Non. Non. Non. Selene serra les dents : il n’y avait pas de quoiqu’il se passe pour elle. Pas au prix de Nima. Elle n’eut pas le temps d’émettre ses hypothèses, ni même de protester, car leur geôlier revint. Oliver donc. Rescapé de George venu pour se venger. C’était donc personnel… la lakota avait raison : il comptait probablement les faire souffrir de toute façon. Mais ça ne changerait rien pour elle. Rien du tout…

- Salut Oliver, la musicienne avait appuyé sur son prénom pour montrer que désormais, elle avait un nom à mettre sur sa face mutilée, t’es venu pour rassurer ta virilité après la branlée que t’as pris à George ?

Elle espérait l’énerver, le pousser à la faute – mais surtout à se détourner de la lakota. Ça ne fonctionna pas. Les premiers coups plurent, projetant chaque fois la tête de la trentenaire. Impuissante, Selene ne pouvait qu’assister à la scène, ponctuée par le des impacts. Lourds, violents. Et les premières questions, la jeune femme les ignora pour lui crier dessus :

- T’es qu’un putain de lâche Oliver ! Tu veux jouer au caïd ? Alors vas-y, détache moi ! Détache-moi et viens me frapper !

Mais ça ne s’arrêta pas. Au bout d’un moment, la pianiste se demanda s’il attendait vraiment des réponses ou s’il prenait juste un malin plaisir à faire souffrir Nima. Folle de rage, elle s’était débattue contre les liens, en vain, jusqu’à raviver la douleur de son bras cassé. Les ongles plantés dans ses paumes, les dents qui rongeaient ses lèvres et sa langue. Le goût du sang dans la bouche, elle vociférait de plus belle :

- ESPECE DE SALE ENFOIRÉ ! JE VAIS TE TUER, TU M’ENTENDS !

Et ça vrillait, dans son crâne. Toute une stabilité qui vola en éclat. De la colère, de la rancœur, de la peur, tout ça se mélangeait furieusement. Et qui les avait trahi ? Et comment se sortir de là ? Et est-ce que Betsy allait faire épargner Juliet ? Et comment les sortir toutes de là ? Et comment rendre la monnaie de sa pièce à ce salopard ? Une cortège de murmures, silencieux depuis longtemps, s’invita de nouveau dans l’enceinte de sa boîte crânienne.

Regarde-toi.

Où tu en es aujourd’hui ?

Pitoyable.

Inutile.

Mais tu connais les responsables.

Tu sais qui ça peut être, pas vrai ?

Qu’est-ce que tu vas faire ?

Elles vont mourir.

Nima. Juliet. Raina.

Corray aussi.

Sauf si tu parles ?

Ou pas.

A toi de choisir…

… le prix que tu veux payer.

Combien de temps était passé depuis la fin de la séance de torture ? Selene n’en savait rien. Elle ne savait plus. Ses mains étaient douloureuses, ses lèvres rougies aussi. Et ce goût ferreux qui l’entêtait…

- Nima..., souffla-t-elle à son amie qui émergeait péniblement, je… je vais… faire arrêter ça...

Spoiler:

Elle ne s'était pas trompée. Sitôt qu'Oliver était revenu dans la pièce, il ne lui avait pas laissé le temps d'en placer une. Un premier coup lui avait fait tourner la tête, avant que d'autres ne pleuvent. Lui faisant arracher quelques gémissements de douleur contenu entre ses dents serrées en sentant sa peau s'ouvrir sous le choc de ses phalanges. Hurlant quand elle le pouvait quelques insultes Lakota en réponse à ses questions, s'interdisant de regarder Selene pour ne pas prendre le risque qu'elle ne lise la douleur sur son visage.

Et puis, il y avait eu le dernier coup. L'ultime, que son corps n'avait pas supporté. L'envoyant d'office dans les songes. L'obscurité s'était emparé de ses sens, la faisant dormir d'un sommeil si profond qu'il ne pouvait pas être signe de bonne santé. Ce fût la douleur qui la tira de ses rêveries. Sonnée, mais encore alerte tant les coups portés par le blond ravivait la douleur de chacun de ses membres. Gémissant alors qu'elle revenait à elle, jusqu'à enfin croiser le regard de Selene, et cette phrase annonciatrice d'un danger proche.

Lui faire arrêter ça.

Non. Puisant dans l'énergie qu'il lui restait pour faire entendre son refus, net et précis. Réussissant à garder les yeux ouverts pour fixer la brune, tentant de se redresser péniblement. Ecoutes moi. Je t'en supplierai, s'il le faut. Ne dis rien. Tu es plus forte que ça, il ne peut pas te briser !

Et elle, dans tout ça ? Qu'importait. Déglutissant péniblement avant de reprendre. C'est ce qu'il veut. Que tu craques. Mais tu es plus forte que ça Selene. Ne cède pas. Ne cède pas...

- Je suis… désolée…, avait-elle soufflé à son amie.

La porte s’était alors rouverte sur leur bourreau. La musicienne était épuisée, moralement comme physiquement. Elle n’avait pas dormi une heure, son visage blafard était cerné, ses lèvres meurtries étaient rouges de son sang. Elle voulut crier sur Oliver en voyant Nima se faire emporter mais au moins, si elle n’était plus ici, elle ne souffrirait plus. Ses yeux bleus, troublés désormais, se posèrent sur le connard de New Eden. Un inconnu cette fois. Ses questions devenaient une ritournelle qui se mêlait à ses murmures.

- Ok…, murmura-t-elle, sincèrement fatiguée, je sais… je peux te dire… où trouver Connor…

C’était sa cible prioritaire, n’est-ce pas ? Une question d’ego. Ça ne pourrait que le captiver. Non sans grimacer, Selene s’humecta les lèvres et articula faiblement – trop faiblement. On pourrait presque croire qu’elle ne produisait aucun son.

- Tu le trouveras…

C’était évidement pas assez fort. Si le larbin voulait comprendre, il allait devoir approcher son oreille…

Spoiler:

Alors qu’elle envisage de libérer sa seconde main, une porte s’ouvrir, suivie d’un bruit étouffé et de grognements douloureux. Malgré le brouillard qui commence à l’envelopper, Juliet se rend compte que cela vient de la cellule de Nihima et, laborieusement, elle se redresse pour se rapprocher du conduit. Mais elle n’a pas le temps d’ouvrir la bouche, que la porte de sa propre cellule s’ouvre, dévoilant un homme qu’elle ne reconnaît pas.

Les coups pleuvent avant même qu’elle le voit bouger. Ses yeux et son cerveau sont déjà déconnectés, dissocier, et son encéphale ne traitent pas assez rapidement les informations qu’il reçoit. Elle va perdre connaissance, mais quand ? Et surtout, que va-t-il lui arriver ? Malgré cette certitude, elle refuse d’abandonner sans se défendre. Elle est pourtant déjà faible et ne parvient qu’à mordre l’inconnu, jetant un peu plus d’huile sur le feu de sa colère.

Désorientée, son corps comme une vaste plaie ouverte, Juliet se laisse traînée à travers les couloirs. Lorsqu’une porte s’ouvre devant eux, ses yeux papillonnent à la recherche d’un repère connu. Son regard s’arrête en apercevant le visage de Selene, blafard.

- Selene, parvient-t-elle à articuler faiblement.

Dans une brume déjà presque imperméable, elle entend la voix. Celle qu’elle a entendue dans le couloir, annoncer vouloir offrir Raina à un certain Adonaï. Celle qui, malgré tout, restera gravée dans sa mémoire.

Elle sent une main sur sa joue, et est envahie par un sentiment diffus, cotonneux, de dégoût viscéral. Son esprit peine à assembler des images, faites de récits sordides entendus au fil des années, mais ne peut mettre un mot sur ce qu’elle s’apprête à subir. S’y refuse.

Et finalement, après avoir lutté du mieux qu’elle a pu, elle laisse la drogue l’emporter.

Noir total.

Spoiler:

Ça n’avait pas marché. Pire encore, l’enfoiré balafré était revenu… avec Juliet. Blessée, en larmes, étrangement sonnée.

- NON !

La pianiste se remit à se débattre contre ses liens avec une férocité animal. Son corps n’était plus qu’une boule de nerf douloureuse, mais elle n’en avait cure. Juliet était ici. Sa Juliet. Et Betsy, n’était-elle pas censée l’aider ? Ce n’était pas possible.

Pourtant…

… elle est là.

A cause de toi.

Toujours.

Encore.

Combien de personne…

… vont encore souffrir…

…à cause de toi ?

- La touche pas ! Je vais TE TUER ! LÂCHE-LA !!! cracha-t-elle sur « Chris » qui portait ses mains à sa ceinture, elle a RIEN FAIT ! Elle était pas à George ! C’est une histoire de vengeance, hein ? ALORS VENGE TOI SUR MOI !!!

C’était pire que tout. La musicienne préfèrerait mille fois être à leur place. Elle n’arriverait pas à tolérer de voir son amie subir… ça. C’était trop. De rage, de peur, Selene se mit à pleurer elle aussi. Car elle voyait bien que leur nouveau bourreau ne s’arrêtait pas et que sa victime ne pouvait pas se défendre. Pourquoi ? Pourquoi ça lui arrivait à elle ? Chaque fois qu’elle tenait à quelqu’un… elle s’arrangeait pour le faire souffrir.

C’est de ta faute.

Ta faute.

Y a-t-il une personne…

… que tu n’as pas détruit ?

Abigail.

Eli.

Gabriel.

Ashley.

Tous ont perdu pied à cause de toi.

De moi.

De nous toutes.

Et au nuage de voix s’ajouta un rire glacé. Sa propre conscience morcelée qui moquait son existence. Il y avait ce monstre dans ses entrailles, nourri à la culpabilité… et il la dévorait toute entière, avec une terrible boulimie.

- S’il vous plait…, gémit-elle d’une voix implorante, ne lui faites pas ça…, les perles glissaient sur ses joues blanches de peur, je vais tout dire… mais ne la touchez pas… s’il vous plait ! C’était son cœur qui hurlait. Son cœur en feu.

Spoiler: