Il y a forcément un temps de flottement. Il préfère largement qu’elle reprenne son numéro si elle ne voulait pas réellement le lui donner. Est-ce qu’il a envie de l’appeler. En réalité, il n’en sait rien, il ne s’est pas posé la question. Sa propre situation personnelle étant un fouillis sans nom, il ne s’accorde plus vraiment ce genre de réflexion. Et pourtant, elle lui rend la serviette. Et il a un sourire à son attention. « Super… » Soufflé à mi-voix, alors qu’il accroche son regard quelques instants.

Et Tao revient, avec son enthousiasme habituel. Il réprime un sourire en voyant la petite hésitation de son fils et cette peur du vide contre laquelle il lutte. Et il est fier de le voir se gonfler d’orgueil, affirmer qu’il n’en est rien. En le regardant, Yuan se dit qu’il fera tout pour que Tao soit ce qu’il veut, qu’il ne sente pas enfermé dans ce carcan dans lequel sa mère et lui seront obligés d’évoluer jusqu’à la fin. « Le karting alors ? » Soufflé avec une œillade malicieuse, alors qu’il a un bref hochement de tête en direction de Max, comme pour la remercier de l’avoir aiguillée dans une direction plus simple à gérer pour lui aujourd’hui.

Il reste tout de même un peu interloqué quand Tao enchaine. Et il se contente d’un hochement de tête. « Je ne sais pas si c’est impressionnant. Mais oui, je fais de la course sur circuit. » Tao hoche vigoureusement la tête « Et ça va trop vite ! Ca fait même vachement de bruit aussi. Des fois je dois me boucher les oreilles. » Il a une moue avant d’ajouter. « En plus, bàba dit que je suis trop jeune pour monter dans une voiture comme ça. » Toujours cette mine contrariée alors que Yuan lui, esquisse un sourire franchement amusé. Qui se fige quand son fils invite la serveuse à passer l’après-midi avec eux. En réalité, l’idée n’est pas déplaisante en soit. Et ne l’engage à rien. « Je n’ai rien entendu non plus. » Son regard se fait pétillant. « Vous n’avez pas envie de faire du karting ? » Au moins, on ne pourra pas lui reprocher d’avoir emmené la serveuse dans un endroit romantique sans même connaitre son nom de famille. Non pas qu’il l’ait déjà fait mais…hum. Passons. En tout cas, ça, il ne l’a jamais fait.

Elle a l'impression d'un piège qui se referme sur elle doucement. Le regard suppliant du garçonnet n'est pas pour l'aider actuellement, et elle force un sourire un peu crispé. Je risquerais beaucoup trop de vous impressionner, il insiste de toute façon, et elle hausse les épaules en se détournant : Je vais voir, elle ne sait plus quand elle doit terminer son service, comment ça doit se passer ensuite, en bref, c'est beaucoup d'improvisation.

C'est finalement Anna qui l'encourage à y aller. Malgré ses réticences, ou le fait que ça semble un petit peu imposé et que c'est sans doute ça qui la met mal à l'aise, son amie lui assure qu'elle aura plus de regrets à ne pas y aller que l'inverse. Et, certes, alors qu'elle a un coup d'oeil en direction du duo, Max sait qu'elle ne pourra que s'amuser. Il y a bien une chose qu'elle ne rechigne jamais à faire, c'est ça, non ?

Tu me remplaces ? Anna hoche la tête. Je gère ! Mais tu me le redevras ! Max esquisse un sourire, le temps pour père et fils de terminer leur repas, et pour Max de prendre sa tenue de civil et de raccrocher ses rollers pour la journée, elle les retrouve, un peu en avance, dehors : Bon, on y va comment ? Le garçon lui fait un grand sourire : Tu viens vraiment, alors ?

Le regard défiant qu'elle a dans sa direction en dit long sur la situation : Si ça tient toujours et que vous ne craignez pas d'être bluffé par mon talent ! Souffle-t-elle. Tu vas voir, moi aussi je suis fort ! Assure-t-il dans la foulée, visiblement bon joueur avec la compétition. Ses yeux se relèvent vers le père de famille : il est sûr que ça ne le dérange pas ?

Il a une ombre de sourire à la répartie de la rouquine. « Ah oui ? Il m’en faut vraiment beaucoup pour être impressionné vous savez. » Soufflé d’un ton léger, alors que Tao continue de la fixer, se retenant de sautiller sur place en attendant la réponse de la jeune femme. Pourquoi est-ce qu’il tient tant à ce qu’elle vienne ? Il n’en a pas la moindre idée. Il trouve même ça bizarre en réalité, ce n’est pas trop dans les habitudes de son fils d’être aussi enthousiaste et à l’aise avec des étrangers. Il peut difficilement cacher que, de son côté, il a un bon feeling avec Max. Sinon, il n’aurait jamais proposé de garder son numéro de téléphone. Mais c’est encore différent.

« Finis ton dessert Tao. » Il en fait de même, laissant le petit attaquer le brownie quand il a terminé son milkshake. « Vas-y doucement quand même. Ta mère ne va pas apprécier si tu es malade. Sans compter que ça gâcherait la journée. » Lâché d’un ton distrait, alors qu’il est tout à fait conscient que Tao est un estomac sur pattes et qu’il engloutit tout sans jamais avoir de problèmes. Il ne sait même pas s’il croisera Zi en rentrant de toute façon. Ils ont développé un véritable talent pour s’éviter sauf nécessité absolue. Ou alors, c’est juste lui. « Je laisse le pourboire bàba ! » Lâché avec enthousiasme, alors qu’il sort un portefeuille à scratch sous le sourire amusé de Yuan. « Tu te souviens combien il faut laisser ? » Un hochement de tête alors qu’il commence à calculer, avant de déposer la somme dans la coupelle. « Pas mal. » Un clin d’œil alors que Tao essaie de ne pas trop bomber le torse et les voilà dehors… accompagnés de Max donc. « J’ai ma voiture. » Il désigne une Lexus noire, garée un peu plus loin, que plusieurs personnes regardent avec insistance en passant. « Tu veux aller devant Max ? Tu peux choisir la musique quand t’es devant ! » Tao se précipite sans attendre de réponse à la voiture et Yuan se tourne vers elle, avec un sourire. « Ca faisait longtemps que je ne l’avais pas vu si enthousiaste. » Est-ce que c’est juste en ayant discuté avec elle ? Difficile à dire.

Et il a un bref froncement de sourcils avant de tendre la main en direction de la rousse. « Je m’appelle Yuan. Shèng. Et lui c’est Tao donc. » Il en a même oublié la politesse élémentaire tellement la situation est inhabituelle. « Le circuit est à une vingtaine de minutes. » Histoire qu’elle décide vraiment si elle a envie de les suivre ou pas. Une fois de plus, son regard accroche le sien et il a du mal à s’en détourner. « Bon ! Vous veneeez ? »

Sérieusement ? Fait-elle en posant les yeux sur la Lexus. Des comme ça, elle n'en a vu qu'à la télé et très franchement, elle se demande si c'est sensé exister en vrai. Ses pupilles reviennent vers Yuan quand il décide de se présenter, la main tendue vers elle, elle ne sait plus vraiment comment composer avec tout ça : Cool ! Fait-elle en venant taper dans cette main, comme un high-five, même si elle sait pertinemment que ça n'est pas du tout ce qu'il veut. En voiture, Yuan Shèng ! Lui souffle-t-elle avec enthousiasme.

Tao se place à l'arrière, attache déjà sa ceinture, pendant qu'elle s'installe finalement sans trop savoir ce qu'elle peut toucher ou non. Les tapis de sol font probablement le prix de... Eh bien, tout ce qu'elle porte sur elle, voire le double en fait. Il y a un côté un peu... Trop, à tout ça. Elle pince les lèvres en essayant de se faire... Discrète. Je peux choisir la musique, alors ? Fait-elle au garçon : Oui, tiens, il faut faire avec le téléphone ! Celui de son père, visiblement. Ah. Elle le laisse gérer la technologie, jusqu'à pouvoir tenir l'objet entre ses mains.

Je vois, c'est une super voiture ultra connectée ! Elle lave la vaisselle aussi ? Demande-t-elle en essayant d'avoir l'air détendue. Rien de tout ça n'est vrai, jamais elle n'aura une quelconque place dans un monde comme celui-là. Non ! Bàba a pas pris cette option, lui répond Tao. Elle éclate d'un rire amusé, il en fait autant. A priori, c'est bien plus avec lui qu'elle va passer sa journée qu'avec son père. Alors, tu écoutes quoi ? Demande-t-il en se penchant. Ils parlent tous deux, échangent des idées.

Elle suggère finalement les Gun's and Roses, lui parle de vieux groupes des années quatre-vingt avec lesquels elle a découvert la musique pour sa part, jusqu'à dériver sur What a feeling et lui montrer le film associé au titre. Alors que l'enfant regarde ça avec attention, les yeux de Maxine bifurque vers l'autre adulte de la voiture, en se dandinant sur la musique évidemment. Qu'est-ce que vous faites dans la vie ? Demande-t-elle finalement. Et qu'est-ce qui vous a amené dans ce restaurant, surtout ? Pas vraiment le bon standing, non ?

Il lance un bref regard en direction de la jeune femme dont la réaction face à la voiture ne l’étonne guère. C’est souvent que les gens sont surpris de voir un tel véhicule, il en est bien conscient, surtout vu le luxe qu’il représente. Mais il est comme ça. Il aime les belles choses, il en a les moyens et ne cherche pas à se priver. A ses yeux, il travaille suffisamment pour ne pas avoir honte des biens qu’il possède, même s’il sait pertinemment que ça ne lui apporte pas le bonheur. Il a pu le constater à ses dépens.

Le reste, il ne l’a pas vu venir. Quand elle fait claquer sa main contre la sienne, il a un sourire amusé avant de monter en voiture. Un bref regard pour s’assurer que Tao a attaché sa ceinture et il lui donne son téléphone, laissant le garçon le manipuler à sa guise. Et il est secoué d’un rire silencieux à leurs échanges, soulagé de la spontanéité de son fils et de sa capacité à entretenir une discussion aussi légère. Il se demande quand même vaguement de qui il peut tenir de ça. Le voilà qui s’enthousiasme alors qu’ils parlent tous les deux de leurs goûts musicaux. Leur discussion a quelque chose de presque apaisant, alors qu’il conduit et il est presque étonné quand Max s’adresse à lui directement. « Mmmh ? Ah oui. Je travaille dans une entreprise de produits de luxe qui exporte vers la Chine. » Un mince sourire alors qu’il ajoute. « Tao vous dirait que c’est barbant au possible. » Le concerné hoche vigoureusement la tête à l’arrière. « Mais nous avons développé cette société avec mon père. » Une petite pointe de fierté. « Yé-ye est reparti vivre à Shangaï ! On va aller le voir cet été. Il est à la retraite maintenant. Et il fait des … hum… » Froncement de sourcils du garçon qui essaie de se rappeler des loisirs de son grand-père. « Ah oui ! Il cultive des fleurs ! C’est nul. Il aurait pu rester avec nous. »

Une mine vaguement boudeuse, alors que Yuan enchaine, d’un ton léger. « J’adore les burgers. Et votre restaurant était le deuxième sur ma liste. Le premier a fermé il y a quelques semaines, il fallait bien que je trouve une nouvelle cantine. » Et il a un rire avant de continuer. « Je sais, je n’ai pas vraiment la tête de vos clients habituels, c’est ça ? » Une œillade amusée lancée dans sa direction. « Vous travaillez là depuis longtemps ? » Il était déjà venu et ne l’avait encore jamais aperçue. Parce qu’il l’aurait remarquée, il en est certain La musique se termine et Tao souffle, avec entrain. « Tiens, c’est une des chansons préférées de bàba ça ! » Et Carry on Wayward Son se met à résonner dans l’habitacle.

Ouais, c'est vrai que c'est barbant ! Fait Maxine avec un air sérieux avant d'esquisser un sourire moqueur. Et la voilà qui se tourne vers son petit voisin : Quoi, c'est nul de cultiver des fleurs ? C'est un truc de vieilles personnes ! Elle a un éclat de rire, sans vraiment réaliser qu'il parle avec des yeux de personnes trop jeunes pour comprendre. Mais soit, elle hoche la tête, difficile de lutter contre des évidences. Au pire, tu le verras cet été, tu verras que cultiver des fleurs avec lui, ça n'est pas un truc de vieilles personnes comme tu dis, il a bizarrement comme un doute.

Mā dit pareil, mais c'est quand même plus marrant de faire du karting, explique-t-il d'un air songeur. Les yeux de la rouquine se tournent vers son voisin : On dirait vraiment que vous vous êtes perdus dans le quartier, je suis étonnée qu'on n'ait pas rayé votre voiture d'ailleurs ou que vous ayez vos quatre roues, admet-elle. Le restaurant est sans doute bon, certes, elle ne peut pas le nier. Non, depuis quelques mois, je viens d'arriver dans la région, explique-t-elle simplement. Elle n'a aucune idée d'où elle ira après.

Et puis, la musique change. Elle scrute l'auto-radio avant d'échanger un regard complice avec le conducteur. Et puis, c'est l'occasion de se mettre à chanter, plus franchement, plus vivement, jusqu'à la fin du morceau. Ils sont au moins deux à s'en casser la voix, avec enthousiasme. Ton père a bon goût, mais... Elle reprend le téléphone : Tu connais la deuxième meilleure chanson au monde ? Demande-t-elle à Tao : Non ? Elle trouve le titre, le met. Et esquisse un grand sourire.

C'est elle ! Best of you, des Foo Fighters. Déjà exceptionnelle, elle ne peut pas passer devant toute la discographie des Red Hot Chili Peppers mais, elle la met quand même sur son podium : Non négociable ! Annonce-t-elle à son voisin avant qu'il n'y aille de son petit commentaire. Il n'a pas vraiment voix au chapitre. On arrive ! Fait Tao avec enthousiasme, alors qu'ils passent l'entrée du parking. Bon, avec tout ça, ça fait vraiment loin de chez elle, elle en est à se demander comment elle va réussir à rentrer.

Il lui rend un sourire amusé, non sans lui jeter un regard en coin pour apprécier son sourire à elle. « Vous comprenez pourquoi Tao préfère dire que je suis pilote. » Tao qui appuie ses dire une fois de plus à l’arrière, alors qu’il entre dans un débat sur la nouvelle marotte de son grand-père. Il semble plongé dans sa réflexion suite aux propos de la rousse, avant de souffler. « Bon, je veux bien essayer. Au moins je serais avec Yé-ye. Et puis, sa maison est rigolote. » Il semble satisfait de ce compromis, tout en continuant de fixer Max avec les yeux ronds. « Mais comment on aurait fait sans nos roues ? »

C’est un rire qui échappe à Yuan alors qu’il reprend, d’un ton amusé. « Possible que j’ai négocié pour avoir une place assurée sans risquer quoi que ce soit pour ma voiture. Et surtout, je venais souvent dans le quartier, vu que l’autre restaurant n’était pas loin. Ma voiture et moi-même sommes plutôt connus donc. » Assez inhabituels pour être visibles et attiser les curiosités. Ca ne le dérange pas plus que ça. Surtout que faire faire un tour à quelques gamins du quartier pour être tranquille était un prix plutôt mince à payer pour s’assurer de ne pas retrouver la voiture sur ses jantes. « Vous venez de quel coin ? » Soufflé d’un ton curieux, avant que la musique ne chante.

Et possible que lui aussi fredonne les paroles, tapotant du rythme avec son pouce sur le volant, alors que même Tao s’égosille. A force de l’avoir entendue dans la voiture, forcément, il la connait par cœur. « Merci du compliment. » Soufflé avec un sourire malicieux alors qu’elle reprend, en direction de son fils. Et cette fois, c’est un rire qui échappe au PDG aux paroles de la rouquine. « On dirait que vous êtes dure en affaire. Mais vous savez que je vais chercher à négocier malgré tout. » Un clin d’œil dans sa direction alors que Tao sautille littéralement sur place. « Prend ta veste quand même. » Il a à peine le temps de dire ça que le petit lâche un « d’accooooord ! » avant de se précipiter pour ouvrir le coffre. Qu’il referme dans un claquement, la mine brusquement renfrognée alors qu’il sort à peine de la voiture lui-même. « Y a pas ma veste dans le coffre. On y va ? »  Sourcils froncés en retour, alors qu’il a l’impression que quelque chose lui échappe. « J’arrive. » Et il va ouvrir le coffre pour s’arrêter un instant devant son contenu. Les affaires de la petite. Qu’il devait donner, après le tri que Zi avait réussi à faire dans sa chambre. Mais il n’avait pas pu se résoudre à ouvrir de nouveau le coffre. Mieux, il avait tout fait pour l’oublier. « Je suis désolé Tao. Je… » Un froncement de sourcil alors que le petit le pousse pour refermer le coffre. « Allez, on y va ? Max ! Tu viens ? » Yuan ferme le poing et inspire quelques instants, tapotant la carrosserie avant de s’efforcer à sourire. « Bon, Max. Parlons peu mais parlons bien. Quand on fait la course, il doit y avoir un enjeu. Qu’est-ce qu’on parie ? » Tao retrouve son enthousiasme, alors qu’ils s’éloignent enfin de cette fichue voiture. Tenir bon, pour lui.