Aori était morte parce qu’ils n’avaient pas eu de quoi la soigner. Ce n’était peut-être pas la vérité, mais c’était sans doute ce qui avait intimement convaincu Selene, lors de leur discussion pour savoir si cette expédition en valait la peine. Ils n’avaient pour ainsi dire plus de carburant, ils risquaient d’être bloqués pendant l’hiver, mais quel est l’intérêt de pouvoir bouger si l’un d’eux tombait malade et qu’ils ne pouvaient pas l’aider ? Alors ils étaient là, armés contre le froid et contre les dangers qui les attendaient.

Dans son sac de camping : une lampe torche, une vieille carte de la région, une boussole basique qu’elle traînait depuis les premiers jours de l’épidémie et une petite bouteille d’eau. Le strict minimum, dans le cas où rien ne se passait comme prévu et qu’elle se retrouvait à pieds, séparée des autres. Quelques munitions aussi, juste de quoi recharger son glock17 s’il venait à être vide ; ils n’étaient toujours pas fournis en force de feu, difficile de faire mieux.

La désolation les attendait, l’hôpital projetant son ombre glacé sur les carcasses de tentes, d’ambulances accidentées, et même d’un hélicoptère malchanceux. Ils avaient à peine fait quelques pas hors du pick up d’Hernando que déjà, des rôdeurs les approchaient, leur peau putréfiée couverte de givre elle aussi. L’étudiante n’en comptait que 5 pour l’instant. C’était déjà pas mal, mais c’était jouable.

- On reste groupés, et pas d’armes à feu, commanda-t-elle à mi-voix en tirant son couteau de chasse de l’étui accroché à sa ceinture, on évite de s’approcher des tentes et des véhicules, on vérifiera après ensemble qu’ils sont cleans.

Tous les trois dos à dos, ils pouvaient couvrir un champ d‘action à 360°. Tant qu’aucun d’eux ne brisait le cercle, ils étaient certains de ne pas pouvoir être surpris par derrière. Le premier cadavre à arriver jusqu’à Selene était un adolescent, la capuche de son sweat encore rabattue sur son crâne. Il n’était pas bien grand, alors elle n’eut aucun mal à se tenir à distance d’une main sous la gorge, tandis que l’autre enfonçait sa longue lame dans son œil droit. Juste derrière lui, un mordeur un peu plus vif. La musicienne n’avait pas le temps d’armer un coup fatal, elle ne put que le repousser à la force de ses bras pour gagner un peu de temps.

Du temps qu’ils n’allaient pas devoir perdre : les rumeurs d’affrontements venaient d’attirer 3 autres rôdeurs. Deux qui sortirent d’une tente militaire, un qui s’extirpa de l’arrière d’une ambulance retournée…

William avait suivi son équipe pour la simple et bonne raison qu'il s'agissait d'un hôpital, même si, à vrai dire, il n'était pas réellement d'accord avec l'utilisation d'essence pour visiter un endroit aussi dangereux. Il ne connaissait pas cœur tous les hôpitaux de la région, mais il les avait presque tous visités au moins une fois. Il n'était pas rare que les ambulanciers de Seattle doivent déplacer des patients d'un hôpital à l'autre dépendant de leur état de santé ou des services requis. Pour faire bref, la présence de l'ambulancier était un atout non-négligeable, car il saurait quoi emporter et peut-être même où fouiller.

S'avançant discrètement en compagnie de Selene et Hernando, Will s'était équipé de son sac de voyage dans lequel il transportait quelques outils basiques, quelques tournevis, un marteau, une petite barre à clou et une lampe de poche. À sa ceinture, son Desert Eagle contenant un seul chargeur, et sa machette toujours tenue en main droite. Il regardait les carcasses d'ambulances dans un peu exaspéré. S'il y avait des choses intéressantes à fouiller, c'était bien les ambulances, s'il y en avait une sur pied, il faudrait repartir avec si possible. Les ambulances étaient équipées de pratiquement tout ce qui était nécessaire au cas d'urgence. Il ne leur manquerait que quelques instruments et médicaments tout genre.

Il écouta attentivement les directives de la musicienne et s’exécuta, se mettant dos aux deux autres. Lame en main, il attendait seulement l'approche d'un rôdeur pour l'éliminer. Il profita tout de même de l'élaboration du plan de match pour offrir sa vision à Selene.

- Si on trouve une ambulance en état de marche, il nous la faut. L'équipement à l'intérieur est précieux.

Alors qu'il établissait cette idée, la jeune femme était déjà aux prises avec un rôdeur. L'adolescent tomba vite, mais comme elle avait pris la première ligne, un autre s'était attaqué directement à elle. L'action se déroulant à sa droite, William profita de l'allonge de sa lampe pour l'enfoncer dans le crâne du macchabée, laissant donc la poussée de l'étudiante le faire s'écrouler vers l'arrière. Deux d'éliminer, il n'en reste que trois... Ou plutôt six, puisque trois autres venaient se joindre à la fête. Il restait encore un peu de distance entre eux et l'ambulancier restait aux aguets, dos collé contre ses équipiers.

Le groupe installé à la prison avait dû faire face à un choix compliqué ; Utiliser le peu de carburant qu'il leur restait dans l'optique de se rendre à l'hôpital pour tenter de récupérer un minimum de produits et de médicaments, dont ils auraient très probablement besoin un jour ou l'autre, ou bien garder ce liquide si précieux et s'en servir pour une autre sortie. Il ne fut pas si aisé que cela de prendre une décision, mais ils ont opté pour la première solution en se disant qu'ils auraient de quoi tenir du côté alimentaire. En revanche, en cas d’ennui de santé ou de blessure, il leur fallait des ressources, ce qu’ils n’avaient pas à l’heure actuelle.

Hernando voyageait léger, son sac ne contenant qu’une bouteille d’eau et son portefeuille, dans l’espoir de le remplir au maximum grâce à cette expédition. A sa ceinture, il portait un couteau et son Glock, un chargeur avait trouvé refuge dans la poche intérieure droite de sa veste, et son inséparable batte de base-ball qu’il tenait fermement en main. Car la priorité au niveau de l’armement était de ne pas se servir dans l’immédiat des armes à feu, bien trop bruyante et non-discrète. Sans oublier le fait que les munitions étaient précieuses vu que le groupe n’avait pas un stock illimité.

Les instructions communiquées par Selene étaient parfaitement logiques, le latino ne s’imaginait pas se retrouver séparé d’elle et William, il aurait été idiot de diviser leurs forces dans un environnement comme celui-ci. Le barbu se trouvait bien plus dans son élément que les autres et pour le coup, Hernando n’avait rien à redire non plus sur ses indications, mais rapidement, le calme ambiant laissa place aux râles des apestosos.

Les deux premiers furent éliminés sans difficultés, mais le comité d’accueil s’agrandit avec l’apparition de trois autres créatures, mais ce nombre fut rapidement doublé. Les amis se trouvaient dos-à-dos pour avoir un champ de vision complet afin de ne pas se faire surprendre. Le seul point positif était que les rôdeurs ne se trouvaient pas collés les uns aux autres, et Hernando profita de l’allonge de sa batte pour frapper le premier à sa portée d’un violent coup en pleine tête qui fit tomber sur le côté la créature.

Selene remercia William d’un signe de tête, notant mentalement ses conseils, mais l’arrivée des autres rôdeurs avaient retenu toute son attention. Bien entendu, ça aurait été trop facile. Hernando eut beau en allonger un d’un coup de batte, il en restait encore beaucoup. Cinq. Le suivant qui arriva à sa portée, la musicienne planta sans hésiter son couteau dans la chair fragile sous sa gorge. La lame enfoncée jusqu’à la garde était orientée de façon à atteindre le cerveau, et la charogne s’effondra mollement à ses pieds.

- Reculez, reculez, demanda-t-elle alors qu’un duo de décharnés au crâne dégarni avançaient avec excitation, William, avec moi !

Les deux cadavres étaient trop proches pour qu’elle parvienne, seule, à les neutraliser sans risque. Faisant entièrement confiance à son aînée pour la suivre dans son mouvement, la pianiste se prépara à arrêter la progression de l’un des morts. Il avait les bras plus long qu’elle, alors forcément, elle eut beau tendre le sien pour essayer de le tenir à distance, ses mains putréfiées s’agrippèrent sauvagement à son blouson en faux cuir. Aussi, il avait bien plus de force qu’elle l’avait imaginé. Selene rétablit ses appuis de justesse pour ne pas basculer en arrière et tous les muscles de son corps se tendirent pour résister à la pression.

Il était trop difficile de retenir le mordeur, le coude du bras qui le tenait en respect pliait petit à petit. Usant finalement de son poids contre lui, elle laissa sa mâchoire avide se rapprocher jusqu’à ce qu’elle puisse, malgré la douleur causée par les doigts qui lui serraient l’épaule, planter sa lame dans sa tempe. Tous les membres de l’étudiante soupirèrent de soulagement quand son assaillant tomba à son tour, mais pas le temps de se reposer : ce n’était pas encore terminé.

L'ambulancier eut un hochement de tête alors que la musicienne lui demandait un coup de main sur le prochain duo. Alors qu'elle s'occupait de l'un d'eux, il profita de l'attention de l'autre pour l'attraper par l'épaule et le jeté au sol de toutes ses forces. Le macchabée fut pris par surprise et s'effondra sur le dos, mais dans une dernier espoir de croquer un bout de chair agrippa de toutes ses forces au bras de son assaillant. William fut surpris par cette réponse et passa à deux doigts d'être entrainé vers le sol avec lui. Pliant vers l'avant et profita de la position rapprochée pour enfoncer sa lame dans la bouche du mort puis l'alignera pour atteindre le cerveau par l'intérieur.

Tout en se redressant, il posa son pied sur le cadavre pour en sortir son couteau qui semblait s'être coincé entre deux os de la mâchoire. Du coin de l’œil, il en aperçu un autre qui semblait avoir compris que l'ainé était dans une position de faiblesse. Will eut d'ailleurs à peine le temps de le frapper du revers du bras pour le déstabiliser.

- Hernando un coup de main ! l'ambulancier prononçait ses mots en gardant son attention sur le mordeur qui n'avait pas aucunement apprécié le coup. Il cherchait déjà à revenir en direction de son futur dîner. Il restait préparé à lui donner un coup de pied si requis, tout en cherchant à tirer son couteau du cadavre au sol. Même s'il y arrivait, il n'aurait surement pas la meilleure position pour l'éliminer.

Allaient-ils subir l'arrivée constante d'apestosos ou finiraient-ils par s'extirper rapidement de cette situation ? C'était le questionnement qui arrivé à l'esprit du latino, mais cette montée d'adrénaline qu'il ressentait dans tout son corps l'aidait à rester concentrer et calme alors que le danger était présent. Ce genre de choses restaient malgré tout plutôt plaisantes pour lui, sans pour autant se montrer suicidaire en voulant se faire surprendre ou mordre, il ne pouvait s'empêcher d'apprécier d'une certaine manière cette situation.

Le groupe avait connu le danger, mais là, Hernando retrouvait des sensations presque oubliées. Celles d'avant où il était seulement avec Mike et il aimait ça. « Yep, j’arrive ! » répondit-il à l’ambulancier tout en armant son coup. Pivotant légèrement afin de faire face à la créature que William avait repoussée, l’hispanique orienta sa batte vers le sol en gardant ses deux mains sur le manche avant de la soulever violemment jusqu’à décrocher la mâchoire de cette chose qui se stoppa nette et s’effondra ensuite.

A peine le temps d’abaisser les bras que Hernando entendit un râle provenir dans son dos. Dans un mouvement de réflexe, il frappa en se retournant pour prendre sa position initiale et rata sa cible. La distance était bonne, mais il aurait fallu viser des dizaines de centimètres plus bas pour l’atteindre étant donné qu’il s’agissait avant d’un enfant, pas plus grand qu’Arun. Le tatoué se figea un court instant avant de donner un coup de pied pour le faire reculer. C’était la première fois qu’il se retrouvait face à un rôdeur de ce type, mais peu importait qui il pouvait être avant, il était désormais comme les autres, mais Hernando n’arrivait pas à chasser de son esprit cet avant, pourtant, il le fallait. Secouant la tête pour en faire abstraction, il donna un coup dans la boîte crânienne de l’ancien gosse non sans sentir un pincement au cœur.