Il a les yeux qui brillent et il est incapable de se défaire de ce sourire un peu gamin qui illumine ses traits. Ils sont peu nombreux à l’avoir vu comme ça, il n’est même pas sûr de pouvoir citer plus d’une ou deux personnes. Mais en cet instant, ça n’a pas d’importance. Il se sent plus vivant que jamais et il en avait terriblement besoin. Tout comme son cœur qui s’accélère quand il va chercher ses lèvres, même si c’est pour un bref instant. « Vraiment oui. » Lancé avec une longue inspiration, prêt à lui dire probablement quelque chose de stupide. Mais heureusement, l’instructeur les ramène à la réalité. « Oui, on a de la route. »

Il n’a pas particulièrement envie de rentrer mais, pour le moment, il se laisse porter par tout ce qu’ils viennent de vivre. Et il sait que Tao sera ravi de l’écouter raconter ses aventures ce soir. Le regard toujours brillant, il se met derrière le volant et la route commence déjà à défiler. Il se sent étonnamment bien, même s’il a un peu de mal à se concentrer sur le trajet, la tête encore pleine des images qu’il tient à graver dans son esprit.

Quand elle finit par rompre le silence, il arque un sourcil, un brin perplexe. « S’arrêter ? Euh oui, on peut faire ça… » Mais la suite le surprend davantage. « Oh. Je vois. » Soufflé d’un ton qui se veut neutre sans grand succès, alors qu’il s’efforce de ne pas la regarder plus que nécessaire. Et il finit par se ranger sur le bas-côté, non sans prendre une profonde inspiration, les deux mains serrant le volant quelques secondes. « Tu n’es pas obligée. De faire passer ça. » De sa vie, il n’a pas souvenir d’avoir déjà eu ce genre de discussion. Probablement parce que ça ne lui arrive pas de passer autant de temps avec une femme qui lui plait sans qu’il se passe quoi que ce soit. Et il laisse filer un rire à cette pensée, avant de relâcher le volant et de tendre une main pour effleurer sa joue. « Tu es vraiment surprenante Max. » Il ajoute, un ton plus bas. « J’aimerais que tu restes dans la voiture. »

La voiture se déporte sur le bas-côté. Maxine pince les lèvres, inspire profondément pour temporiser le feu qui brûle dans son ventre. Et en réalisant les raisons, son voisin n'en est que plus fébrile. Elle porte un regard vers lui, et se mordille la lèvre en l'écoutant. Ne pas faire passer ça ? Rester dans la voiture ? Elle a un rire qui lui échappe, grisée par le contact de sa main sur sa joue : Tu sais ce qu'on dit ? souffle-t-elle un ton plus bas : Jamais avant le cinquième rendez-vous, ou un truc du genre, à croire qu'elle est du style à suivre ce genre de code.

Son sourire se fait mutin cependant, et elle se redresse pour venir chercher sa bouche avec envie. De pouvoir le goûter à nouveau, le ramener contre elle, le laisser la toucher. Le moindre contact avec lui semble enflammer sa peau presque douloureusement tant son désir l'empêche de penser rationnellement. C'est pour ça qu'elle se laisse emporter, par ses sens, ses envies, pour ça qu'elle vient se redresser et l'enjamber, pour ça qu'elle suit la route toute tracée jusqu'à cette étreinte maladroite dans un espace trop étroit pour eux.

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Et quoi, tu ne vas pas le rappeler ? A côté d'elle, sa collègue la fixe avec les yeux ronds. Pourquoi tu veux que je le rappelle ? Fin de service ici, Maxine a un soupir, légère depuis une semaine, et maintenant qu'elle a l'occasion de parler de ça, l'impression qu'un poids pèse sur ses épaules. Donc tu pars en week-end avec Monsieur Parfait, tu vis à l'oeil, tu t'éclates comme une folle, et tu comptes laisser passer cette occasion en or ? Elle est à deux doigts de lui balancer la serpillère à la figure, elle le sent. Mais tu es complètement tarée ma pauvre fille !

A l'évidence. Qu'importe. Max secoue la tête en rangeant la vaisselle méthodiquement : Tu exagères, tu n'as pas l'impression ? Pas besoin d'en faire une scène : C'était un week-end sympa, mais nous sommes retournés à nos vies, voilà tout, soupire-t-elle en pinçant les lèvres. A-t-elle des regrets ? Aucun. Pas sur le temps qu'ils ont passé ensemble. De toute façon, s'il voulait me revoir, il aurait pris soin de m'envoyer au moins un message, ajoute-t-elle. Finalement, sans doute en a-t-elle sur le fait de ne pas être suffisamment "surprenante" pour qu'il revienne.

Il a du mal à rester stoïque. A dire vrai, pour être parfaitement honnête, il n’essaie pas réellement. Parce qu’une fois de plus, elle a réussi à le prendre à contrepied et à le déstabiliser totalement. Et probablement qu’il n’aurait pas dit ça à une autre femme. Mais il n’a jamais passé un tel weekend. Avec qui que ce soit d’autre. « Le cinquième rendez-vous ? » Il lui rend un sourire, son regard toujours rivé dans le sien. « Je suis sûr qu’en calculant bien, on peut dire qu’on est au cinquième. » Surtout avec toutes les activités qu’ils ont déjà faites.

Mais pas le temps d’en dire plus qu’elle se rapproche de lui. Et il n’a pas la moindre hésitation, même si l’endroit n’est pas des plus propices. Au fond, ça ne fait qu’aller avec tout le reste du weekend. C’est totalement fou, improbable et il en oublie tout sens de la raison, préférant se perdre sans avoir à se soucier de quoi que ce soit d’autre.

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« Maaaax ! Saluuuut ! » Il n’a pas le temps de dire quoi que ce soit que Tao se précipite déjà en direction de la rousse. Ils ont tout juste passé la porte du restaurant à moitié rempli que son fils est déjà en train de lui montrer son plâtre. « Regarde ! Mon bras est CASSÉ ! C’est trop cool ! J’ai fait un vol plané dans l’escalier ! » Et il agite les bras pour mimer la scène alors que l’asiatique se rapproche, avec un peu plus de retenue. « Salut… » La semaine a été longue et il se sent épuisé. Il aurait aimé avoir le temps de repenser à ces instants volés avec la rousse, mais visiblement, Tao en a décidé autrement. « Et même que j’avais le téléphone de papa entre les mains ! Je l’ai éclaté en pleeeein de morceaux ! » Le petit a encore quelques estafilades sur le visage mais n’est clairement pas traumatisé par sa chute. Pas autant que son père, dont les cernes et le visage bien plus pâle que d’ordinaire semblent parler pour lui. « On peut avoir une table ? » Et il ajoute, un ton plus bas. « Je suis désolé de ne pas t’avoir rappelée avant. » Même s’il ne sait pas si elle en aurait réellement eu envie. A dire vrai, elle a remué beaucoup de choses qu’il n’a pas encore réussi à analyser. « Tu dois écrire un truc sur mon plâtre !! »

C'est quoi ces méthodes d'un autre temps ? Pourquoi ça serait à lui de t'envoyer un message au ju- Sa collègue se tait, et Maxine l'interroge du regard : Oh bon sang, DILF en approche ! Sursaut, elle tourne le regard vers l'entrée quand il passe la porte avec son fils, et qu'elle se trouve un peu bête avec ce qu'elle tient dans les mains. Son amie s'esquive, la rouquine rassemble un semblant de bon sens en voyant le plâtre : Oh ! Voilà qui explique bien des choses : Hey, blessure de guerre ! Comment est-ce que tu t'es fait ça, champion ?!

Elle n'a pas besoin d'attendre bien longtemps pour avoir toute l'explication. Et sans adresser un regard à Yuan, elle ne peut s'empêcher de rire de plus belle à toute son histoire. Quand tu te casseras une jambe, tu verras : ça c'est vraiment impressionnant ! Elle dit ça en connaissance de cause, il n'y a pas eu plus casse-cou qu'elle petite. Sa mère s'en est fait des cheveux blancs bien plus vite que prévu. On n'a pas grand monde ce soir, installez-vous où vous voulez, qu'elle ajoute simplement sans encore le regarder.

C'est naturellement qu'elle termine son rangement. Pendant que Tao va pour choisir la table, elle a droit à quelques mots qui agitent son cœur : Vraiment, tu es désolé ? Reprend-t-elle d'un ton égal, en levant enfin le regard vers lui. Il avait sans doute une bonne excuse pour la laisser en plan une semaine après s'être envoyé en l'air dans sa voiture, elle n'en doute pas. De toute façon, je n'attendais pas vraiment que tu me rappelles, si ça peut te faire déculpabiliser, assure-t-elle sincèrement, en haussant les épaules.

Ses yeux se tournent vers Tao : Je passerais te taguer ça comme il se doit ! Elle a même un petit talent en dessin grace au roller derby. Enfin, Max a un soupir, elle retrouve sa collègue : Tu vas en profiter alors ? Elle roule des yeux, saisissant les menus rapidement : Je vais d'abord le faire ramer, annonce-t-elle fermement : Sa belle gueule n'excusera pas la semaine de silence radio, et puis quoi encore ? C'est juché sur ses rollers qu'elle prend la direction de leur table : Et comme promis, mon petit client préféré aura droit à un peu plus de chantilly dans son dessert !

S’il essaie de sourire à voir l’enthousiasme de Tao qui raconte ses mésaventures avec une énergie qui lui est propre, son sourire ne gagne pas ses yeux. Et il a du mal à détacher son regard du garçon qui lui n’a visiblement aucun problème à revenir ici. « J’aimerais autant éviter qu’il se casse une jambe. » Tao bat des cils avant de reprendre. « Mais t’imagine ! J’aurais ENCORE PLUS de cadeaux si ça m’arrive ! » L’asiatique roule des yeux avant de hocher la tête quand Max leur dit de s’installer où ils veulent.

Evidemment Tao se précipite à sa table, quand lui s’attarde quelques secondes. « Oui. Je ne le dirais pas si je ne le pensais pas. Je n’ai absolument rien à y gagner. » Pragmatique, même si ce n’était peut-être pas le meilleur moment pour l’être. « Ah. Vraiment ? » Il a un bref froncement de sourcils. « Merveilleux. » En réalité, il ne sait pas trop quoi penser de tout ça. Avec n’importe qui d’autre, il ne se serait pas interrogé sur son envie ou non de la rappeler, il ne l’aurait pas fait tout simplement. Surtout, ne pas risquer de s’attacher ou de lui donner de faux espoirs. « C’est juste qu’il est tombé dans les escaliers lundi et il a même perdu connaissance. Je… » Son regard se perd un instant à fixer son fils en train de lire le menu avec application. « J’ai cru que je l’avais perdu lui aussi. Alors rien d’autre n’avait d’importance. Désolé. » Tao passera toujours avant tout le reste de toute façon, la question ne se pose même pas.

Mais il a un sourire en coin avant de continuer. « Enfin, tu n’attendais pas mon appel de toute façon, donc ce n’est pas un problème on dirait. » Lui, vexé ? Si peu. Le pire ? C’est quand elle s’approche de la table pour parler de chantilly à Tao. Et que ce dernier souffle, avec un large sourire. « Bàba il a paaaas arrêté de parler de toi ! C’est lui qui a dit qu’on devait venir là ! Parce qu’il voul… » Un froncement de sourcils alors qu’il coupe la parole du petit avant qu’il n’aille trop loin. « Je n’ai pas… enfin je… Hum. Choisis ton repas Tao. » Un hochement de tête alors que le petit ne se formalise pas. « Il faut un truc que je peux manger à une main ! C’est compliqué tu sais. » Et le voilà plongé dans des réflexions alors qu’il hésite longuement entre les nuggets et le hot-dog. Yuan lui, relève les yeux vers Max. « C’est probablement déplacé vu que ce n’est pas réciproque mais… tu m’as manqué et… » « Les NUGGETS ! Bàba tu prends les nachos. » Il se contente de hocher la tête. « Avec une bière pour moi et un coca pour lui. »

Elle porte un regard vers lui. Difficile d'être impitoyable et fermée quand il déroule son histoire et présente ses explications. Encore plus de trouver une brèche. Mais pour Max, à la fierté débordante et l'orgueil mal placée, ça n'est pas si compliqué de chercher la brèche : Ce qui te laissait le dimanche soir et une partie du lundi pour m'envoyer un message après tout, elle hausse les épaules. Bien pour ça, finalement, qu'il n'a pas cherché à la recontacter plus tôt. Mordu visiblement, mais pas suffisamment. Soit son discours ne colle pas à la réalité, soit il s'y prend comme un manche. Tu veux continuer à te chercher des excuses pour ne pas être un goujat ?

Elle l'interroge un instant du regard : Et si tu assumais tout simplement d'avoir juste voulu te payer du bon temps sans conséquences ? Il n'y a pas de mal à ça. Même si Yuan fait montre soudainement de sa vexation. Elle a un sourire moqueur à son encontre, se concentrant plutôt sur Tao. Les sourcils froncés, ses yeux dévient sur l'homme : alors comme ça, on n'a pas arrêté de parler d'elle ? Et elle lui a manqué ? Si son coeur s'agite légèrement à cette idée, elle n'en montre rien, se contente simplement de rire à l'enthousiasme de Tao pour la prise du menu : C'est noté, assure-t-elle.

Le temps de partir en cuisine, elle tire son téléphone de sa poche et écrit un petit message. Qui a dit que ça n'était pas réciproque ? La question reste en suspens. Si tu as perdu mon numéro, tu n'as qu'à le dire, ajoute-t-elle dans un second message avant de ranger son téléphone. En cuisine, ça s'active, et sa collègue n'a que des petits gestes à son encontre pour voir où elle en est. Pour l'instant, elle gère ! A voir d'ici une heure si elle le fait toujours...

A la réplique de la rousse, il ne peut s’empêcher de tousser un rire. « Sauf erreur de ma part, tu avais aussi tout le dimanche soir et le lundi pour m’envoyer un message après tout. Jusqu’à ce que Tao décide de réduire mon téléphone en miettes donc. » Sourcil arqué, il se contente de secouer la tête, plus soulagé qu’autre chose que son fils n’ait pas d’autres séquelles que des bleus et un bras cassé.

Au reste, il a un regard interrogateur dans sa direction. « Si j’avais juste voulu ça, tu crois que je serais revenu ici pour manger ? Je ne suis pas masochiste au point de pousser le vice à aller jusqu’à passer une heure dans une ambiance malaisante. » Il avait juste envie de la voir. Juste ça. Et ça, c’est passablement inhabituel chez lui. Pas le temps d’en dire vraiment plus que Tao a mis les pieds dans le plat avant de passer sa commande, avec ce naturel désarmant qu’il ne tient définitivement ni de son père, ni de sa mère. « Je t’attends pour mon plâtre hein ! Oublie pas ! »

L’asiatique la suit des yeux, sans même vraiment s’en rendre compte. Et quand son nouveau téléphone sonne, il a un sourire amusé. Avant de se mettre à pianoter sur le clavier. J’ai cru comprendre ça vu que tu n’as pas cherché à me joindre. Il hésite, avant d’ajouter. Ton numéro était effectivement entré sur l’autre téléphone. Sinon je t’aurais contactée avant. Reposant le téléphone sur la table, il se focalise sur son fils qui commence à refaire le film qu’ils sont allés voir l’après-midi même. Difficile de rester concentré sur lui, mais son babillage fait du bien, le rassure sur le fait que Tao est aussi en forme que possible.