragile, son état se maintient difficilement et sans matériel médical, il ne tiendra pas.

D'une oreille, elle entend Maeve organiser l'évacuation de Mary et de Daniel. Ivy sait que le vieil homme ne peut être évacué, pas dans son état. La médecin lui glisse quelques mots rassurants. Ils ne l'abandonneront pas, ils vont s'occuper de lui.

Affairée près de Terrence, Ivy tourne le dos à Maeve mais elle entend clairement ses paroles, la proposition de quitter le dispensaire pour se mettre à l'abri. Ivy ferme brièvement les yeux. Une fois de plus, elle est partagée entre son devoir médical et sa vie familiale. Jason va probablement être appelé ailleurs. Joy est en sécurité, les consignes pour la nounou sont claires. Si la cloche sonne pendant qu'elle s'occupe de la fillette, elle doit immédiatement se mettre à l'abri avec les autres. Ils seront protégés là-bas. La médecin a entièrement confiance en elle, ce n'est pas la première fois qu'elle gardera sa fille pendant que ses deux parents sont appelés ailleurs. Et pourtant, ils n'ont jamais été aussi exposés au danger. Habituellement, ils sortent avec le risque de ne pas revenir. Là, ce sont les New Eden qui viennent à eux et cette idée est terrifiante. Il lui faut quelques secondes pour respirer, pour ne pas craquer et partir avec eux. La décision est déchirante, le visage de Joy s'impose dans son esprit, Ivy serre les poings. La main de Terrence attrape son poignet et elle le rassure en posant sa main sur la sienne.

« Je vais rester. » La médecin se retourne vers Maeve. Ivy sait qu'elle sera beaucoup plus utile ici. Les civiles seront à l'abri dans les sous-terrains. Ils seront protégés par les soldats des Remnants. « Hokulani ? » Elle l'interpelle pendant que la gynécologue prépare la future maman. « Tu... Tu peux t'assurer que Joy va bien ? » Elle sera au moins rassurée de savoir que quelqu'un s'inquiètera pour elle.

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Ça ne fait que deux semaines depuis mon retour, alors mon épaule me faire encore souffrir. L’opération de réduction a été un succès, mais ça ne me garantit que de ne pas perdre l’usage de mon épaule. J’en ai quand même pour au moins deux mois et puisque ça ne suffit pas, les séquelles de l’intoxication se font encore sentir. Entre les maux de gorge et les essoufflements, j’ai l’impression d’être une mamie cancéreuse.

A la base, je suis venue pour mon suivi et voilà que la cloche retentit. Bras en écharpe ou pas, mes réflexes d’ancienne membre des forces de l’ordre me revienne comme un réflexe pavlovien. Il fait é-va-cuer. C’est Maeve la boss, je la laisse donner les ordres et je suis prête à guider les gens, sauf que…

- Maeve ?

La voilà repartie dans son monde de médic parce que y’a ce bon vieux Terrance qui fait des siennes et Maryweather qui décide que c’est le moment d’expulser son môme. Mais ça, c’est pas le pire : pendant que je fais sortir les quelques patients en état de marcher seuls, je m’attends à ce que la chirurgienne déclare qu’on va déplacer les patients plus préoccupants via les véhicules-ambulance – c’est pour ça qu’ils ont été affrétés ! Et non : elle nous fait un discours de héros comme quoi elle reste sur place. Elle a pété les plombs, ça y est.

- De « protection » ? C’est une blague ? Je sais faire beaucoup de choses, mais pas arrêter les bombes à mains nues.

Parce qu’on a suffisamment cogité sur cette histoire d’attaque depuis qu’Ellie nous a rapporté la bonne nouvelle pour déduire que si des avions arrivent, ça va pas être pour dresser une banderole. Soit ils vont canarder, soit ils vont bombarder, soit ils vont nous larguer des soldats d’élite sur le coin du râble. Seule avec un bras et sans autre arme que mon piolet, je vais rien défendre du tout.

- Vous êtes folles ?! Je dévisage maintenant Ivy qui rejoins ma meuf dans son délire, les ordres sont d’évacuer tout le monde !

Et mon instinct me pousse à suivre le protocole. Pour ce genre de situation, je ne déconne pas, y’a pas de yolo. Mais j’ai beau avoir l’air déterminée, je me heurte au regard intransigeant de Maeve. Je gagnerai pas je suppose – pas encore –, et mon sens du devoir m’empêche de les abandonner ; et peut-être l’affection… un peu. Accessoirement.

- Dépêchez. Donne moi ton talkie, je l’exige de la « patronne », au moindre message que ça dégénère pour nous, je vous traine dehors, et j’ai besoin que d’un bras pour le faire, c’est dit : et Jason arrive à ce moment : y’a une camionnette aménagée pour ça dehors.

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La chirurgienne se contente de lever les yeux au ciel. Évidemment qu’elle ne parle pas des possibles bombes. Ce sont toutes les autres expectatives qu’elle tente de démêler dans le chahut de son cerveau. Ivy rejoint sa décision comme la plupart du reste de l’équipe médicale. Adressant un regard reconnaissant à celle qu’elle considère depuis longtemps maintenant comme une alliée solide et une amie fidèle, son regard devient glace quand elle le repose sur Jill. Les ordres? Elle les connaît, les a entendus. Sa décision est maintenue en toute connaissance de cause, et tant pis si ça semble si dérisoire à sa…. à cette moitié de relation partagée. “Tu peux partir si tu veux, personne ne te retient” répond-elle en s’assurant que ses collègues avancent rapidement dans les préparatifs.

Décrochant finalement son talkie, elle le claque avec indifférence sur l’un des plateaux de la salle à l’attention de la flic juste au moment où Jason fait son entrée. Adoucissant le ton pour le jeune homme, elle désigne d’abord la femme enceinte. “Mary en priorité. Il y a un fauteuil roulant dans le couloir, Hokulani et Oakley vont se charger de sa prise en charge. Et Daniel. Attention à sa jambe, il aura besoin de votre appui pour se déplacer.” Jill ayant déjà précisé pour les véhicules, elle ne fait pas d’autres commentaires les concernant. Quant au matériel… “Prend tout ce que tu juges nécessaire et que l’on n’a pas déjà emmené là-bas et faites vite, le temps presse.” La gynécologue acquiesce et se met en branle. “Merci” adresse-t-elle à Jason en posant une main fugacement sur son avant bras, s’avançant à nouveau sur le septuagénaire dont le rythme cardiaque a diminué mais reste encore irrégulier.

S’il quitte ces machines et le confort du dispensaire, Terrance mourra, elle le sait. Chacun sait maintenant ce qu’il a à faire, alors qu’au loin, dans un écho lugubre à cause de la distance, les tirs semblent faire rage.

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Ivy écoute les échanges entre Jill et Maeve. Les paroles lui font froid dans le dos et un instant, elle hésite. « C'est compris. » Elle hoche la tête aux paroles de la militaire. Au moindre problème, elles quitteront les lieux sans poser de soucis. Si c'est la condition pour pouvoir rester, alors elle est prête à obtempérer.

La médecin se rapproche de Jill tandis que la chirurgienne s'éloigne. « On ne peut pas le laisser... » souffle-t-elle à propos de Terrence. Et pourtant, la militaire a surement raison. Personne ne pourra arrêter les bombes et si l'une d'entre elles tombe sur le dispensaire, Terrence mourra de toute manière, mais elles aussi.

Jason arrive à ce moment-là et Ivy s'avance vers lui. Un trait soucieux lui barre le front. Maeve a pris son relais auprès du vieil homme. « Je vais t'aider... » souffle-t-elle. La médecin rassemble quelques affaires, elle s'occupe de bander la jambe de Daniel puis propose à son compagnon d'aider l'homme pour se déplacer jusqu'à l'ambulance. Mary est déjà prise en charge par Hokunali et Oakley. Elle remplit un sac de médicaments, de bandages. Elle emporte aussi un échographe portable et le confie à la gynécologue. Il sera utile pour surveiller le pouls du bébé.

Ivy s'occupe les mains pour ne pas laisser son esprit songer à ce qu'il va se passer. « Fais attention à toi... » murmure-t-elle à Jason.

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