Charlie semble partager mon avis. On pourrait être bien. Je crois qu'on se fait beaucoup de soucis pour rien. Pour une fois que l'on tombe sur un tel endroit. Même si on avait rangé et embelli sa maison de vacances, ce n'était pas aussi génial qu'ici. Cette ferme, perdue au milieu des bois, c'est un peu comme un oasis en plein désert. On peut très bien s'y poser une semaine ou deux. Fêter nos retrouvailles avec Malou. J'en reviens pas qu'elle est partie s'endormir en haut. A moins que ce soit une espèce de technique pour se lever dès que Bobby l'a amené au lit et retourner le bâtiment à la recherche de quelque chose d'étrange. Ca paraît assez tordu mais ça ne m'étonnerait pas de Malou. Elle est intelligente et ne réfléchit parfois pas comme tout le monde. Mais je dois me faire un sacré film. Elle est tranquillement en train de roupiller. Ce qui est encore plus incroyable si on y réfléchit bien. Elle qui se méfie de tout et de tout le monde.

Charlie complimente ensuite la maison de notre vieil hôte. Il y a de quoi bien entendu. Alair répond alors à toutes nos attentes. Nos questionnements. Il tente de rassurer Charlie. Pas sûr que le dire lui fasse marquer des points. Mais passons. Il rappelle qu'il est britannique. Comme si nous l'avions oublié. Et puis vu l'accent, on se doute bien qu'il ne vient pas de Russie. Ahah. Je ne savais pas qu'il était dans leur culture d'être aussi gentleman et d'avoir autant de manières. Pas péjoratif le mot manière. C'est vrai qu'il semble être accueillant. Il semble vouloir nous aider. En nous hébergeant chez lui sans doute. Une façon de nous remercier. Une façon de briser sa solitude. Mon Dieu, si nous nous arrêtons ici tous les quatre, le vieil homme aura son lot d'histoires et de péripéties. Je me demande bien ce que ça fait de vivre avec autant de monde. Cela fait tellement longtemps. Enfin j'ai bien logé avec mes collègues le temps de quelques moi. Mais les personnes avec qui je suis aujourd'hui sont bien différents. Vraiment très différent. Dans le bon sens du terme. Je pense qu'on va bien pouvoir s'entendre. Sauf si l'entêtée fait encore ses manières. Là c'est « manière » dans le mauvais sens.

Alair marque un point ce coup-ci. Un fameux. S'ils étaient beaucoup et avec de mauvaises intentions, ils n'auraient pas laissé les monstres venir toquer à leur porte. Ils n'auraient pas laissé mourir la vache qui est source de lait. Et même si la -dîte Pâquerette était sur le point de mourir, cela m'étonnerait qu'il la jette en pâture comme cela. Elle aurait pu nourrir un groupe pour au moins une grosse semaine. Vous avez raison oui. C'est con mais je n'y avais pas pensé. Vous savez on a tous traversé beaucoup de choses. Vous aussi j'imagine. Je crois qu'il est normal qu'on se regarde tous un peu en chien de faïence. La discussion se poursuit. Je ressens parfaitement la solitude d'Alair. Je serais devenu fou personnellement. Surtout à rester ici. Si encore il voyageait, mais là non, il reste ici. Incroyable le mental de cet homme. Il en rajoute des caisses à tendre les mains pour se faire prisonnier. Et enfin il nous propose de rester chez lui. Il faut s'entraider oui. Et je ne vois maintenant pas pourquoi nous partirions. Si Alair n'a besoin que de discussion pour être heureux, il va être servi. Ahah. D'ailleurs Charlie rétorque immédiatement que ça ne la dérangera pas. Il va y en avoir des personnes pour découvrir ses histoires. Ahah. Bobby aussi a envie de rester. Sauf qu'il se rabaisse. Se considère pour un simplet et n'a pas envie de participer à la discussion. Pauvre homme. Il enchaîne les mots. Il a l'air d'être un homme bon. Travailleur au possible. Et il veut déjà mettre ses talents en pratique. C'est fou ce que les choses s'accélèrent. Malou dort à l'étage, Bobby va partir dehors pour bosser, Charlie semble accepter la proposition d'Alair. Bobby s'adresse une dernière fois à nous même. Il couvre nos arrières. Je lui adresse un signe de tête. Le remercie mentalement.

Tu as toi aussi ton mot à dire Bobby. Et ne te rabaisse pas de la sorte. Tu es autant capable de raisonner et réfléchir que nous. Nous avons le temps avant de nous mettre au travail. Je viendrais te donner un coup de main dehors. J'envoie un regard à Charlie. Lui sourit. Journée à rebondissement. Qui a commencé comme n'importe quelle journée. Avant que je ne commette l'irréparable. Avant qu'elle ne me pardonne. Sacrée journée oui. Enfin je regarde Alair. Et bien si tout le monde semble sur la même longueur d'onde ce sera  avec plaisir. Je vous remercie de la proposition. Je suis sûr que si chacun met la main à la patte, on pourra faire de cet endroit un petit coin de paradis. Ahah. Je serai vos bras avec plaisir Alair. J'étais bûcheron. Avant. Et je pense pouvoir me débrouiller dans les tâches manuelles si on me guide un peu. J'ai parfois tendance à être un peu brouillon. Je ne sais pas ce qu'en pensera Malou mais si elle est en train de dormir j'imagine mal la voir dire non. Elle râlera sans doute un peu mais dans le fond elle est gentille. Ahah. Je suis peut-être un peu – beaucoup – emballé. Et je ne le  cache pas vraiment.

Je ne le sais pas encore mais cette ferme, c'est le début d'une nouvelle vie. Marquée de haut et de bas. De nouvelles rencontres. De nouvelles pertes tragiques et douloureuses. Et quelque chose qui surplombe tout ça. Quelque chose qui me pousse à rester ici et à vivre pleinement ma vie. Mais ça, je le sais pas encore. Je ne m'en rendrais compte que dans quelques jours … La ferme d'Alair … Le presque paradis.