Isaac avait très vite détourné les yeux en voyant la silhouette enfantine, enfermée derrière les barreaux de la première cellule. Cette vision était insoutenable pour lui, cela éveillait trop de mauvais souvenirs, d’images horribles. Il ne pouvait s’empêcher de revoir Nora, revenue à la vie en l’une de ces créatures. C’était trop difficile. Le cavalier tourna alors le dos aux cellules, pour se concentrer sur la porte de l’armurerie. Mais la voix affaiblie de la femme, prise au piège dans la seconde cellule, lui parvint tout de même. L’homme comprit quelques bribes de phrases, mais ces quelques mots le bouleversèrent. Comment était-il possible de laisser un enfant dans cet état ? Cette simple idée lui donna des frissons, il fut obligé de fermer les yeux un instant, pour essayer de ne pas trop cogiter sur la question.

Une fois devant la porte, il essaya une première clé. Mais il fut impossible de la faire entrer dans la serrure. Après deux autres tentatives, il parvint enfin à trouver la bonne clé. Satisfait, il la tourna doucement avant d’ouvrir la porte. Sûrement aurait-il fallu le faire avec plus de précaution. Une détonation retentit, assourdissante. Le vieux Greene eut tout juste le temps de se décaler légèrement mais ça ne fut pas suffisant. Une balle le frappa à l’épaule droite, le déséquilibrant vers l’arrière. Puis une vive douleur se fit sentir. Assis par terre, l’homme vint poser sa main gauche sur la blessure, où un filet de sang coulait à présent, inondant ses vêtements. Difficilement il se saisit de son arme à feu, la levant en direction de l’entrée du stock de munitions, pour se protéger un éventuel coup de feu supplémentaire. Mais, rien, heureusement... La pièce semblait vide.

« Y’a… Personne… J’crois que c’est vide. » Prononça-t-il difficilement à ses camarades, serrant les dents. « J’ai été touché à l’épaule. » S’excusa-t-il auprès d’Andrea, une mine désolée sur son visage. Il aurait dû être plus prudent. Dans son malheur, il avait tout de même eu beaucoup de chance. Ça aurait pu être pire…

Il pouvait deviner cette petite mâchoire, déterminée à le mordre et pourtant prisonnière. C’était difficile. Pourtant, il captura ses poignets dans sa main droite, il eut encore quelques paroles douces et apaisantes pour l’enfant qu’elle n’était plus depuis longtemps, il tira son corps décharné contre les barreaux, lui fermant toute possibilité de fuite. Alors seulement, et toujours en murmurant pour elle seule, il passa son bras entre les barreaux pour enfoncer sa lame dans le crâne de l’enfant qui finit par enfin rendre son dernier souffle. Pour de bon. C’était difficile, émotionnellement. D’autant plus qu’il y avait probablement un parent qui, fout de chagrin, avait préféré enfermer sa propre fille plutôt que de la laisser partir vers un monde bien meilleur que celui-ci. Le corps de la petite s’écroula au sol et le chilien s’accroupit un instant, cueillant dans sa mort les derniers vestiges d’une enfance volée par une imitation perverse de la mort elle-même. Au même instant, un coup de feu retentit.

Isaac était à terre en se tenant l’épaule. Le chilien ne se précipita pas immédiatement, se tenant prêt pour la suite. Mais son ami reprenant la parole, gémissant, il s’élancer rapidement jusqu’à lui pour en évaluer les dégâts. La porte était piégée. Il n’avait pas le temps pour s’en assurer, déjà Lisandro posait son sac à dos à terre pour sortir ce dont il avait besoin pour parer au plus pressé. « Je vais dégager ta veste pour y voir un peu plus clair. » Ca va faire mal. Mais c’était inutile de le dire, selon lui. Le chilien fit de son mieux pour ne pas blesser Isaac plus que nécessaire, mais il fallait qu’il voit un peu mieux. Il braqua sa lampe torche sur la blessure et son visage se crispa un peu. « La balle est toujours à l’intérieur. » Il avisa l’état général de son aîné, il avait peur d’un choc septique, que la douleur soit trop lourde et qu’il ne sache pas se relever tout de suite. « Il faudrait que j’extraie la balle, mais on n’est clairement pas au bon endroit pour faire ça. Tu te sens de te relever ? Je pourrais faire un bandage pour être sûr… » Il y avait trop à faire, et ce n’était ni l’endroit, ni le moment. Le médecin releva les yeux vers Andrea, inquiet. « Isaac est HS, la balle est à l’intérieur, je ne veux pas l’enlever tant qu’on est enfermé ici. »