L’homme posa une fois de plus son regard sur Rosaleen, chaque fois qu’il la regardait, il avait l’impression de devenir un peu bête. Il devait se rendre à l’évidence, il ne pouvait pas rester avec elle. Sinon, il finirait par devenir mal à l’aise. Ce n’était pas négatif, mais il le savait qu’il perdrait tous ses moyens qu’il passerait de sa couleur naturelle à un rouge pétant tout en étant incapable de parler correctement. Alors tant qu’il avait encore assez d’énergie en lui, il faudrait qu’il s’éclipse dignement, autant essayer de faire ce peut. Machinalement sans vraiment s’en rendre compte, il recommença à triturer sa pauvre cravate qui n’avait rien demandé.

Il jeta un coup d’œil autour de lui et repéra alors Thalia, elle semblait bien entourée, mais lui aussi était inquiet pour elle. Il pensait même avoir reconnu Emy de dos. Cela devait être tout particulièrement douloureux pour elle, vu qu’elle n’était arrivée que depuis peu de temps. Elle risquait de perdre définitivement, Kendale qu’elle avait retrouvée depuis moins d’un mois si c’est souvenir était exacte. Il avait trouvé quoi faire pour passer le temps et s’éclipsait de cette intimité qu’il avait avec la rousse. Il n’était pas encore prêt pour ça, il avait besoin de temps. Il discutait depuis un long moment avec elle, mais il repensait toujours un peu aux autres femmes qui avaient partagé sa vie. Souvent, ça s’était fait bien trop vite sans qu’il n’ait eu l’occasion d’y changer grand-chose. Aujourd’hui, il voulait que tout soit différent, qu’il puisse être sûr de lui.

Avant de partir, il préférait lui annoncer la couleur avant de disparaitre sans prévenir. Son regard s’attardait une petite seconde sur Maxine. Il n’avait pas eu l’occasion de beaucoup discuter avec elle, mais c’était peu le moment de le faire. « Je vais prendre des nouvelles de Thalia, son accouchement est prévu pour les jours qui suivent, mais avec le stress du moment, j’ai peur que le travail commence maintenant. » Le cycle de la vie comme on dit, des hommes vont mourir sur le champ de bataille, et un enfant va naître au milieu de ses terres désolées. Il invita tout de même la rousse à le suivre si elle le désirait. Il n’allait pas l’obliger de garder une distance de sécurité avec lui sous prétexte qu’il perdrait totalement ses moyens sinon. Avec les autres en plus le phénomène devrait être atténué.

Il avait de la peine pour ces trois femmes qui avaient laissé leurs hommes respectifs se battre pour eux. Il avait presque honte de venir se présenter devant elles. Lui qui était resté ici, parce que sa place n’était pas sur un champ de bataille. Alors qu’il arrivait à destination, il entendait des bribes de conversation au fur et à mesure qu’il s’approchait. Maxine semblait avoir l’habitude de voir son mari disparaitre, ce n’est pas vraiment étonnant s’il était vraiment militaire de métier. La question de la blonde était plutôt intelligente. Il se contenta donc d’y répondre pour s’introduire auprès de ce trio. « Quand les coups de feu s’arrêteront ou quand quelqu’un viendra nous annoncer que la bataille est terminée. » Il aurait pu dire quand les civils transmettront l’information avec la radio, mais l’antenne devait sauter grâce à la petite magouille de Wade, Eva et les autres.

La réunion des « peut-être futures veuves » trouvait un nouveau membre. Emerson venait de débarquer. En la voyant arriver, Maxine se décala légèrement pour pouvoir faire face à ses deux interlocutrices. Elles étaient toutes les trois dans le même panier. Celui de l'ignorance, de la peur insupportable, de l'attente. Et toutes les trois tentaient tant bien que mal de discuter, même si le sujet principal revenait à chaque fois. Puis Ian fit son apparition pour répondre à la question d'Emy. « Quand les tirs cesseront oui, je suppose oui... » Dit elle en écho de ce que répondait Ian. C'était une bonne question. Les accès étaient tous condamnés, il serait donc difficile de venir les prévenir lorsque tout cela serait terminé. « Ils savent que la porte principale et les autres accès ont été barricadés. » Et de toute façon, il ne serait pas difficile de faire la différence entre eux et les militaires.

D'un coup de menton, elle désigna Kaycee qui avançait un peu plus loin. « Comment ça se passe pour elle ? ». Maxine n'osait pas imaginer comme les enfants vivaient la chose. Mais Kaycee n'était plus une enfant désormais. Puis elle se tourna vers Ian. « Et avec ton fils ? ».

Rosaleen avait remarqué le malaise qui avait peu à peu prit Ian et elle se demanda un instant si elle n'avait pas dit quelque chose qu'il ne fallait pas ; mais elle décida finalement de ne pas en tenir rigueur. Il y avait tellement d'éléments qui perturbaient, et les tirs qui résonnaient jusqu'à leurs oreilles en était un fait principal. La jeune femme hocha la tête quand l'urgentiste lui annonça qu'il allait prendre des nouvelles de Thalia. Elle n'avait pas vraiment eut l'occasion de lui parler même si elle l'avait observée plusieurs fois du coin de l’œil ; elle s'inquiétait de l'état de la future mère, accoucher ici ce n'était pas une bonne option. Elle s'était plusieurs fois demandée pourquoi les militaires ne s'arrangeaient pas pour l'emmener dans un hôpital, mais au vu des récents événements elle avait compris qu'ils n'en avaient simplement rien à faire.

Regardant Ian s'éloigner, son sourire s'effaça peu à peu, comme reprenant conscience de la gravité de la situation. Alors qu'elle s'apprêtait à s'approcher également du petit groupe, zieutant Sally non loin, un gros bruit se fit entendre ; puis un encore plus gros. Les portes venaient de sauter, la seule chose qui les séparait de leurs ''ennemis'', et les militaires entraient dans le gymnase en faisant feu sans ménagement. Que faire ? Comment gérer tout ça ? Elle entendait les coups de feu encore plus distinctement. Sans vraiment réfléchir elle couru vers le groupe, comme pour alerter d'elle ne savait quoi, elle ne voulait simplement pas qu'il leur arrive quelque chose, il fallait qu'ils s'abritent. En courant vers eux elle eut juste le temps de voir la plus vieille femme du groupe tomber au sol, Madame Johnson, une balle bien logée dans le crâne. Plaquant ses mains sur sa bouche elle changea de trajectoire et se dirigea vers la vieille dame, tombant à genoux devant son corps.

« Non... C'est pas possible... »

Elle qui avait toujours vu le bien en chaque être ne pensait vraiment pas avoir un jour à faire face à de telles horreurs, comment pouvait-ils être aussi monstrueux ? Et tout cela gratuitement... Certes, c'était probablement les leurs qui avaient entamé l'échange de coups de feu, mais tout aurait pu être réglé par un autre moyen, elle ne cessait de s'en persuader. Posant sur ses genoux la tête de la femme avec qui elle avait discuté quelques fois, elle tenait fermement le pull de cette dernière et ne pu retenir ses larmes.

Le pire était arrivé, il n'y avait plus de retour en arrière possible, plus rien de leurs vies d'avant ne semblait encore possible.

Ils auraient du s'en douter. Malgré les tirs à l'extérieur, tout était bien trop calme dans le gymnase. Discuter de la pluie et du beau temps n'avait pas empêcher les militaires de venir les trouver et d'exploser la porte qu'ils avaient barricadé. Immédiatement, Maxine passa un bras par dessus les épaules de Thalia pour la pousser un peu plus loin alors que les tirs commençaient à pleuvoir sur eux. Jetant un regard derrière son épaule, elle vit les trois corps tomber au sol. Ils allaient faire un massacre. La plupart des personnes dans le gymnases n'étaient pas armés. Mais elle, elle l'était et il était venu le moment de s'en servir.

Après avoir emmené Thalia dans ce qui ressemblait le plus à une cachette, Maxine récupéra l'arme qu'elle avait coincé dans sa ceinture. « Reste ici ! » Hurla t'elle à la future mère pour qu'elle l'entende malgré le bruit des tirs et les cris. Il fallait agir, tout de suite. En quittant l'endroit où elle abandonnait Thalia, l'institutrice crapahuta jusqu'à un bureau, évitant à plusieurs reprises de se faire heurter par des personnes affolées. En une fraction de seconde, elle se remémora chaque conseil, chaque ordre que lui avait donné son beau père en lui apprenant à manier des armes de chasses. Celle qu'elle avait entre les mains était totalement différente et c'était bien ça qui lui faisait peur. « Ohputainputainputain. » Jura Maxine, les dents serrées. Elle devait se relever et viser.  Avant de se lancer bêtement à l'aveugle, Maxine sortit lentement la tête sur le côté. Suffisamment pour voir, Liam accourir dans sa direction mais aussi pour le voir chuter, le dos transpercé par les balles des militaires. Complètement paniquée, elle rebroussa chemin pour se cacher à nouveau derrière le bois du bureau. Sa respiration était totalement hors de contrôle, sa poitrine se soulevait tellement que s'en était douloureux.

L'arme fermement tenue entre ses mains, elle se redressa, pointant directement la zone où elle avait aperçu les deux militaires qui avait tiré dans le dos de Liam. Un coup, un deuxième. Et rien. Juste le sifflement des balles qui passaient tout près d'elle. « MERDE. » Ses mains tremblaient trop, elle était incapable de viser correctement. Elle devait se concentrer. Madison s'écroula à quelques mètres d'elle, d'une balle en pleine tête. Ils allaient les tuer, tous les tuer. Le gymnase allait devenir un véritable cimetière.

Avant de recommencer à tirer, elle chercha Anna du regard. Elle devait absolument la retrouver.

Thalia n'eut aucun mal à remarquer l'angoisse qui se peignit sur les traits de Maxine lorsqu'elle parla de Jaden. Le lot des femmes de militaires, cette angoisse de ne jamais voir revenir l'être aimé. Ce ne serait qu'une énième fois le cas pour elle, et la zoologiste compatissait. Elle avait un aperçu de ce que cela pouvait être, avec sa crainte actuelle pour Morgan. Elle n'avait jamais connu ça, lui qui avait auparavant un petit job tranquille à Seattle. C'était plutôt pour elle qu'il devait trembler lors de ses déplacements, au cas où un ours, un lion ou n'importe quoi aurait décidé de lui croquer un morceau... Avec empathie, la future mère prit la main de l'institutrice avant de lui adresser un petit sourire rassurant.

« Ca ira pour lui, j'en suis sûre.

Et comment qu'elle en était sûre ! Car de plus, si Jaden n'arrivait pas à s'en sortir, comment ces gens du commun qui s'étaient armés l'auraient pu ? Et Morgan ? Non, elle était certaine que tout ira bien pour celui qui s'était imposé comme figure de proue de la rébellion. La jeune femme répondit de bon cœur à la question sur leurs professions passées.

- Morgan ? Il était informaticien dans une entreprise de la ville. Ca marchait plutôt bien. Moi, j'étais zoologiste. Il me disait parfois que j'étais mariée à mon métier plutôt qu'à lui, tellement ça me prenait de temps. C'est aussi pour le travail que j'ai pris mes deux chiens-loups. Pour une étude sur le long terme. J'aimerais bien les avoir près de moi en ce moment... mais ils sont sans doute en sécurité dans le chenil.

Au moins, si les choses se gâtaient, Nakoma et Amarok seraient à l'abri dans leurs cages, et ne risquaient pas de gêner qui que ce soit ! C'était une bonne façon de se consoler. Emerson et Ian arrivèrent alors. En réponse à la remarque de la pédiatre, la future mère hocha la tête.

- Eh oui... C'est pour bientôt.

Mais alors qu'ils discutaient pour tromper l'attente, le pire se produisit. Une soudaine explosion fit trembler tout le bâtiment, faisant sursauter la zoologiste dont le cœur manqua un battement. De la fumée et une vague de froid pénétrèrent dans le gymnase en même temps que des militaires qui ouvrirent le feu en faisant immédiatement des morts.

- Merde ! »

Thalia se leva en espérant aller se mettre à l'abri des tirs, agrippant la main de Jessie alors que l'adrénaline lui envahissait les veines. Elle n'eut pas le temps de bouger grandement qu'une balle passa en sifflant près d'elle, lui laissant un sillon sanglant dans le bras droit, au niveau de l'épaule. L'écorchure n'était pas très profonde, mais elle se mit immédiatement à saigner abondamment. Vu son état, cela aurait pu être pire. Près d'elle, d'autres n'eurent pas cette chance. Trois personnes tombèrent, mortellement touchées, dans un rayon de dix mètres. Giacobbo, un homme dans la cinquantaine d'origine italienne qui possédait une pizzeria dans le centre-ville. Jonathan, un jeune étudiant en droit qui avait tenté de se mettre à l'abri. Et Kelly, une adolescente d'à peine douze ans, fauchée par une balle qui lui fit voler la mâchoire. La zoologiste fut tentée de rester sur place, sous le choc, mais Maxine l'attira immédiatement à couvert. Réfugiée là avec Jessie, elle ne put que regarder la brune s'éloigner, armée.