Isiah toujours en braquant cette silhouette de dos, repensait à l’enfant mort dont il avait assené de coups sous la colère et la tristesse.  Sa gorge se noua tandis que ses pensées ne pouvaient que lui rappeler la morbide scène du nourrisson dans  cette étrange position : qu’avait-il bien pu penser, il était si jeune et si faible et pourtant sa position donnait une allure si dramatique à la scène. Comment réagirait cette femme, pour peu qu’elle était vraiment la mère, il était lui-même passé par là et il savait à quel point cela pouvait briser un Homme. N’avait-il pas des visions et des hallucinations depuis la mort de Rebecca ? Dans le cas présent, cela donnait l’impression d’avoir transformé cette personne jusque dans son physique.

La voix d’Hannah s’éleva à la suite de la sienne, le visage perplexe, Isiah la dévisagea quelques secondes avant de comprendre qu’il ne s’agissait que d’un stratagème. Il garda l’air sévère et perplexe, il n’avait nulle envie de réprimander la jeune fille pour vouloir se débarrasser d’un ennui mais d’un autre côté, il n’avait clairement pas la tête à plaisanter. Secouant doucement la tête en guise de réponse pour la jeune fille, il ne fut pas surpris devant le comportement de l’ancienne assaillante.

Se crispant légèrement sous la complainte de cette femme, le cœur du serrurier se serra : non pas qu’il se revoyait à travers elle, après tout lui il avait préféré fuir. Mais quelque chose lui donne envie de verser toutes les larmes de son corps si pour autant ils n’étaient pas dans ce monde apocalyptique. Reprenant d’une faible, hésitante mais toujours grave voix, il souffla : « N…non… Ce n’est pas ça… Là-haut… Il se trouve là-haut, avec les autres… Je peux vous y emmener… » Suite à ces paroles, le blond encra son regard azur dans celui de son amante, il était plein de peine et de compassion, comme si à présent elle aussi devrait connaître ce monde. Puis d’un simple geste de tête il fit signe aux filles de retourner dans la salle ajoutant : « Je vais m’occuper de ça. Il reste juste une porte à vérifier et on pourra y aller. Je vous y emmène et je gère ça. » Puis sa voix se coupa net, il ne pouvait pas parler plus, sa gorge était sèche et complètement prisonnière de ses sentiments. Il ajouta cependant un petit sourire bien que triste, il essayait tant bien que mal de ne pas inquiéter le reste du groupe, après tout il n’y avait plus de danger.

Pointant son arme, il attendit que les deux filles passent devant avant de faire signe à cette étrangère, de la pointe de son canon il mima le mouvement, lui faisant comprendre d’avancer.

Hannah en rajoutait, la pauvre femme en face d’elles se décomposait. Elle était perdue, elle était sans doute seule depuis trop longtemps, incapable de parler, de regarder la lumière. C’était une image que Frankie aurait du mal à effacer de son esprit, elle n’en doutait pas. Difficile de dire si elle avait pitié et dès l’instant où Isiah réapparut dans son champ de vision, la coréenne ne pensa plus à cette pauvre folle. Elle était simplement rassurée de le voir revenir, mais la diva remarqua rapidement que quelque chose n’allait pas. Elle le connaissait désormais assez pour savoir quand quelque chose n’allait pas, et si son habitude de blaguer dans les pires situations l’agaçait au plus haut point, le fait qu’il soit si sérieux lui laissait penser qu’il s’était passé quelque chose.

Frankie n’était pas rassurée, Billy était blessé, qui savait ce qui rôdait encore ici en plus de la folle en face d’eux. Et elle avait cette sensation qu’il fallait qu’elle reste près de lui. « Tu … gères ça ? » demanda-t-il d’une voix basse avant de s’avancer pour quitter cet endroit, sa lampe torche balayant la pénombre devant elle pour éviter de tomber dans un nouveau piège. Elle avait cette sensation de froid, de fatigue, de peur, l’envie de rentrer dans le confort relatif de leur campement de plus en plus pressante.

Un pas après l’autre, Isiah resta silencieux tout le long du trajet fixant de la pointe de son canon et de son regard, la silhouette entamée de ladite dame. Le fameux bébé était mort depuis longtemps mais à voir le comportement de cette personne il ne saurait dire de quoi elle était capable : son propre ventre était noué à l’idée de ces retrouvailles morbides. Dans le fond, il aurait lui-même aimé pouvoir retrouver le corps de sa toute petite, pouvoir l’enterrer lui-même, lui faire ses propres adieux et une sépulture décente. Il n’avait vraiment plus les mots, ce genre d’évènement était tout ce qu’il y a de plus éreintant pour lui et son mental.
Lorsqu’ils arrivèrent près de Frankie, le blond se contenta de mettre une main sur son épaule avant de souffler : « Il faudrait que quelqu’un reste auprès de lui... ». Puis à peine avait-il terminé se phrase qu’il refit signe à la détractrice d’avancer, la talonnant de peu à travers les couloirs de l’édifice. QU’allait-il faire ? Devait-il mettre fin aux jours de cette personne ? Il était tout bonnement impossible de la laisser venir dans le groupe, elle était devenue folle, s’était attaqué au vieil homme et ne semblait plus en état de quoi que ce soi si ce n’est survivre au détriment du reste du monde. Isiah garda sa mine sévère tout le reste du chemin, plein d’idées noires en tête, il n’avait jamais fait ça, il n’en était tout simplement capable. Il ne voulait pas tuer, il n’était pas comme ces raclures, il était encore humain lui alors non il pouvait se résoudre à ça.

Restant à l’entrée de la pièce, il laissa la pauvre femme se jeter sur le cadavre de la pauvre petite créature qu’il avait lui-même mutilée dans sa colère et sa tristesse. Il n’y avait plus de doutes, même si ce n’était pas son bébé, il était à présent sien. Le blond garda ses distances mais inconsciemment baissa son arme, bouleversé par la scène malgré son regard froid et fermé. Il entendait la complainte de cette pauvre femme qui ne faisait qu’écho à ses propres démons. Et alors que cette dernière l’accusait d’avoir commis l’acte irréparable, Isiah ne pouvait rien dire : non ce n’était pas lui mais il avait bien nui à ce bébé pour autant. Se laissant surprendre par ce soudain égard de vengeance, il ne chercha pas à lutter pour autant et alors qu’il sentit l’arme se planter dans son épaule, il ne lâcha qu’une légère grimace tout en gardant son regard froid planté dans celui de cette pauvre mère. « Je sais… Je sais ce que c’est… Je suis navré. ». Puis à ces mots il posa avec douceur une main sur sa tête avant de laisser parler l’écart de force, assénant un léger coup de genou pour la repousser puis du revers de son arme il frappa d’un coup net et précis à deux reprises la nuque de cette dernière. Qu’allait-il faire maintenant ?

Le petit groupe quitta le vaste hangar, retrouvant Billy vouté sur sa chaise. Il avait mauvaise mine et la brune s’en voulait presque de l’avoir entrainé là-dedans. Lorsque le blond proposa que l’une d’elle ou Hannah reste avec lui, la brune hocha la tête, l’air las. De toute manière, elle n’était bonne à rien aujourd’hui, trop fatiguée, trop malade à cause de l’odeur de mort dans ce magasin. « Je reste. Hannah tiens » la coréenne lui donna son sac à dos, gardant sur elle ses armes et sa lampe torche avant de se poster à côté de Billy. « Soyez prudents … » Son regard s’attarda un instant sur Isiah avant qu’elle ne détourne le regard.

« T’as une sale tronche le vieux … » lui lança-t-elle avant qu’il esquisse un sourire faible. « Ca va aller, on va te ramener au camp et tu pourras te reposer. On aurait pas dû t’amener ici avec nous, t’es trop important pour le camp. » Pour elle aussi quelque part, ce petit vieux lui rappelait son père avec son attitude protectrice, cette manie de chercher à voir le bon en elle là où la plupart des gens ne voyaient qu’une peste.

« Comment tu te sens ? » demanda-t-elle au retraité en se tournant vers lui. La diva remarqua alors qu’il ne répondait pas, il semblait s’endormir. « Billy ? Billy reste avec moi ! » Se précipitant près de lui, la brune s’assura qu’il ne chuterait pas de sa chaise, mais elle n’avait aucune idée de quoi faire. Elle tapota doucement les joues de l’infirmier, cherchant à attirer son attention, à le réveiller mais il avait perdu connaissance. « Merde ! »