Le mauvais temps était à son apogée ces derniers temps, le froid et le vent se mélangeait de sorte à créer une véritable lance de jet qui venait percer jusqu’aux tripes les plus démunies, enfin les raclures quoi. Si les ressources alimentaires de la faction tenaient plus ou moins la route malgré les nombreuses dernières arrivées, le besoin de faire le plein de ressources diverses se faisait sentir, l’idéal aurait été de trouver de l’essence pour chauffer tout le petit groupe mais ils n’allaient clairement pas faire les fines bouches. Bref, le plus important était de former un petit groupe d’expédition et de revenir avec le plus de choses possible, d’autant plus qu’avec les récents évènements Frankie ne tarderait pas à devenir de plus en plus ingérable, sans oublier que l’Allemand restait encore parfois bien songeur voire distant depuis la révélation.

Chaudement habillé, barbe bien apparente et bonnet ainsi que gants requis, Isiah avait repéré de par ses précédentes expéditions en solitaire un petit coin plus intéressant à fouiller et rapidement le petit groupe improvisé de l’infirmier à l’accent insupportable, de la peste de référence et de la petite dernière de la faction s’était dirigé vers ce qui semblait être un ancien Babies"R"us. Le blond ne connaissait pas la boutique avant même l’arrivée des raclures mais il avait suffisamment confiance en ses capacités pour faire entrer dans le groupe dans ce qui semblait vital pour le futur de son futur enfant. L’Allemand se sentait particulièrement responsable lors de cette expédition, d’un côté il avait sa propre femme enceinte qu’il voulait protéger, la petite sœur de son bro et pour finir le papy vétéran de cette famille improvisé : en clair, il ressentait à nouveau le poids de porter des vies sur ses épaules, un sentiment qu’il détestait plus que tout mais bon, à la différence des autres fois il avait foi en ce petit groupe.

Cramponnant fermement son fusil Remington sanglé autour du corps, il ajusta une dernière fois son Smith & Wesson à la ceinture, tout en sortant son canif de sa trousse de crochetage qu’il promenait toujours avec lui. Inspectant rapidement la structure, le regard du blond se posa surtout sur le cadenas, ça c’était SON domaine. Faisant signe à Billy de monter la garde avec sa carabine, le vieux rangea son couteau de chasse avant d’inspecter les alentours avec la lunette du fusil. Soupirant doucement, l’air plus que jamais sérieux le blond posa une main avec douceur dans le dos de Hannah pour l’interpeller avant de se tourner vers Frankie et de prendre la parole à son tour : « Je suis pour l’entrée principale, j’peux nous faire entrer sans bruit et s’il y a toujours un cadenas ce n’est certainement pas pour cacher des poupées, vous en pensez quoi ? ».

Le blondinet sentait ses tempes battre sous la pression, c’était la première fois depuis un long moment qu’il menait des gens auxquels il tenait dans une situation risquée. Il ne devait pas fuir, pas encore.

La nouvelle année démarrait aussi mal que la précédente ne s’était terminé. Loin d’être ravie de cette grossesse, Frankie la subissait. Il n’y avait pas de moyen pour elle d’avorter, ou alors elle y risquerait sa peau. C’était un dilemme plutôt cruel, le seul moyen de se débarrasser de ce qu’elle ne voulait pas la mettait elle en danger. La coréenne était donc de très mauvaise humeur, plus que d’habitude. Elle était épuisée, elle avait tantôt trop chaud sous toutes ses couches de vêtements, tantôt trop froid. Et le pire dans cette histoire, c’était que sa relation avec Isiah faisait les frais de cette grossesse inattendue. Bref, Frankie détestait le monde et le monde semblait également la détestait.

Mais il fallait continuer de vivre, alors elle avait décidé de suivre Isiah, Billy et Hannah dehors. C’était étonnant de sa part de ne pas rester enfermée à laisser les autres faire tout le sale boulot, mais même le Conservatory devenait trop peuplé, et si elle était ravie d’avoir retrouvé Gin, Frankie avait du mal à se faire à tous ces changements.

Devant l’enseigne colorée défraichie, la brune réalisa un peu plus sa condition. C’était pour elle qu’ils étaient là. Mais maintenant qu’elle y pensait, c’était sans doute trop tôt ? Bien trop tôt. Tout pouvait arriver, même si elle en était persuadée, rien n’arriverait. Dans ce monde mort, elle portait la vie, et elle ne pouvait pas y voir le moindre signe d’espoir.

Toujours armée de son Glock, de son couteau et de sa petite hache, la coréenne observa le magasin à l’aspect délabré, les alentours comme figés dans le temps. C’était sans doute la fatigue ou les hormones, mais toute cette vision la rendit triste pendant une fraction de secondes avant qu’elle ne se tourne vers Isiah et Hannah qui débattait de la meilleure solution pour entrer. Faire demi-tour ? Non, ils n’avaient pas marché aussi loin pour faire demi-tour. Ils rempliraient tous leurs sacs de précieux biens qui l’aideraient à accueillir son bébé dans quelques mois.

La porte principale ne l’inspirait guère, trop à découvert, trop d’inconnues derrière cette porte. La coréenne aurait aisément opté pour une solution plus discrète, mais plus vite ils entreraient, plus vite ils sortiraient. Elle n’aimait pas cet endroit, pour bien des raisons. « On a qu’à passer par devant … » souffla-t-elle en scrutant toujours les environs, sans même un regard pour le blond ni aucun autre de ses camarades. Le vieux Billy sembla acquiescer à cette idée.

L’entrée principale, totalement à découvert. N’importe qui pouvait débarquer et les prendre à revers, Frankie détestait cette idée qu’ils pouvaient se retrouver pris au piège. Ils n’avaient même pas inspecté les alentours et la brune ne se sentit même pas un peu soulagée lorsque le cadenas céda. Elle laissa le soin à Billy et Isiah de débloquer la double porte anciennement automatique.

Ce n’est qu’une fois à l’intérieur que la diva réalisa à quel point c’était une mauvaise idée pour elle d’être là. Le manque de lumière, la poussière, et surtout cette odeur. Cette odeur qui lui donna l’impression de suffoquer et d’avoir l’estomac retourné dans un même temps. Une simple inspiration pour reprendre son souffle suffit à lui retourner l’estomac pour de bon. S’appuyant sur le mur tout proche, Frankie dit adieu au maigre déjeuner qu’elle avait pris le matin même. Essuyant ses lèvres d’un revers de la manche, la coréenne jura plusieurs fois, maudissant les abrutis qui avaient eu la bonne idée de passer l’arme à gauche dans cet endroit.

Son regard noir, au propre comme au figuré, balaya ce qu’elle pouvait distinguer dans la pénombre. « On prend ce qu’on peut et on se barre d’ici … » souffla la coréenne, plus bougonne encore que lorsqu’il avait quitté le Conservatory. Reportant un instant son attention sur Isiah pour lui demander son avis, la coréenne sentit à nouveau son estomac se tordre. Sa main se posa devant sa bouche, ça allait être une très longue journée. « La réserve ça serait sans doute le mieux non ? » Après tout, personne ne stockait de biens à vendre dans la zone du personnel, et cette installation centrale des rayons la laissait perplexe.

À peine avait-il dégagé les portes qui laissèrent place un épais grincement qu’Isiah eut un haut-le-cœur en sentant la putréfaction qui régnait dans la bâtisse. Portant une main à sa bouche par réflexe, le blond réussi plus ou moins rapidement à pénétrer la boutique : il avait beau avoir connu des mauvaises odeurs lorsqu’il aidait sur les chantiers, hormis l’humidité du bois, rien ne s’approchait de cette fermentation perpétuelle de cadavre et de nourriture. Cela n’indiquait rien de bon mais une chose était sûre, il n’avait pas encore vu de mouvement ou entendu des pas à proximité de l’entrée, si raclure il y avait elles devaient être dans un stade déjà bien entamé si ce n’est bloqué.

Concentré sur son rôle d’éclaireur, l’Allemand était sur le qui-vive, canif prêt à entailler la moindre tête suspecte qui se pointait et revolver fermement cramponné en cas désespéré de grabuge. Le regard vif et alerte, il balaya rapidement la pièce avant d’entendre les vomissements de sa partenaire. Serrant les dents il fit signe à Billy de prendre la garde et revint à portée de la brune : ce n’était ni bon pour le bébé, ni bon pour elle mais bien qu’il avait beau être tourmenté par le fait d’emmener Frankie avec lui, il ne pouvait se permettre des effusions de sentiment maintenant qu’il était à l’intérieur. Il leva une main compatissante qu’il hésita à poser tant le caractère de la niakouée était de plus en plus imprévisible puis il se résigna à le faire avant d’écouter attentivement les remarques de cette dernière.

Baumann ne semblait pas sur la même longueur d’onde que sa compagne, grimaçant légèrement, il hésita à la contredire avant de se résigner. Elle était certes la chef incontestée du groupe mais il avait lui-même comme rôle d’agir en tant que conscience, fronçant les sourcils il se persuada qu’il affronterait les remarques plus tard  et ajouta tout en murmurant : « On peut pas se permettre de négliger cet endroit, il faut récupérer le plus de choses possible, voyons. ». Il désigna l’étrange structure formée par les anciens rayons, cela l’intriguait au plus au point et de son expérience il avait déjà vu des groupes isoler les blessés ou les mordus dans ce genre de confinement de fortune, la pointant du doigt il continua : « Je propose de se diviser en binôme, non seulement il faut que tu te préserves de cette odeur mais en plus tu risquerais de faire tomber un rayon sur toi *dit-il avec un ton sérieux malgré la référence humoristique* On fouillera la réserve une fois cette zone nettoyée, non ? Je te laisse aller dans la cabine du personnel et moi je grimpe voir ce qui se cache derrière ? » A vrai dire, ses questions n’en étaient pas vraiment, il était un peu distant avec Frankie mais il veillait toujours autant sur elle si ce n’est plus encore. Se tournant vers Hannah il ajouta : « T'veux bien venir avec moi ? ».