Elle s'était rongée les ongles durant leur absence, jusqu'à voir revenir les premiers. Les premiers et leur air dévasté, les premiers qui parlaient... Morsures, morts en devenir, ils... Son cœur avait battu de travers parce qu'une seule et même idée lui avait douloureusement traversé l'esprit : qu'il puisse s'agir de Donovan ou Lucas. Pourtant, quand elle les avait vu apparaître,  une vague de soulagement avait soufflé les doutes morbides contre son cœur. Jenna avait rejoint Richardson, quant à elle, et peu importait le monde autour, elle s'était jetée dans ses bras. C'est pas toi. Un vague sourire apaisé avait pris d'assaut ses lèvres, néanmoins restait encore cette réponse à la question qui planait dans bien des regards. Et cette réponse, il lui avait donné. Clayton et Amanda. Si elle n'avait aucun lien avec la brunette, Evelyn imaginait sans mal ce qui devait pourtant traverser le Docteur Davis. Quant au routier, Lucas était ami avec lui, un ami pour elle, et les larmes de soulagement qui roulaient déjà sur ses joues s'étaient muées en perle de désolation.

[…]

Les premiers jours, elle n'avait pas osé s’approcher du dispensaire. Même si Clayton la connaissait, qu'elle pouvait le considérer comme un proche de par Lucas, elle n'avait pas grandes affinités avec lui. Puis elle avait eu à faire auprès de June qui, elle aussi, était revenue sans aucun mal. Sans doute qu'elle fut poussée par la présence de Floyd pour aller faire ses adieux au routier. Lui et Buchanan n'étaient pas amis, Collins le savait, malgré tout il l'accompagnait elle. Y avait déjà du monde autour de lui, Stanley, Merl, Lucas, Valentine … June dont elle croisa le regard et qui semblait déjà penser à s'éloigner. Que pouvait elle dire au mourant ? Y avait rien pour lui éviter de songer à ce qui finirait par se produire. Si beaucoup plaisantaient avec lui, Evy lui offrit un piètre sourire et tenta de masquer ses larmes aux mieux. Ça lui faisait mal pour sa petite fille, pour ce qu'il avait construit et qu'il serait forcé d'abandonner. Pour Lucas contre le bras duquel elle déposa la main, se détachant du militaire, avant de s'approcher du brun alité.

- C'est héroïque ce que tu as fait, personne l'oubliera, et.... si tu as besoin que quelqu'un s'occupe de ta fille, tu peux compter sur moi aussi Clayton. Elle serait pas positive, y avait que son piètre sourire qui en donnait l'illusion mais elle ne pouvait pas blaguer ou plaisanter... Il allait mourir.

Davis s'était reclus, impossible de le trouver. Il était sûrement avec sa sœur mais dans quel état au juste ? Cain en avait aucune foutue idée mais elle imaginait parfaitement que ça allait pas. Il était fait du même bois qu'elle, l'absence de réaction violente en moins chez lui, mais il allait sombrer tout comme elle avait sombré. Joann serait là pour lui, elle lui avait fait comprendre, y avait pas eu besoin de mots. Puis, elle avait vu la peuplade s'engouffrer dans l'infirmerie. S'ils étaient pas hypocrites, y avait quand même de sacrées conneries débitées. Ça parlait de la gamine, ça blaguait sur la boisson, sur les dernières choses que le mourant voulait qu'on fasse pour lui. Mais même ces conneries là forçaient une certaine jalousie, des regrets et de l'amertume, à gorger ses veines. Swann avait pas eu droit à ça, il avait claqué seul, sans elle, sans sa frangine. Le routier avait au moins la chance de les avoir près de lui, tous ses potes qui le pleureraient quand il passerait l'arme à gauche.

Toute proche, la Canadienne ne s'attarda pourtant pas près du lit, elle resta à l'encadrement de porte, l'épaule contre le bois, les bras croisés. Son regard fixa chacun d'eux et un rictus fila même ses lèvres en dépeignant Floyd. Il était pas là pour jouer les faux culs non plus, sûrement pour accompagner mère Térésa. Si elle croisa vaguement le regard de Clayton, elle se contenta d'arquer un sourcil. Ce qu'elle avait fait pour lui, pour eux, sur la berge, ça suffisait. Ils s'appréciaient pas des masses, si elle pouvait au moins rester honnête avec lui, ce serait sûrement pas en jouant la mielleuse attristée. Elle était triste ouais, mais pas vraiment pour lui, simplement pour ce que ça lui rappelait. Qu'elle n'avait pas été là pour l'étudiant, qu'il avait pas eu droit à ça, et que même s'il avait été rapatrié à temps, tout ces cons, hormis Stanley qui tenait vraiment à lui, lui auraient craché dessus. La seule qu'elle interpella fut June. La seule, avec le tatoué, à pas faire de dentelles drama à la con.

- J'suis dispo si vous avez besoin, j'ai pas l'intention de rester là. Ça servait à quoi ? Il était condamné, il allait claquer c'était triste ouais, ils perdraient un bon élément de sûr.. Autant avancer, c'était bien ce qu'on lui avait conseillé de faire quand Swann était mort. Y a sûrement plus utile.

Spoiler:

La nouvelle de l’état de Clayton avait visiblement bien circulé et si certains étaient respectueux d’attendre à la porte que les autres en aient fini, ce n’était pas le cas de tous. Stan avait invité Lucas et Jenna à entrer, puis tout à coup, Valentine, Evelyn and co déboulaient. Le jeune homme échangea quelques mots avec son ami, mais toute cette population dans la chambre le mit mal à l’aise. Porté par sa fièvre, le camionneur essayait de faire bonne figure, mais toute cette agitation devait clairement le déboussoler.

- Je dois filer, mon pote. Il posa ses yeux sur Clayton, captant son regard. Il n’avait pas besoin de lui dire qu’il avait été courageux ou très con. De dire qu’il lui manquerait. Qu’il avait aimé déconner avec lui et qu’il boxerait pour toujours en pensant à lui. Le brun le savait. Pour toujours… ça l’emmènerait où lui ? Qui savait, peut-être que d’ici un mois ou deux, il le suivrait.

Il pinça les lèvres, et échangea un simple hochement de tête avec le mourant. Les mots que ce dernier put lui dire le touchèrent et ils se serrèrent la main. Le jeune homme prenait la sortie, la gorge nouée, quand Joann arriva à son tour. Il lui offrit une moue un peu crispée, mais voilà tout. Il avait le cœur lourd, et ça le rendait fou. Il entendit toutefois la question de l’ancienne escort girl et s’approcha.

- J’peux trouver de quoi t’occuper si tu t’ennuies, répondit-il, en invitant la jeune femme à le suivre.

Il quitta ainsi le dispensaire pour aller aussi bosser et surtout se changer les idées. Il fit cependant un détour pour prévenir Casey et sa sœur là où elles étaient.

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June n’avait pas l’intention de rester. Les amis du routier affluaient et elle n’avait aucun mal à admettre qu’elle ne faisait pas partie de ces derniers. Elle croisa Merl qui revenait avec des bières – une dernière volonté que le médecin, discret dans un coin, ne prit même pas la peine d’empêcher. Clayton était condamné de toute façon, n’est-ce pas ? Valentine. Evelyn. L’avocate les laissa aller s’entretenir auprès du mourant – passionnément ou calmement – pour finalement être interpellée par Joann sur le pas de la porte. Elle souleva brièvement un sourcil. Dans l’immédiat, elle n’avait rien à lui demander et fort heureusement, puisque Stanley avait l’air d’avoir besoin de bras.

- C’est bon, allez avec Maverick, approuva-t-elle, mais je me souviendrai de votre proposition pour une prochaine fois.

Elle s’éloigna ensuite de sa démarche qui se débarrassait difficilement de son élégance. En l’absence de Ela, c’était à elle que revenait la mise à jour du recensement et la réattribution de la maison qu’utilisait le défunt – autant déjà en parler comme tel. La gamine ne pourrait rester seule dans un pavillon, la maison était donc d’ores-et-déjà disponible.

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Elle allait le regretter. C’était ce que sa sœur n’arrêtait pas de lui dire. Depuis l’annonce tombée pour Clayton, Casey était tout bonnement incapable d’aller lui dire au revoir. Méthodiquement, nerveusement, elle jouait avec ses cheveux en essayant de faire changer les choses. Mais enfermée dans sa bulle, incapable de faire le tri, les yeux rougis autant par la fatigue que par les souvenirs qu’elle revivait encore et inlassablement, la petite blonde n’était pas allée voir Clayton.

Et elle ne pouvait pas s’y résoudre. Pourtant, l’homme avait été une personne dans son existence, un voisin sympathique. Elle connaissait suffisamment Kassidy pour réussir à lui décrocher plus de trois mots. Elle avait « partiellement » dressé Bulle avec la petite, pour le rendre propre, au moins ! Et lui, il mourrait. Il se laissait mourir. Tout ça pour quoi ? L’absence de Lawrence et Amanda se faisaient dès lors sentir, et sans comprendre pourquoi et comment, ses pensées s’embrouiller.

C’était dans ce genre de moment qu’elle avait envie de balancer à qui voulait l’entendre – mais surtout à Stanley – que c’était ce qu’elle craignait. Qu’elle avait raison de s’inquiéter, qu’elle devait être là pour lui. Et puis, se rappelant que Clayton s’était fait mordre malgré sa présence, elle se murait dans le mutisme en attendant de trouver un sens.

Qu’est-ce qu’on pouvait faire contre la fatalité ? Qu’est-ce qu’on gardait, à part des regrets ?

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