Elle flottait dans les ténèbres. Parfois, les ombres cotonneuses étaient fendues par des éclats de lumières, des fragments de son, des images confuses. Selene avait à peine conscience qu’on la déplaçait, son cerveau était incapable d’assimiler les informations. Quand enfin sa matière grise trouva matière à relancer la machine, elle se trouvait sanglée sur un lit de camp, dans une pièce inconnue. Se débattre ne servit à rien, les liens étaient solides.

Ses membres lui donnaient l’impression de peser trois tonnes, son bras gauche était douloureux, sa tête semblait avoir au moins triplé de volume. La pianiste sentait le sang qui pulsait à ses tempes, la foudroyant à chaque battement. En regardant autour d’elle, elle ne voyait rien. En tout cas, sa vision était encore trop floue et son esprit trop brumeux pour qu’elle puisse analyser mieux l’environnement.

Quelqu’un approcha. Un homme, défiguré. Il lui sortait l’introduction classique des sales types qui s’apprêtaient à mener un interrogatoire « musclé ». Il comptait lui faire mal de toute façon, pas vrai ? Sinon, il n’aurait pas eu besoin de l’attacher ici, ni même d’emboutir leur voiture d’ailleurs. Les yeux glaciers de Selene le fixèrent, tandis qu’il attendait de la voir coopérer. Elle ne lui fera pas ce plaisir.

- Vas te faire foutre.

Spoiler:

Selene essaya péniblement d’échapper au contact des doigts de son geôlier, mais la poigne qui lui saisit la mâchoire était si ferme qu’elle en poussa un grognement. S’agiter ne changeait rien, elle était trop solidement attachée. Dans son esprit, les pensées fusaient à toute vitesse, la peur tenue en laisse par une forme de rage glacée.

Il y avait des tas de choses qu’elle voulait lui cracher à la figure, à commencer par une floppée d’insultes. La musicienne s’agita encore quand le doigt se posa sur son nez, les entrailles soudainement plongées dans de l’acide. Elle ne pouvait pas laisser faire ça ! Si elle avait pu, elle aurait retenu cet enfoiré en plantant ses dents dans son gros doigt sale, mais elle était trop bien attachée. Au lieu de ça alors, elle profita du fait d’avoir retrouvé la mobilité de sa mâchoire pour lui dire :

- Tu vas perdre ton temps… elles sont toutes… plus fortes que moi…, c’était la douleur et cette insupportable sensation de tournis qui l’empêchait de parler correctement, tu veux parler à quelqu’un, parle avec moi…, une énième fois, plus par habitude, elle tenta de défaire ses liens, c’est moi leur cheffe… je sais pas qui t’es, mais c’est moi que tu veux…

Spoiler:

- Vas te faire foutre, répéta la musicienne suite au nouveau Laïus.

Ouais, qu’elle « parle », mais de quoi ? Il ne lui avait pas dit qui il était, ni d’où il venait ce con. Il s’attendait à quoi ? Plus elle s’agitait, plus elle se faisait mal. Pourtant, elle se promit intérieurement de se tirer d’ici et de lui enfoncer quelque chose de pointu dans la gorge. N’importe quoi.

L’inconnu la toucha encore une fois, elle tenta – en vain – de le mordre, avant de se retrouver seule avec une petite rouquine docile. Elle n’avait pas l’air bien farouche et se mit à l’ouvrage qui lui était demandé sans rechigner. Sans faire de déduction hâtive, la pianiste analysa tout de même qu’elle n’avait pas affaire à n’importe qui. Ils avaient pu leur tendre un piège, les embarquer, et la voilà sangler dans un lit avec un type hyper sûr de lui et une infirmière en larbin… c’était clairement pas du petit banditisme.

- Qu’est-ce que vous voulez ? Vous êtes qui ? Demanda brusquement Selene.

Ses prunelles bleues d’un froid intense fixaient la jeune femme. Elle étudiait son visage, ses mimiques. En tout cas, elle n’avait pas l’air aussi vindicative que l’autre brute.

- Ton boss veut que je parle, mais je peux pas parler si je sais pas à qui je m’adresse et pourquoi, argumenta-t-elle en espérant faire la soignante desserrer les lèvres.

Spoiler: