Le cavalier à son côté vacillait, tremblait sous l’effort, la nervosité, le stress provoqué par sa blessure et la situation dangereuse dans laquelle ils se trouvaient. C’était normal, Lisandro était un peu inquiet pour lui, sa blessure était sérieuse. S’il tenait le coup pour le moment, rien n’était sûr que cela dure encore longtemps. Il fallait qu’il s’économise. « Prends l’temps, Isaac. Pour le moment, on n’risque rien. » Lui souffla-t-il pour l’apaiser un peu. Il pouvait se permettre d’être un peu lent, la cellule les protégeait des attaques directes, et pour son aîné à côté, c’était la meilleure protection, et le meilleur moyen d’abattre les morts sans trop se précipiter.

Lisandro s’élança à nouveau alors qu’un mort se coinçait la tête entre deux barreaux. Il s’élança et frappa. Le cadavre resta coincé quelques instants avant que ses camarades ne disloquent la tête du corps à force de se jeter contre les barreaux de la cellule. La scène était horrifiante, tous ces êtres avaient été humains. Pourtant, dans l’œil du croquemort, pas d’empathie, pas de peur, ni de pitié. Pas de respect non plus. Détaché de ce qu’ils avaient été, le chilien les regardait d’un œil vide, pour mieux supporter le traumatisme. Il allait s’élancer sur un deuxième mort quand il entendit, comme Isaac, la voix d’Andrea porter. Son cœur eut un raté et il se figea. Il n’avait pas tout compris. Mais elle avait des problèmes, elle ne leur ouvrirait pas. « ANDREA ! » Hurla-t-il à son tour. La colère et l’inquiétude fit briller son regard ; elle devait s’en sortir. Alors le chilien s’arma à nouveau et s’élança sur le prochain cadavre. Mais les morts tombèrent un à un sans qu’il n’intervienne.

Lisandro se figea. Andrea ? C’était trop beau, trop facile. Pas normal. Une silhouette émerge, chapeau reconnaissable entre mille ; le Shérif. La colère dans les veines, le chilien se fige néanmoins à la remarque à propos d’Andrea. Non, ça ne pouvait pas recommencer. Après Alma … Le chilien fit un pas en arrière, puis lâcha son arme à ses pieds. Isaac n’avait pas encore lâché son arme. « Et comment sait-on qu’elle est toujours en vie ? » Cracha-t-il au Shérif. Il ne savait pas encore pour sa fille, dans la cellule d’à côté. Cet enflure aurait dû avoir le cran de le faire lui-même, plutôt que de prolonger les souffrances d’une gosse qui n’était plus depuis longtemps. « Cobarde.* » Fit-il à son intention. Il ne demandait pas à Isaac de baisser son arme, s’il avait une occasion, qu’il tire. Mais qu’il soit sûr de réussir son coup.

Spoiler:

Isaac n’avait rien tenté, ce n’était peut-être pas plus mal. Le Shérif n’aurait pas hésité à riposter et l’état d’Isaac était déjà bien assez grave pour ne pas en rajouter. A sa question, l’homme eut un rire, à vous glacer les os tant la folie suintait de sa voix. Parce qu'elle préfère les corps vivants, je suppose que la chair a meilleur goût. Ce fut plus fort que lui, Lisandro le regarda avec effarement. Sérieusement ?! L’homme n’avait pas survécu à la première mort de son enfant, son esprit avait décidé de s’accommoder de la nouvelle façon de vivre de sa fille, plutôt que de réaliser les horreurs que cela lui faisait faire. Puis le Shérif réalisa le pire ; sa fille était morte. La colère du chilien diminua quelque peu en voyant la détresse de l’homme en face de lui, lui rappelant son ancienne vie, quand les membres de la famille refusaient d’accepter que la personne dans le cercueil était cet être cher qui leur manquerait à tout jamais. Le Shérif braqua son arme sur lui, avant de braquer Isaac. Le chilien fit un pas en avant. « C’est moi ! » Fit-il avec aplomb. L’arme se braqua immédiatement sur lui.

Les mains de Lisandro bien en évidence, il braqua son regard dans celui du Shérif, toute son attention était pour lui – Isaac, s’il fallait tenter quelque chose, c’est maintenant. « Je lui ai donné la paix qu’elle méritait. » L’homme était ravagé, c’était certain, quant à savoir s’il l’écouterait. S’il l’entendrait, même. Il pouvait tout aussi bien le prendre pour cible et l’achever. « J’ai vu ce qu’il lui est arrivé » Dit-il d’une voix prudente. « Elle n’était plus là, Shérif. Je ne pouvais pas la laisser prisonnière d’un corps qui ne lui appartenait plus. Elle est en paix, à présent. » Il fallait respecter les morts, ne pas les laisser se faire dévorer par cette infamie qui les ramenait à une fausse-vie, une fausse-mort. Il avait des reproches à faire au père de famille, mais il se mordit la langue. S’il l’écoutait, peut-être que s’abstenir était la meilleure des solutions.

Brusquement, plusieurs coups de feu s’étaient élevés à l’intérieur du bâtiment. Les corps putrides s’étaient alors écroulés, tous, sans exception. Et si Isaac avait d’abord pensé qu’il puisse s’agir d’Andrea, ce fut une voix masculine qui se fit entendre. On a votre copine… Isaac se figea. Comment allaient-ils se sortir de ce pétrin ? Essayant de garder son calme, le cavalier laissa Lisandro entamer les discussions. Et à la question du chilien, le shérif lui rétorqua qu’elle préférait les corps vivants. A cette annonce, le cœur du vieux Greene se serra. Quel père aurait laissé sa propre fille dans cet état ? Pas lui en tout cas. Il avait fait ce qu’il fallait pour Nora, jamais il n’aurait pu la garder enfermée ainsi, pour la nourrir… C’était horrible, beaucoup trop horrible…

L’homme se tourna alors vers la première cellule, appelant sa fille. Puis il se rendit compte qu’elle n’était plus en « vie ». Se retournant vers le duo, Isaac put remarquer de la colère dans son regard, alors qu’il braquait Lisandro avec son arme, jusqu’à la faire aller sur le cavalier. Le doc’ prit alors la parole, se portant coupable de la mort de la fillette. Il s’avança même, pour continuer à parler.

Les doigts de l’éleveur se refermèrent alors un peu plus sur son arme. Et alors que Lisandro continuait de parler, une seconde voix s’éleva dans la première partie du bâtiment, demandant ce qu’il devait faire d’Andrea. Le shérif lui répondit de la mettre dans la chambre, sans quitter le chilien des yeux. Ils devaient faire quelque chose pour sortir Andrea de là. Ils ne pouvaient pas rester là, à rien faire. Prenant une grande inspiration, Isaac profita de la suite de la discussion pour relever son arme. Cet homme le dégoûtait. Isaac n’était pas quelqu’un de mauvais, les quelques personnes qu’il avait dû tuer, cela avait toujours été pour se protéger. C’était le cas aujourd’hui, encore. Mais là, il ressentait une haine profonde pour ce type. C’était un cinglé, il fallait faire quelque chose. Isaac pressa alors la détente, et tira en direction du shérif. Malheureusement, son bras tremblant avait du faire dévier son tir, la balle ne fit que l’effleurer.