Anton profitait du soleil qui se couchait doucement à l’ouest, tapotant la crosse de son fusil pour s’occuper l’esprit et les mains. Il attendait quelqu’un, une jeune femme à qu’il avait fait une promesse quelques temps plus tôt et qu’il comptait tenir ce soir. Finalement, des bruits de pas se firent entendre et une femme le dépassa sans le voir. Quand l’ancien flic fut certain de l’avoir reconnue, il l’aborda d’un joueur :

« C’est pas mal, ça donne presque envie de te voir partir. » fit Anton sans chercher à faire dans la finesse, à quoi bon avec Lexie d’ailleurs ? Lors de leur précédente rencontre, elle avait très clairement fait preuve d’un solide esprit et d’un bon enthousiasme, elle saurait le remettre à sa place si ça ne lui plaisait pas… Et le policier ne pouvait nier que ça lui plaisait.

Il s’avança vers la jeune femme l’air nonchalant, le fusil battant à sa hanche, ce soir il avait besoin d’une partenaire pour un petit boulot que lui avait confié Roza. Une partenaire, mais qui pourrait aussi faire office de rencard, une façon comme une autre de passer un peu de temps avec Lexie et voir si le courant passait toujours aussi bien que la première fois : « Tu te souviens quand je t’avais proposé une petite planque ? T’es toujours dispo ou tu as mieux à faire ? » Même si la proposition de planque avait plus tenue de la proposition sexuelle que du travail de chasseur de primes, ça valait le coup. Non ?

Un peu plus tard

« Tiens, ça fera passer le temps. On cherche quelqu’un, Eli Delgado, on le trouve, on le choppe et on le ramène à mon contact… » Simple et efficace, comme Anton l’aimait, il avait déjà effectué tout le travail d’enquête concernant Eli, ses habitudes et les endroits où on pouvait le trouver. Il ne restait plus qu’à le cueillir, l’attendrir un peu et voilà. Ensuite, Anton pencha la tête pour regarder Lexie, d’un air amusé : « Evidement tu seras payé pour le job, faudrait juste que tu me donnes ton prix mais, ça tombe bien, peu importe ce que tu diras, ce sera le prix que j’étais prêt à mettre. »

Il se passa encore une petite demi-heure avant qu’Anton ne voit finalement ce fameux Eli apparaitre à l’entrée du No Man’s Land. Il était accompagné d’une jeune femme qu’Anton connaissait de vue mais de nom. Merde, c’était pas prévu qu’il soit accompagné. Au moins, le policier se félicita d’avoir Lexie à ses côtés, elle allait lui être utile.

"J'retiens que les clic-clacs c'pas un bon plan." Je boitille en passant la porte du magasin de literie pour rejoindre les grandes rues de la zone industrielle, Keira dans mon ombre. Quand elle me rejoint, je passe ma main valide dans ses cheveux avec l'intention de la recoiffer sans trop de succès, puis me penche malgré mon dos endolori pour embrasser ses lèvres encore rouges.

C'était un détour égoïste mais très appréciable dans notre quête du jour : trouver de quoi retaper les défenses mises à mal de la ferme. Le retour à Fall-City nous a permis d'apprendre que ces rôdeurs étranges qui ont envahi Sanctuary Point les ont également attaqués, heureusement sans faire de dégâts humains. On a déjà commencé à relever les barricades, les barrières... Reste à accessoiriser tout ça. Barbelés, pièges à loups... On verra sûrement à l'inspiration. Dire qu'on se pensait tranquilles, dans ce trou paumé.

Je me détache de la brune en lui adressant un regard bêtement heureux, avant qu'on ne reprenne notre chemin pour le No Man's Land.

Depuis quelques semaines, difficile de me décoller de ce sourire con. Je vis à travers un filtre qui rend sa couleur à tout ce qui l'avait perdue. Le paysage, la nourriture, la musique, le soleil. Même ma peau a revêtu sa carnation d'été. Sauf pour ce qui se cache sous le plâtre. Mais celui-ci, je commence à m'y habituer. Alors... honnêtement, n'importe quel prétexte aurait été bon pour fuir la morosité du camp et rester dans notre petite bulle. C'est que ce serait presque indécent de m'afficher d'aussi bonne humeur sous le nez de Peter.

J'ouvre la porte pour laisser passer Keira dans le centre du troc, et la referme derrière moi dans cet affreux grincement familier. Dans nos sacs à dos, le bazar habituel de vivres en tous genres : légumes en bocaux, compotes de fruits, poisson... "J'espère qu'on a pris assez." que je souffle, un peu inquiet. Si l'attaque était globale sur Seattle et sa région, alors ce genre de produits est devenu denrée rare - donc chère. Mais au pire, on pourra toujours faire l'effort d'imaginer quelques pièges moins onéreux.

Un petit rire s'échappe des lèvres de Keira quand elle entend les paroles d'Eli : « Les clic-clacs poussiéreux surtout... » Les joues encore rosies, elle lui emboite le pas. Keira se hisse sur la pointe des pieds et enlève une toile d'araignée qui s'est glissée dans les cheveux d'Eli.. Elle glisse ses mains autour de ses hanches quand il l'embrasse.

Tout semble plus facile depuis leur retour de Sanctuary Point. Certes, la nouvelle des supers rôdeurs présents un peu partout à Seattle lui a mis un petit coup, mais la présence d'Eli à ses côtés lui fait presque tout oublier. Elle a parfois peur que tout s'arrête trop brutalement, de trop s'attacher au latino et qu'il ne finisse par disparaitre lui aussi. Keira tente alors de chasser ses idées noires dans un coin de sa tête et de seulement profiter. Elle y réussit plutôt bien. La brunette a l'impression de voir tout différemment, d'être plus confiante, plus heureuse aussi...

A l'intérieur du No Man's Land, Eli s'inquiète de savoir s'ils ont pris assez. Keira hausse les épaules. « On verra bien ! » Au pire, ils reviendront plus tard, les occasions ne manquent pas. Ils sont là pour voir un peu ce qui se troc en terme de défense. Elle ne tarde pas à déambuler à travers les étals. De temps en temps, elle s'arrête pour regarder une marchandise, mais à première vue, il n'y a rien qui les intéresse vraiment.

« Là ! » Keira montre à Eli le petit stand d'un homme seul à l'allure de bucheron. Plusieurs personnes sont en train d'examiner les produits qu'il vend et elle est obligée de jouer des coudes pour se rapprocher. « T'en penses quoi ? » lui souffle-t-elle en lui montrant un gros piège à ours. Un objet de ce genre positionné autour de Fall City peut contribuer à ralentir considérablement un super rôdeur qui passerait dans le coin. « Ils ne peuvent pas être assez intelligents pour les éviter ? » s'inquiète la brunette. A priori, les supers rôdeurs sont assez malins pour utiliser des pierres pour briser des vitres ou pour ouvrir une porte... Ils tentent une négociation mais l'homme est intransigeant. Le deal est clair : ils laissent tout le contenu de leur sac ainsi qu'une recharge de munitions de l'arme de Keira en échange du lourd piège à ours. Il lui reste un seul chargeur dans son sac désormais. Espérons qu'elle n'est pas besoin d'user de son arme à feu sur le chemin du retour.

Ils sortent du No Man's Land avec leur lourd achat. Leur scooter est garé à bien 30 minutes à pied du No Man's Land et Keira râle déjà : « C'est super encombrant ce truc ! » Le piège à ours est vraiment volumineux.

Aie, elle connaissait Eli, Anton espérait que ça n’allait pas lui faire pousser des scrupules car pour le coup, il avait besoin de son aide : « C’est une amie qui m’a demandé de le retrouver et de lui ammener, je t’avoue que je n’ai pas cherché plus loin sur ce qu’il peut avoir fait. » C’était vrai, Roza avait même été très insistante sur le fait de ne pas faire de mal à Eli : « Maintenant, elle m’a demandé de l’amener en bon état, sans lui meuler la face, je ne pense pas qu’elle veuille lui faire du mal. » Anton avait juste le droit aux clefs de bras et à une tarte ou deux si Eli se mettait à mal parler, en espérant que ça arrive.

Pour ce qui était de Keira : « Non ce n’était pas prévu, pas du tout même. » Il grogna un peu sous le baiser que lui déposa Lexie, c’était agréable mais ce n’était pas le moment de se faire des bisous, ça viendrait plus tard… Il réfléchit quelques secondes avant de finalement sourire : « Bon, on dirait que j’ai bien fait de te demander de l’aide. » un couple pour en arrêter un autre, ça avait un petit côté poétique quand on y pensait. Anton suivit du regard les deux tourtereaux avant de leur emboiter le pas et de parler à voix basse à Lexie, lui expliquer ce qu’il comptait faire :

« On va les suivre un peu, histoire de s’éloigner des endroits fréquentés. Ensuite on va opter pour une approche qui devrait te plaire. » Il décrocha un sourire à Lexie, c’était… amusant en fait, en un sens c’était comme un rendez-vous galant car personnellement, Anton ne se sentait pas au travail là, bien au contraire. « Ils te connaissent, si tu te sens de leur mentir un peu, tu iras les voir, à moitié paniqué, faudra inventer une excuse et tu réclameras leur aide et là. Je leur tomberai dessus, je prendrai Eli en compte et toi Keira. »

Il sorti une paire de menottes et la passa à Lexie : « ça devrait nous aider à s’assurer de leur coopération, tu as une arme avec toi ? » Même si le risque était minime, il n’était pas écarté, rien ne disait qu’Eli ne chercherait pas à se défendre avec violence. Anton hésitait quant à lui, devait-il se couvrir le visage ? Bah au pire, ce n’était comme s’il comptait torturer le jeune homme alors à quoi bon.

On se faufile jusqu'à un étal déjà bondé de monde. "Ils sont peut-être assez intelligents pour se faire piéger, dans c'cas." Car il faudra bien trouver un moyen de guider les rôdeurs vers le piège, on n'pourra pas compter que sur la chance. Le vendeur s'impatiente rapidement, il ya plein d'autres acheteurs potentiels. "Ok, on l'prend !" C'est toujours ça de pris. Mais ça nous coûte cher. Super cher ! Au delà des vivres, c'est même un bon paquet de munitions qui y passent. Ca fait chier. Du coup, on n'devrait pas trop traîner.

On regagne la porte du No Man's Land, et on n'est pas trop de deux pour porter le piège. Le machin est plus lourd que Keira elle-même, sûrement pas loin des cinquante kilos. "C'est clair, j'pensais pas autant !" Trente minutes à pieds avec ça, quelle galère ! J'retiens mal un petit soupir. Mais on n'a pas l'temps d'aller bien loin avant d'être abordés par une voix familière.

"Lexie ?" J'ai un bref sourire en reconnaissant la brune qui nous montrait son postérieur dans le foin il y a quelques semaines de ça. Les souvenirs de cette soirée me sont restés inaccessibles, enfouis à jamais dans un bug de l'esprit. Mais mon rictus retombe vite quand je devine quelques stigmates sur sa peau : sa lèvre fendue, son bras en sang, sa jupe déchirée. La panique dans sa voix et son regard humide.

"Qui ?" que j'essaie de lui demander quand elle parle de quelqu'un de coincé. Mais on n'a apparemment pas trop le temps de se poser de questions. Quelqu'un va mourir, elle a besoin de nous... je tourne les yeux vers Keira alors que Lexie commence à accourir plus loin. "On devrait l'aider." dis-je d'un air soucieux en baissant les yeux sur le piège à ours. On n'peut pas l'abandonner. Pas le temps de le planquer. Va falloir se le trimbaler, fait chier. "J'le prends." dis-je en passant le piège - fermé - sur mon épaule gauche. Ce truc est super encombrant, mais c'est toujours plus supportable comme ça qu'à bout de bras.

Je presse le pas pour suivre la barmaid à quelques rues de la sortie de l'entrepôt. "Elle est où ?" que je lui demande, moi-même atteint par le sentiment d'urgence contagieux. Pour le moment, aucune amie en danger en vue, alors je continue de la suivre, entraînant Keira avec moi.