Bah bien. Il sait pas ce qu’il fait là, ce qu’il avait prévu d’y faire, et probablement que s’il lui demandait il connaitrait pas non plus le prénom de sa mère. Cesare serait d’avis de douter, au moins par principe, mais l’autre arme se baisse, et le mioche a vraiment l’air au bord de la syncope ou de la crise de nerfs. S’il a fini de juger à l’apparence, trop de nanas l’ont eu comme ça, le rital peut pas s’empêcher de se fier au comportement évident. Il est terrifié. Pire. Il supplie pour sa vie. Les doigts se crispent un peu plus à proximité de la gâchette, mais il abaisse pas le fusil.

Rapide inventaire des raisons de l’assassiner. Il sait où est la planque qu’il va de toute façon abandonner, il sait qui s’amuse à déplacer des cadavres même si pourquoi doit pas être encore clair dans son crâne, et il lui a foutu les nerfs. Rapide balance, pendant que le silence s’étire au rythme où un gamin doit voir défiler sa vie, peut-être retenir l’urgent besoin de se pisser dessus aussi. Qu’il chouine pas trop sur le temps que ça prend, c’est peut-être ce qui va lui sauver la vie.

Cesare a pas bougé d’un iota, c’est pas lui qui va trembler. « Range ton arme. Je vais te dire comment déverrouiller la porte, et tu vas te tirer très vite d’ici. » Merde. Il va pas assassiner un gosse pour ça si ? « Si tu te tires pas assez vite à mon gout, je te fume comme une oie, c’est clair ? » Si ça l’est pas assez, y a toujours le fusil de chasse braqué pour l’éclairer.

Mais le gosse a l’air de saisir l’importance d’être coopératif pour l’instant, et ça l’arrange. Ca évitera d’avoir à faire avec les conséquences. « Y a un loquet en haut et en bas de la porte. Ils rentrent dans le mur, tu les tires, et ça s’ouvre. » Dans la panique pour sûr que la gerbille a pas pensé à regarder. Pour ça qu’il a choisi cet immeuble à la base, verrouillage interne à l’ancienne, ça paraissait une bonne idée. Maintenant il s’attend juste à voir le lapin détaler. Dans le doute il va suivre le mouvement, au moins s'assurer qu'il est loin avant de filer.

Il panique et la mâchoire se resserre. Encore trente secondes Cesare, il tente de se faire bien plus patient qu’il est, encore trente secondes et il se sera tiré. Et lui pourra enfin rentrer, après deux putain d’heures de trajet qu’il escomptait s’épargner pour de bon. Plan foiré, à cause de ce petit con qui a eu l’idée d’arriver au mauvais moment. Comme si y avait pas déjà un restant de bouillie d’humain grise sur ses gants pour lui faire froncer le nez, faut que le môme traine plus que nécessaire. Vraiment il va finir par le flinguer.

Ca y est. En fait non.

Le fusil a failli se baisser, s’est redressé dans un sursaut. Rôdeurs. Rôdeurs ? Calcul rapide, y a trois grandes fenêtres, assez pour sortir, par le rez-de-chaussée. Toutes donnent sur la rue visiblement habitée. Putain. Le rongeur a pas fini de le faire chier. Le soupire part en grondement des nasaux trop dilatés. Jusqu’au bout il va les lui briser on dirait. Le dernier aveu finit d’achever Cesare. « Non mais tu te fous de ma gueule là. » Qui se balade non armé ?

Pour les morts on dirait que non. Y a des râles qui ont visiblement pas manqué le dernier mouvement de la porte qui a claqué. Coup d’adrénaline éclair, quand un premier choc vient frapper. « Referme les loquets putain ! » Ca y est. Le fusil est lâché, pendouille à son bras, quand il abandonne sa planque pour s’assurer de la sécurité de l’entrée. Il se jette à moitié sur la porte, comme s’il voulait l’enfoncer. En même temps y a urgence vu la masse qui essaye de la faire trembler. « Mais grouille toi merde ! » Ça aurait pu prendre un quart de seconde, ce serait déjà trop long. Il entend plus grand chose en dehors des grognements et du battement cardiaque à ses tempes. Regard derrière lui, heureusement il a déjà visité.

Les morts vont envahir le couloir quoiqu’ils fassent. « Ils étaient combien ? » Surtout avec l’italien qui gueule derrière le morceau de bois. Deux ils se les font sans problème, plus ils sont dans la merde. Regard vers le bout du couloir, au fond l’escalier, un peu planqué, derrière le mur qui tape un angle droit. Pas le choix, va falloir monter, se faire discret, attendre que ça passe.

« C'est bon ? » Regard à la gerbille, à moitié effaré. « Au fond à droite, go ! » La porte tiendra pas une éternité, ils ont plutôt intérêt à être vite planqués et silencieux dans ce bourbier.

Spoiler:

Les marches sont survolées plus que montées, l’adrénaline fait pousser des ailes il parait. Cinq. C’est trop pour se risquer dans le couloir, assez pour attendre que ça se passe. Y aura bien un chien errant, un autre mort, une voiture ou un survivant pour les attirer dehors. Au pire ils lanceront du mobilier depuis la fenêtre, ça fera aussi l’affaire. La porte tambourine toujours en bas, et Cesare calcule sa planque pour la soirée. Il avait prévu deux étages plus haut, mais avec des morts qui risquent de se balader dans le couloir, il va pas tenter le diable. Premier étage.

La nuit commence à tomber, et la poussière sur les carreaux aide pas la luminosité. « Je devais. » Ca gronde quand même, même s’il essaye de se faire à l’idée. Il va devoir glander avec une gerbille dans les pattes encore un moment, s’il l’assassine les cris risquent d’attirer l’attention, ce serait un mauvais plan. « Ça évite que les gens passent. » Même en quart de ton il gronde vraiment. L’odeur d’urine est peut-être pire à l’étage, à croire l’ammoniac à tendance à monter à l’état de gaz.

Quatrième porte, c’est de mémoire le moins crade. Le temps de passer la porte, c’est pas celui qu’il avait en tête, ça fera l’affaire quand même. Il la repousse au maximum sans la clancher, histoire de pouvoir se tirer, une fois que l’autre souris est passée. « Non. Ils ont tiré une benne devant la porte. » Impossible de la pousser. Aucune idée de ce qu’ils ont foutu dans la cour entre ces immeubles, mais ils avaient l’air de tenir à leur sécurité. Alors il fait trois pas, avise le canapé et les pieds du mort qui dépassent de la chambre dans laquelle il l’a trouvé en fin de matinée.

« Je dois te garder en joug pour les trois prochaines heures ou ça va aller ? » Parce que cinq corps qui forcent contre une porte, loquets ou pas, ça va finir par céder. Pour l’instant il a surtout la mâchoire qui refuse de lâcher, ronge son frein en silence mais sans arrêter de le fixer. Il a bien l’air d’un rat, flingue déchargé, mais couteau dans le dos prêt à l’emploi. Alors il se pose sur le canapé, quitte à devoir attendre, autant avoir les fesses de posées.