Jamais il n’aurait pensé retrouver quelqu’un. C’est ce qu’il se dit alors que son regard est plongé dans celui de Lucy, le goût de ses lèvres toujours sur les siennes. Entre la disparition de Scott et la mort récente de Zoé, Otis a perdu les deux seules personnes qu’il avait aimé sincèrement. Il les avait rencontrés à son entrée en école d’Arts à Portland, et très vite, les trois colocataires avaient fini par entretenir une relation un peu « spéciale ». Mais qu’importe ce que les autres pensaient, ils étaient heureux ainsi. C’était aussi à cette époque que le jeune homme avait découvert son attirance pour les personnes du même sexe que lui. Sa mère l’avait longtemps pensé homosexuel d’ailleurs, avant qu’il ne lui raconte la vérité sur tout ça quelques années plus tôt, alors qu’ils vivaient dans un petit groupe de survivants. Il avait été étonné en la voyant aussi compréhensive et désolée pour lui… Mais d’un côté, il avait été soulagé de tout lui dire…

Alors quand elle lui raconte comment sa précédente relation s’est terminée, Otis l’écoute avec attention. Elle lui explique avoir quelque chose d’important à lui confier. Le métis ne la quitte pas des yeux, concentré sur ses paroles. Ce n’est que lorsqu’elle a terminé qu’il parle à son tour, lui accordant un regard qui se veut rassurant. Il serre sa main entre ses doigts « Je suis désolé que tu aies dû vivre tout ça. » S’attend-elle à ce qu’il soit choqué par ses révélations ? Il aurait pu, sûrement. Mais il n’est pas le genre d’homme à juger les autres. Les railleries, les moqueries, le harcèlement, toutes ces choses qu’il a supportés plus jeune, il s’est toujours interdit de le faire subir aux autres. Alors que Lucy ait pu être une actrice X, est-ce vraiment important ? Non. Lui s’intéresse à celle qu’il a aujourd’hui face à lui, celle qui lui plaît. D’ailleurs, il ne tarde pas à la rassurer « Ne t’en fais pas. On prendra le temps qu’il faudra. J’ai vraiment envie d’apprendre à te connaître. » Il lui sourit encore.

« Pour tout te dire… J’ai été contraint de mettre tout ça de côté aussi. Pas aussi longtemps mais… Avant, je vivais avec une femme et… Un homme… » Il marque une pause, cherchant une réaction de sa part avant de reprendre « C’était mes colocataires de l’époque et finalement on s’est mis ensemble tous les trois. Malheureusement, lui, je ne l’ai jamais revu depuis. Et elle… Elle est morte cet hiver… » Il sent une boule se former dans sa gorge, se rendant compte que c’est encore très difficile de parler de tout ça. Il prend une profonde inspiration, pour ne pas craquer. Un petit sourire naît finalement sur ses lèvres et il continue « Je… Je les aimais beaucoup… Et… Je n’ai eu personne depuis… »

Son rire fait écho à celui de la rousse. Leurs regards se croisent et le métis ne peut s’empêcher de lui accorder un grand sourire. Il hausse légèrement les épaules à sa première remarque. Qu’importe comment les choses évolueront entre eux, le jeune homme n’est pas du genre à s’en faire pour tout ça. Il apprécie énormément Lucy et c’est le plus important.

Quand elle cherche à en savoir plus sur la relation qu’il entretenait auparavant avec ses colocataires, le dessinateur répond tout naturellement. « On peut dire ça oui. » Même si les deux autres étaient sûrement plus expérimentés que lui à l’époque. « Moi, je me sentais bien avec eux… Je n’ai jamais eu besoin d’aller voir ailleurs. Mais je sais que Scott ou Zoé avait quelques aventures parfois avec d’autres personnes. Mais cela n’était pas un problème. » Il aurait sûrement fini par sauter le pas, s’il avait rencontré une femme ou un homme à lui plaire. Mais le jeune homme n’a jamais été très doué pour la séduction. Il suffit de voir comment il se comporte avec Lucy pour le comprendre.

La jolie rousse finit par lui proposer d’aller manger ensemble. « Avec plaisir ! » Dit-il en se redressant à son tour. Il range ses affaires avant de suivre la danseuse. Le métis reste avec sa nouvelle petite-amie durant une grande partie de la journée. Lorsqu’ils se quittent quelques heures plus tard, Otis lui promet de revenir la voir très vite. Il l’embrasse passionnément avant de rejoindre la Taverne.

***

Fin juillet 2020

Cela fait presque trois semaines qu’il n’a pas mis les pieds dans le centre de Seattle, encore moins au No Man’s Land. Depuis sa rencontre avec Bruce et son départ de la Taverne, il a fait connaissance avec son nouveau groupe et s’est installé avec-eux. Il commence doucement à prendre ses marques, se rendant utile dès qu’il peut ! Mais aujourd’hui, il s’est décidé à revenir sur Seattle, réalisant qu’il n’a pas eu l’occasion de revoir Lucy avant son départ. Il aurait voulu la prévenir, malheureusement, cela n’a pas été possible.

Ayant très peu de chance de la trouver au No Man’s Land, il se décide à rejoindre directement le motel. Rassuré d’apprendre qu’elle est bien là et disponible pour accueillir un client, Otis se débarrasses de ses armes comme à son habitude avant de présenter les ressources qu’il a apportées. Une fois qu’il est autorisé à rejoindre Sety, il entre dans la pièce avant de souffler « Lucy ? » Un simple murmure avant qu’il croise son regard. « Je suis désolé… Je… Je voulais… J’aurais dû venir te voir avant mais… » Il a du mal à parler, craignant qu’elle lui en veuille. Pourtant… Il n’a pas cessé de penser à elle, tout ce temps…

Lucy se débattait avec son ordinateur, elle devait bien être une des rares à en avoir un fonctionnant dans la ville, mais elle se plaignait de sa lenteur… Il mettait un temps considérable à copier des fichiers. Elle laissa finalement tomber pour se concentrer sur le choix d’une nouvelle tenue, qu’elle porterait ce soir. Alors qu’elle était en train de réfléchir, observant les ensembles de vêtements disposés sur son lit, ses pensées dévièrent vers Otis, ça faisait un moment qu’elle ne l’avait pas vu, qu’elle n’avait pas eu de nouvelles en fait. Elle espérait qu’il ne lui était rien arrivé de grave.

Lors d’un passage à la taverne, elle avait cru comprendre qu’il avait quitté son « travail ». Pour aller où, seul Otis le saurait, Lucy ne s’inquiétait pas encore de son absence, même si elle devait reconnaitre qu’il lui manquait un peu. C’était agréable d’avoir un homme comme lui dans le paysage. Quelqu’un toqua à sa porte, la sortant de ses pensées d’un coup. Un client ? Si tôt ? C’était étonnant ! Tant pis, il l’aiderait à choisir la tenue la plus appropriée pour lui !
Quand la porte dévoila Otis, elle eut d’abord un air incrédule sur le visage, très loin de son air pensif habituel. Il semblait gêné de ne pas avoir donné de nouvelles depuis tout ce temps. Elle déclara simplement : « Otis.» Avant de s’approcher de lui et de lui saisir une main, le visage presque neutre, puis elle l’enlaça doucement : « Je suis contente de te voir, viens. »



La rousse l’entraina jusqu’au fauteuil des clients, le lit étant occupés par des vêtements et elle le fit s’assoir, avant de s’installer sur ses genoux et de lui parler à voix basse : « Je suis passé à la taverne récement, on m’a dit que tu étais partis. J’espère que tout va bien ? » Elle pressa sa tête contre l’épaule d’Otis, souriante et un peu niaise. C’était bien mieux que tout ce à quoi elle aurait pu s’attendre. Au moins, elle aurait plaisir à être avec ce client-ci.

Son cœur bat brusquement plus fort lorsqu’il se retrouve enfin face à elle. Il ne sait pas ce qu’elle va lui dire, si elle va lui reprocher de ne pas avoir donner signe de vie durant autant de temps. A vrai dire, il n’a pas vraiment eu le choix. Après sa rencontre avec Bruce, il a passé pas mal de temps avec le groupe de l’entraîneur sportif, décidant finalement de s’y installer. Comme il tente de le faire savoir à Lucy, il aurait voulu venir la voir plus tôt.

Face à la rousse, il perd complètement ses moyens, craignant d’avoir pu la fâcher ou la décevoir. Depuis ce moment si agréable passé ensemble la dernière fois, il redoute sa réaction, après autant de temps sans donner de nouvelle. Pourtant, la jeune femme ne semble pas en colère. Elle l’enlace doucement avant de lui expliquer qu’elle est heureuse de le voir. Cela rassure un peu le métis qui se laisse entraîner jusqu’au fauteuil. Il s’y installe, laissant la belle s’asseoir sur ses genoux. Elle pose sa tête sur son épaule, il la regarde. Un sourire crispé se dessine sur ses lèvres, il s’en veut vraiment d’avoir disparu aussi longtemps, et surtout, de ne pas l’avoir prévenue. Il tente alors de s’expliquer, avec une légère maladresse, comme à son habitude. « Je… J’ai rencontré un homme il y a quelques semaines. Il… Il m’a sauvé d’une très mauvaise posture, j’aurais… J’aurais pu mourir. J’étais entouré par une horde et pas moyen de m’échapper. Il m’a sauvé. » On peut dire qu’il a eu de la chance ce jour-là. « Il m’a proposé de rejoindre son groupe… Et… Et j’ai accepté… C’était pas… Pas prévu mais je… Je me sens bien là-bas. Je me sens plus en sécurité et … » Il espère qu’elle le prendra bien… Il a tellement de choses à lui dire, à lui raconter…

Il la regarde avec une mine désolée, lui souriant un peu plus. Il est si heureux de la retrouver. Il resserre leur étreinte, entourant sa taille de ses bras. Puis doucement, il vient capturer ses lèvres. Un baiser tendre, un baiser qu’il attend depuis des semaines… Sa main remonte doucement dans le dos de la danseuse, il vient la presser un peu plus contre lui. « J’ai… J’ai pas eu le temps de te prévenir… Mais tout va bien… Je me sens vraiment bien là-bas… »

Lucy sourit sans rien dire aux explications d’Otis, elle était simplement heureuse de le voir, de voir ses cheveux crépus, dans lesquels elle passa doucement une main avant de la faire descendre sur sa joue : « C’est bien que tu sois en sécurité dans un nouveau groupe. » Elle était sincère, il semblait si fragile, il avait besoin de la protection de plus fort que lui, de plus grand que lui. D’ailleurs, l’histoire qu’il lui racontait lui rappelait furieusement quelque chose. C’était assez rare les gens courageux au point d’attaquer des zombies, de se mettre en danger pour sauver quelqu’un d’autre. Dans tous les cas, elle était extrêmement reconnaissante qu’il l’a fait.

Elle appréciait beaucoup Otis et si elle ne voulait pas qu’il disparaisse comme Anna. Depuis leur rupture, personne ne semblait avoir vu la brune et Lucy tentait de ne pas y penser, mais ça lui arrivait. « J’ai entendu parler d’un homme, un grand noir, qui recrute tout le temps et qui est extrêmement gentil. Il a aidé Johanna aussi. Ce ne serait pas lui ? » Assez peu de monde pouvait correspondre à la description que lui avait fait la petite blonde. Lucy posa sa tête sur l’épaule d’Otis et se laissa un peu aller, bercée par la respiration du jeune homme. Fermant les yeux et se laissant aller à quelques pensées lointaines. Elle voulait l’emmener loin de tout ça, être normal avec lui pendant un moment. [color:2a04=ff3300] « ça te dirait qu’on sorte de là ? Qu’on aille se promener ? T’as payé après tout, Oxana me tiendra pas rigueur si je sors. » En tout cas, elle avait envie d’aller se balader. « On va aller au NML, profiter un peu du beau temps avant que ça ne parte en vrille ! »

Elle se leva pour aller se changer, sans aucune honte devant Otis, souriant quand elle perçu le regard de son ami. Un jour il y aurait droit, peut-être même aujourd’hui mais elle n’avait pas envie de ça là tout de suite. Lucy avait commis l’erreur d’aller trop vite avec Anna et elle ne comptait pas la refaire une seconde fois. « Le noir ou le blanc ? » Demanda-t-elle avec un sourire. Avant de se ranger au choix du jeune homme, puis ils quittèrent la chambre de la jeune femme.

Alors qu’ils avançaient, Lucy, ses cheveux encore une fois cachés sous son sweat gris. Sa main chercha celle d’Otis « Parles moi un peu de tes nouveaux camarades Otis ! » Oui, cela ressemblait à un comportement d’adolescente, mais on pouvait bien se le permettre de temps à autre.

Serrant un peu plus Lucy contre lui, le métis se sent soulagé d’un poids immense en voyant qu’elle ne lui en veut pas. Mieux, elle se dit heureuse en apprenant que le jeune homme a trouvé un groupe dans lequel il se sent bien. Faut dire qu’il a eu beaucoup de chance de tomber sur Bruce. Sans lui, le jeune homme serait probablement mort… D’ailleurs lorsque la rousse fait la description d’un homme, il est certain qu’il s’agit de son ami. « Bruce ? C’est lui qui m’a sauvé. Il m’a proposé tout de suite de rejoindre son groupe. C’est un homme très gentil. » Dit-il en affichant un sourire à sa petite-amie, ravi de la retrouver.

Toujours collé contre la jeune femme, Otis a du mal à cacher sa surprise quand elle lui propose d’aller prendre l’air. Elle le rassure rapidement en lui disant qu’elle a droit de le faire. « Pourquoi pas ! Tant que je peux passer un peu de temps avec toi. » Un nouveau sourire, teinté d’une pointe de malice. S’il pouvait passer tout son temps avec la jeune femme, il le ferait. Alors qu’importe le programme, il est le plus heureux des hommes quand il est avec elle. Quand elle se lève pour aller se changer, il ne la quitte pas des yeux, nullement gênée par la nudité de la rousse, bien au contraire. Il la trouve magnifique et ne tarde pas à répondre à sa question, simplement, en lui souriant. « Blanc. »

Une fois que Lucy est prête, le couple quitte le motel pour rejoindre le motel. Le dessinateur raconte alors sa nouvelle vie avec son groupe, présentant brièvement ses nouveaux compagnons de route. Il rassure une fois encore la jeune femme en lui disant qu’il est en sécurité là-bas, qu’il est bien traité, qu’il ne regrette pas ; bien que ce soit plutôt éloigné du No Man’s Land et du motel. Mais ça, sa belle le comprend et ça le rassure. Tous les deux profitent du beau temps pour se promener. Main dans la main, le jeune homme se sent revivre aux côtés de la jeune femme. Profiter, tout simplement, durant ces quelques heures ensemble.

***

Octobre 2020

« Viens. » Otis attrape la main de la rousse, l’entraînant jusqu’à l’entrée d’une petite maison du quartier de Beacon Hill. Cela fait plusieurs semaines qu’ils ne se sont pas vus. Entre le déménagement, les épidémies, l’anniversaire de Milow… Le métis a été bien occupé. Mais après avoir réussi à voir la jeune femme au motel, il lui a demandé de se libérer quelques heures pour qu’ils puissent passer un peu de temps à l’écart du motel et du No Man’s Land cette fois. Un genre de surprise préparée rien que pour elle, après avoir rangé et nettoyé l’intérieur de la petite maison les jours précédents.

Faisant signe à sa petite-amie d’entrer, il referme la porte derrière eux. Il l’invite ensuite à le suivre jusqu’au salon. Laissant le temps à Lucy de découvrir l’endroit, il lui demande alors « Ça te plaît ? Je… Je me suis dit que ça pouvait être bien de changer un peu d’endroit… Pas… Pas que je n’aime pas ta chambre mais… Disons qu’on sera plus tranquilles ici. » Un sourire étire ses lèvres, ravi qu’elle ait accepté de venir jusqu’ici avec lui.