Elle voudrait être morte. Pour ne plus entendre les grognements de Chris qui profanait la femme qu’elle aimait. Pour ne plus entendre les grincements de la table à chaque coup de reins. Pour ne plus sentir son cœur exploser à chaque battement. Selene s’était mordue si fort que le sang de ses lèvres coulaient se mêler à ses joues, elle avait pleuré si longtemps que ses yeux rouges étaient douloureux. Elle voudrait être morte. Pour ne pas se sentir responsable du viol de Juliet. Pour ne pas être responsable de ce qu’elle s’apprêtait à faire.

- Tu es pathétique.

Ce n’était plus un murmure, c’était une voix. Sa voix. En tournant les yeux sur le corps inerte et humilié de la blonde, la musicienne se vit. Son autre elle, ressuscitée parmi ses visions psychotiques. Elle s’était accroupie auprès de la victime et la toisait d’une indifférence froide.

- Je t’ai toujours dit que ne pas faire les choses jusqu’au bout conduisait là : des échecs, encore des échecs…
- S’il vous plait…, implora la musicienne, à bout de force.

Ça ne changerait rien maintenant. Le mal était fait. Par sa faute. Par celle de ceux qui avaient vendu Nisqually. Car il y avait eu un bavard, pas vrai ? Jamais on aurait pu remonter jusqu’eux sinon. Jamais. Il fallait qu’elle raconte quelque chose – n’importe quoi. Pour que ça cesse, pour que le supplice de Juliet s’arrête, même si le sien devait continuer.

- Elle n’a rien fait…, répéta-t-elle comme si ça allait finir par rentrer, elle n’était pas à George, elle ne savait pas… laisse là partir, s’il te plait, elle suppliait, elle n’arrivait tout juste plus à être forte. Elle était terrorisée à l’idée que ça recommence… qu'on souille sa protégée plus encore, on est… Seattle, une distillerie… la base est là-bas…, elle pinça ses lèvres enflées ; Selene ne pouvait pas se résoudre à donner Nisqually, ni Connor, mais… elle pouvait choisir qui sacrifier…, Connor est là-bas…

De toute façon, c’était peut-être eux qui les avaient vendus. Probablement. Il avait suffi de les observer, de les écouter, d’entendre leurs regrets de ne pas avoir liquidé tout le monde. La pianiste ferma les paupières. Elle ne pouvait que perdre à ce jeu. Mais si elle pouvait gagner ne serait-ce que deux heures… peut-être… elle ne savait pas.

- Laisse la, s’il te plait… prends-moi, mais laisse la

Spoiler:

- Il n’y a qu’une distillerie à Seattle ! Protesta-t-elle avec fureur et terreur, c’est… dans le quartier industriel ! C’est… c’est de là qu’on a organisé l’attaque de George, je jure ! Implora-t-elle, ses larmes ayant recommencé de couler à l’idée que Juliet souffre encore, il y a… Valérian, celui qui a tout prévu… c’est Valérian ! Et il y a… Valérian, Connor, Kaz, Salem, Isha…

Les noms sortaient dans le désordre. Ceux dont elle parvenait à se souvenir dans une telle situation, c’est-à-dire peu. Car la folie cognait à la porte de son encéphale pétrifié. La jeune femme voulait être forte. Elle aurait pu se laisser frapper pendant des heures, il aurait pu la violer elle. Ça n’aurait été rien qu’elle n’avait jamais vécu, rien qu’elle n’aurait su supporter. Mais voir Juliet se fait abuser de la sorte, ça avait brisé quelque chose. Et ce n’était qu’en plantant de nouveau ses ongles dans ses paumes écorchées qu’elle parvenait à garder les idées claires. Assez pour garder un fil conducteur dans son mensonge, assez pour tenter de sauver Juliet ET Nisqually.

- J’ai pas de groupe… je suis solitaire ! Je fais juste des navettes pour le troc à leur service, il fallait qu'elle tente ça, je… je sais pas d’où viennent exactement les autres, j’ai toujours rendez-vous à un avant-poste…

Selene marqua une pause. Elle était essoufflée comme après un marathon. Son regard allait d’Oliver à Juliet. Son double avait disparu, mais il ricanait dans son crâne.

- Je t’en supplie, souffla-t-elle avec douleur, ne lui fais plus ça, elle n’a rien à voir là-dedans… garde moi autant que tu veux, fais-moi ce que tu veux… mais laisse la partir…, elle était folle. Folle de souffrance, la poitrine transpercée de part en part. Tant que sa petite-amie serait là, elle n’arriverait plus à se reprendre…

Spoiler:

- JE MENS PAS !! S’écria Selene, la peur au ventre, je jure que je mens pas !

Si, elle mentait, mais il ne pouvait pas vraiment le savoir, pas vrai ? Sauf s’il avait déjà toutes les informations qu’il lui demandait et dans ce cas, cette mascarade n’avait que pour but de lui permettre de se défouler. Encore et toujours, la jeune femme chercha à lutter contre ses liens en voyant le dénommé Chris emporter Juliet.

- Non ! Non-non-non-non-non !

Abigail.

- Laisse la ici !

Eli.

- Je ferai ce que vous voulez, laissez la !

Ashley.

- S’il vous plaiiiit !

Gabriel.

- Ne l’emmenez pas, elle a rien fait ! RIEN !

Juliet.

- Oliver…

Et combien d’autres encore…

… tu as brisé en mille morceaux ?

Selene retomba brusquement, tel un poids mort. Elle aimerait être morte. Elle préférerait. Sa petite-amie lui était enlevée et elle ne pouvait rien faire. Un rire se mit à filtrer par ses lèvres blessées. Un rire nerveux, dément, qui n’avait rien d’amusé. Qui n’avait pas grand-chose d’humain non plus.

- Tu sais quoi, Oliver… , ses yeux troubles fixaient le vide, sa tête oscillait de droite à gauche lentement, vas aussi au No man’s land… vas voir en face de l’entrepôt, dans le vide de ses prunelles, l’éclat de la folie prenait de plus en plus de place ; elle était ici et ailleurs, taraudée par ses démons, regarde bien… c’est ce qui t’attend… dès que je serai sortie d’ici.

Spoiler: