Le soulagement fait place au reste. C'est fini apparemment, et j'ai envie d'y croire. Mais quand on arrive à l'intérieur, qu'on voit l'état du campement, j'ai l'impression que les dégâts sont déjà trop profonds pour qu'on puisse rattraper ce qu'on a cassé. Et les révélations de Marlon terminent de me mettre un coup au cœur, comme si... Comme si y'avait peut-être plus autant de chance que prévu. Je deviens sourd au reste, je me sens dépassé évidemment et je baisse le regard. C'est Serena qui est à côté de moi, et je me penche vers elle pour lui souffler à l'oreille :

Je vais chercher Denise, elle a besoin d'être là aussi. De comprendre que c'est terminé. Et d'apprendre pour... Pour Albert.

Je me détourne et m'extirpe, me rendant jusqu'à la Marina. J'ai beaucoup de mal à retenir mes larmes en marchant, mais je le fais, alors que personne est là pour me voir. Personne. J'devrais me laisser aller, mais j'ai l'impression d'être coincé dans une boucle. Tous les ans, la même chose. Encore, et encore. Comme si ce mois était maudit au fond. Mon cœur est lourd de chagrin, lourd de colère, lourd d'impuissance. Mon ventre se tord, et dans ma marche, j'oublie au passage ce que je fais ici. Au bord de l'eau, le bruit de l'écume me berce, me ramène à la réalité ; je me sens seul. Orphelin. Perdu.

Mes pas me mènent sur le bateau, je m'enfonce dans ce silence, j'avise la cale et retire le cadenas qui obstrue la sortie. Je m'engage dedans, retrouve Denise qui a pas pu bouger. Je la regarde longuement. Je m'avance pour la libérer, parce que... C'est ce que je dois faire. Et je crois que c'est là que je craque. Que mes larmes s'effondrent sur mes joues, je me rends pas vraiment compte que je pleure. La faim, les nerfs, la fatigue, la peur. Mes épaules sont secouées de sanglots, et je revois les images de ces derniers instants, les corps, les coups. Je revois tout ça en réalisant qu'il y aurait pas de marche arrière possible. C'est trop tard...

Je suis... Je suis... désolé, j'arrive à articuler ça péniblement, entre deux hoquets, incapable de faire autre chose. Je sais pas si Denise comprendra, mais je suis désolé, je suis sincère. Je voudrais pouvoir tout rattraper, mais il y a rien qui pourra jamais nous rendre ce qu'on nous a pris.

Spoiler:

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Je m’occupe de l’épaule de Teresa, avec l’aide de Daryll, sourcils froncés. J’arrive plus à parler, à trouver les mots qu’il faut pour calmer le jeu. Alors je préfère garder le silence, me concentrer sur mon boulot. J’ai les oreilles qui bourdonnent et je serre doucement la main de Teresa quand elle prend la parole à son tour. Arrêter les frais… C’est encore vraiment possible ? On a beau leur dire que tout va s’arranger, est-ce qu’on y croit vraiment ? Et Marlon dans tout ça ? « Il va falloir que j’incise pour sortir la balle. Mais pas ici, l’hygiène est pas terrible. » Un murmure juste pour elle, avant que je sursaute quand la porte s’ouvre.

Et s’il y a Marlon, ce qui me fait serrer les mâchoires, il y a aussi des silhouettes plus familières. Juliet. J’ai un sourire soulagé et une petite voix me souffle que si elle est toujours en vie, ça peut aussi être le cas des autres. Mais je veux pas y croire de suite. Mon regard croise celui de Cassidy, alors que je bouge pas. Marlon se rapproche de Duncan et balance un speech qui me fait serrer davantage les dents.

Ils les ont enfermés volontairement dans un souterrain ? Ils les ont laissés… en vie ? Enfermés ? Mais quel monstre peut penser à ce genre de trucs ? Je fixe Marlon, les yeux écarquillés, incapable de vraiment croire à ce que j’entends. Et le pire, c’est qu’il se contente de… s’excuser. Je sens la colère qui prend le pas sur le reste et, heureusement, les autres arrivent à mettre des mots sur ce que je ressens. Il va être enfermé. Il sera jugé. Condamné. Mais ce sera pas suffisant. Surtout s’ils sont morts.

Je finis par me relever et par souffler à Daryll, à mi-voix. « Aide Teresa à aller à l’infirmerie, on va s’occuper d’elle là-bas. » Je m’éloigne, me rapprochant de Cassidy et j’effleure sa joue. « Il y a encore une chance. » Pour Tom. Je m’y raccroche un peu stupidement, refusant d’écouter ma raison qui me hurle que ce n’est pas possible que ça se finisse bien. J’ai envie de me rouler en boule dans un coin, sous le bureau, comme je le faisais à mon arrivée. Sauf que Tom viendra pas me chercher cette fois. Je déglutis alors que je me rapproche de Duncan, tendant la main vers lui pour l’aider à se relever. « Je t’emmène à l’infirmerie. Je crois qu’on va avoir du boulot là-bas. » Et je pose une main sur son bras une fois qu’il est debout, le regard brillant. Les soigner, me concentrer sur ce que je sais faire. Ca je peux. Le reste, j’en suis totalement incapable.

Spoiler:

Tout arrêter. Arranger les choses. Mes mains se mettent à trembler quand Suzie finit par lâcher son arme. Si elle se rend compte de la stupidité de tout ça, alors rien n’est perdu. Je sursaute quand la porte s’ouvre, me figeant en voyant Marlon. Non, pas alors qu’on vient de réussir à les convaincre… Mais il n’est pas seul. Loin de là. Et surtout, ce n’est pas lui qui semble mener le jeu. Les autres sont avec lui… Et Juliet. Si elle est là, alors les autres… Je croise le regard de Nolan, ne sachant même plus ce que je dois croire ou ressentir.

Sauf que Marlon prend la parole. Et s’adresse à Duncan. Le bourdonnement revient, accompagné de nausées, au fur et à mesure qu’il parle. Je comprends pas comment… Quoi ? Enfermés. Désolé. Ils les ont laissés pour morts. Il est… désolé. Je prête à peine attention à Abi et à son speech – elle est pas censée avoir pris deux balles ? – ni aux autres qui réagissent. Désolé. Tout ça… pour ça ? Il a envoyé un groupe dans des souterrains. Il nous a fait nous entretuer. Il a foutu en l’air la confiance et la cohésion et… Il est désolé.  Je finis pourtant par raccrocher les wagons et je les regarde les sourcils froncés en secouant la tête. Non, ça suffit pas. Je cille quand Nolan s’approche et je le regarde avec des yeux écarquillés. J’arrive pas à sourire, alors je me contente de hocher la tête. Une chance. Tout ce temps perdu à parler. Tout ce temps enfermés ici. Alors qu’on aurait pu, alors qu’on aurait dû être dehors à les chercher…

Sans même m’en rendre compte, j’ai rejoins Marlon et mon poing percute sa mâchoire avant que je ne puisse réfléchir. Il fait un pas en arrière et je le fusille du regard, la mâchoire crispée, les poings toujours serrés. Je vais sans doute avoir plus mal que lui, mais je m’en fous. Je m’efforce juste de ne pas craquer totalement, de retenir les larmes et les cris, parce que si je commence, j’y arriverais pas. Je tourne la tête vers Cora et Duncan. « Je viens. Les chercher. Avec vous. » Pas vraiment une question. J’irai de mon côté de toute façon s’ils voulaient pas. Parce que ça fait pas si longtemps. Ils doivent aller bien, c’est forcé.

Je déglutis et ancre mon regard dans celui de Nolan un instant. « Je vais voir Dawn. Et Nyx. Elles doivent… » Oh merde. « Je vais les chercher. »

Sans doute qu’ils auront besoin d’aide à l’infirmerie. Mais après. Pour l’instant, je dois juste prendre l’air. Et vite.

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« Duncan ? Où est Duncan ? » Shawna avait pressé le pas jusqu’à la grande salle. Les traits tirés, une vilaine entaille sur le front, la métisse parcourut la pièce des yeux avant de repérer le magasinier. Elle le fixa avec effroi, il était dans un état pitoyable. Sans même qu’il ne l’ait remarquée, elle se précipita vers lui alors que Nolan l’aidait à se relever. « Duncan ! » Appela-t-elle alors, commençant déjà à fondre en larmes. Lorsqu’elle arriva enfin à sa hauteur, elle l’enlaça doucement. « J’ai eu si peur… Tu… Tu vas bien ? » Elle releva les yeux vers lui, choquée de le voir dans cet état. Mais il était vivant et c’était ce qui comptait…

Bientôt ce fut la voix de Janessa qui l’interpella, Liam accrochée à elle et Wyatt endormi dans ses bras. « Je… Je suis désolée Jazz… J’aurais dû rester avec toi… Ils vont bien ? » Les petits avaient été un peu secoués mais ils n’avaient rien. Leur tante les avait mis à l’abri et avait veillé sur eux, Shawna la pris dans ses bras, fondant à nouveau en larmes. Puis elle attrapa doucement Liam pour l’enlacer à son tour. Elle avait eu si peur pour eux…

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