La douleur était lancinante, elle lui tiraillait l’épaule, tout le bras même. Mais contrairement à la dernière fois, après avoir été blessé par ce fou qui avait failli l’égorger, cela était terriblement douloureux. Isaac essaya de se relever, une première tentative vaine, qui lui valut une souffrance supplémentaire. Le vieil homme resta donc assis sur le sol, compressant sa blessure. Du sang coulait encore, et cela ne semblait pas près de s’arrêter. Il était tombé dans le piège sacrément astucieux de ce shérif, bien décidé à ne pas vouloir les laisser repartir aussi facilement. Et il fallait avouer que c’était plutôt bien réussi, malheureusement pour le trio.

Lisandro ne tarda pas à rejoindre le cavalier, l’aidant alors à le débarrasser de sa veste, le plus vieux étouffa un cri de douleur, serrant les dents pour essayer de supporter ce supplice. La balle ne l’avait pas loupé, le doc’ lui expliqua qu’elle était toujours logée dans son épaule. Et il ne fallut pas longtemps à l’aînée de comprendre que la retirer allait lui faire un mal de chien. Qu’importe, pour l’instant, le chilien ne pouvait pas intervenir. C’était trop risqué. Ils devaient récupérer des armes et des munitions avant d’essayer de quitter cet endroit maudit. Une fois de plus, ils étaient pris au piège, obligé de trouver une solution pour sortir du bâtiment. « On… On va essayer. » Dit-il difficilement, confirmant à Lisandro qu’il était prêt à se relever. Ou du moins… Il en était obligé. Il ne voulait pas être un poids pour ces coéquipiers, pourtant, son bras ne quitta pas les épaules du médecin. S’il le lâchait, il était évident qu’il s’écroulerait. Ses jambes étaient faibles. Il prit alors une profonde inspiration, le temps de reprendre ses esprits et il pourrait avancer. Il devait s’en persuader…

Ils devaient partir d’ici, au plus vite. Mais par où passer ? L’ancien éleveur faisait tout son possible pour garder son attention fixée sur Andrea qui venait de proposer de passer par la fenêtre. Malgré la douleur, Isaac fronça les sourcils, n’approuvant pas tellement l’idée. S’il savait Andrea totalement capable de gérer une telle situation, il avait peur que ce type ne l’attende. Prêt à l’abattre dès qu’elle ferait son apparition dehors. « Je… Je crois que je n’arriverais pas à tirer… » Prononça-t-il alors, ne cachant pas son inquiétude. « Et il n’y aurait rien dans l’armurerie qui nous permettrait d’ouvrir la porte principale ? Certes, ça ferait du bruit… Mais je pense que nous… » Son visage se crispa de douleur le contraignant à arrêter de parler. Il finit par ajouter difficilement. « Nous n’avons pas tellement le choix… Sortir… Sortir seule, c’est très risqué… » Ils n’avaient pas beaucoup de solutions. Et peu importe celle qu’ils prendraient, Isaac savait qu’il n’allait pas tenir longtemps…

Lisandro s’inquiétait de l’état d’Isaac. Il tenait bon pour le moment, mais c’était une blessure violente, survenue alors qu’ils n’étaient pas censés être sous couvert du feu ennemi. Jusqu’ici, l’homme dehors n’avait usé que des morts pour les attaquer, le piège était astucieux. La blessure, sérieuse. Il avait fait de son mieux pour contrôler l’hémorragie, collant une compresse contre la blessure d’Isaac, lui demandant expressément de ne pas en faire trop. Le soutenant, il l’aida à se relever, péniblement. Pendant qu’Andrea revenait, proposant de repasser par la fenêtre … Seule. « Non. » Ce fut sans appel. Et plus fort que lui, également. Isaac fut le premier à expliquer, du même avis que le médecin qui regardait la brune avec une détermination farouche. Elle ne sortirait pas sans eux. Elle n’affronterait pas ce cinglé toute seule. Personne ne savait à quoi cela ressemblait dehors.

« Isaac a raison, et je ne peux pas veiller sur lui, et sur toi. » Cependant, ils avançaient déjà vers l’avant du bâtiment, emmenant Isaac avec lui. « On pourrait peut-être lui parler… On a… » Il n’eut pas le temps d’achever sa suggestion que les genoux d’Isaac flanchèrent sous son poids, laissant le cavalier inerte, entrainant Lisandro au sol. Le chilien le rattrapa de justesse. « Isaac ! » Il adossa le cavalier au mur du couloir attenant à la pièce par laquelle Andrea s’était introduite tout à l’heure. Il s’accroupit face à lui, cherchant un pouls. Présent, mais filant. Sous la douleur, leur ami s’était évanoui. Il jeta un coup d’œil à Andrea. « Il s’est évanoui. On ira nulle part. Je devrais peut-être … tenter d’enlever la balle. » Il hésitait. Ce n’était pas vraiment le lieu, ni le moment. Et il n’avait pas les instruments nécessaires pour faire ça proprement. Il secoua la tête, négativement. « Non. » Puis il regarda Andrea. « On ne sortira pas d’ici par la fenêtre. » Il était furieux, à cause d’un détraqué, incapable de faire ce qui était juste pour sa fille, leur ami était en danger. Sans plus attendre, il passa à côté d’Andrea, se dirigeant vers la fenêtre sans trop s’approcher de l’ouverture, de peur d’être à découvert. « ON A TROUVE TA FILLE, BASTARDO. » Ce qu’il lui avait infligé était ignoble. Inhumain. Cet homme n’avait pas su respecter la mort de son propre enfant, poussant le vice pour… pourquoi au juste ? Le souvenir d’un visage aimé ? Dénaturé par la pourriture et la pestilence. Il ne restait plus rien de cette gamine, Lisandro avait fait ce qui était juste, la libérant de sa prison d’une manière que son propre père n’avait eu le cran de faire.

Se relever lui avait demandé un effort considérable. C’était comme si d’un coup il avait été vidé de toute son énergie, contraint à s’appuyer sur le doc’ pour ne pas tomber. Un pas, puis un deuxième, et il n’eut pas la force d’en faire plus. La douleur dans son bras ne cessait de croître et il avait la désagréable sensation de ne plus sentir ses doigts. Lisandro avait fait de son mieux pour stopper l’hémorragie, posant une compresse sur la blessure. Mais cela n’était pas suffisant. L’homme avait besoin de soins en urgence et il était clair qu’ils n’avaient pas intérêt à s’éterniser trop longtemps ici. Encore fallait-il trouver un moyen de sortir.

Et alors qu’ils essayaient de trouver une solution, les paupières d’Isaac se mirent à papillonner quelques secondes. Sa tête se fut lourde, tout comme son corps, ses jambes peinant à le soutenir. Il l’entendit plus qu’un vague bourdonnement et sa vision se flouta peu à peu… « Il faut… Lisandro… » Sa voix ne fut que murmures, à peine audible, et puis plus rien…

Adossé contre le mur du couloir, Isaac était resté là quelques minutes. Puis, subitement, ses doigts s’étaient mis à bouger légèrement. Il rouvrit les yeux, difficilement, se rappelant alors de l’endroit où il était, de ce qu’il s’était passé. Il comprit alors qu’ils étaient encore à l’intérieur du commissariat, toujours pris au piège. Essayant de se redresser, il n’y parvint pas, incapable de se relever. Son épaule lui faisait horriblement mal, encore. Restant assis, il avait du mal à respirer. Il releva alors les yeux vers les autres, interpellant Lisandro d’une voix rauque. Il toussa même, ravivant le mal dans le haut de son bras. « Hé… Qu’est… ce… qui… se… passe ? » Il ne pouvait pas bouger, amoindri par la douleur et le sang qu’il avait perdu.