Elle fait ses dents, c’est ça ? Tu as l’air épuisée, Casey… souffle Hokulani en tenant la petite entre ses bras. Elle prêta son index à la petite fille pour qu’elle puisse le machouiller, sans que ça n’ait vraiment d’effet. A l’écouter, Esther préfère quand même Sophie.
Oui, elle dort très mal depuis trois jours et nous avec… que je lui réponds dans la foulée.

Moi qui pensais les crampes passées, voilà qu’elle revienne de plus belle. On s’isole comme on peut, et je suis contente de plus tenir Esther dans mes bras parce que je peux plus cacher à quel point j’ai mal.

Tu es sûre que ça va ? me demande Hokulani en plaquant une main sur mon front. Pourquoi s’en cacher, c’est marqué sur ma gueule que je souffre à ce niveau-là.
J’ai… J’ai très mal au ventre depuis tout à l’heure, ça passe pas… elle me force à m’asseoir à nouveau, en me demandant de respirer. Dans son regard, y’a la même certitude que c’est pas pour rien : encore les effets du vaccin. Qu’Hokulani soit là ça me rassure surtout parce qu’elle pourra toujours s’occuper d’Esther si moi je tiens pas le choc. Elle m’ausculte un peu, presse mon ventre gonflé et ma nausée semble augmenter d’un coup. Oh non… Oh non non non…

D’un geste, je la repousse et me penche sur le côté. Le contenu de mon repas tombe sur le sol, en même temps qu’un violent vertige me saisit. C’est l’asiatique qui me rattrape comme elle peut pour me ramener contre elle dans la foulée.

Il me faut une bassine ici ! Qu'elle exige avec fermeté.

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Je ne me sens pas bien.

J’ai la nausée, mais je ne crois pas que ce soit le même mal que Valentine, Sean, Maeve ou Zelda. C’est simplement que je ne m’attendais pas qu’une telle horreur frappe si fort, en plein dans notre foyer. J’ai de la peine pour Madame Dewitt, j’ai peur pour tous les gens ici. Mon cerveau se vide, mes poumons aussi. Étrangement, une seule personne apparaît dans mon esprit : le pasteur William. Je ne sais pas où il est, j’espère qu’il va bien…

- Ç-ça va, que je bredouille à Casey qui me donne un peu d’eau.

Je bois machinalement, parce que je ne sais pas quoi faire d’autre. En compagnie de la jeune maman, de Cole et de quelques autres, je reste silencieuse jusqu’à ce qu’on arrive à l’école. On est répartis dans les salles, sous la surveillance – et la protection – des volontaires qui se sont armés en conséquence. D’autres vont certainement arriver ; moi, je reste auprès de l’aînée Summer et du hacker le temps de reprendre un peu contenance.

- Ça va, que je répète à Cole.

Casey est prise à part par Hokulani, en raison de ses maux de ventre. Je me doute de ce qu’elle a… vu la douleur qu’elle exprime, il n’y a que peu de mystère sur le sujet. Lorsque la gynécologue réclame une bassine, je me raidis d’un coup :

- Je m’en charge !

Je ne peux rien faire pour protéger mes amis, je ne peux que m’inquiéter en priant pour qu’ils soient préservés et viennent à l’école, mais je peux encore me rendre utile. Dans le petit local de la grande salle de classe qui sert à entreposer les ustensiles ménagers, je trouve une petite bassine. Au fur et à mesure que mes pas me ramènent vers Hokulani, je ne me sens pas très bien… je ralentis, regarde autour de moi. C’est comme être dans une bulle sous l’eau. Les sons sont sourds, ma vue se distord, mes pensées vrillent. Soudainement. Une envie dévorante. Mes nerfs brûlent, mes muscles s’enflamment, un monstre gronde dans mon ventre.

L’asiatique tend une main pour prendre la bassine, je la frappe violemment avec en plein visage. Elle titube en arrière mais parvient à garder l’équilibre pour protéger Esther. Je ne contrôle plus rien. Je veux juste la frapper, je veux lui faire mal.

Je veux la manger.

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