La tête lourde et chargée d’idée noire, Isiah avait encore la main fermement cramponnée à son arme, serrant outre mesure le manche de la lame comme complètement crispé après ce qu’il venait de voir. Il ne semblait plus être le même, tandis que ses yeux ne voyaient à présent plus que les différents cartons marqués de ces croix rouges. Il n’espérait plus qu’une chose, enfin trouver de quoi leur être utile, cette excursion commençait sérieusement à le peser et à de rythme il allait finir par faire une connerie ou perdre la tête. L’Allemand ressentait une certaine peine pour ces survivants, ils avaient succombé comme n’importe quel autre camp avant eux mais avait fini par complètement enfermer les raclures revenues dans un ultime espoir de survivre, quelle misère.

Arrivant devant les cartons, le serrurier soupira, inspectant la salle du regard embaumé dans cette odeur constante de putréfaction, c’était vraiment nauséabond au point qu’il commençait à se demander si rien que cette odeur ne ferait pas office de poison et finirait par les avoir. Le grand air frais lui manquait, le camp lui manquait, ils avaient beau vivre dans des foutues caravanes, chaque matin et chaque soir il avait le plaisir de marcher à travers l’herbe, les plantations, les abeilles : c’était tellement plus pur et sain qu’ici.
Mais il fallait se ressaisir, il s’était absenté depuis un petit moment qui plus et lui-même s’en rendait compte, à la base il ne voulait juste pas impliquer les deux filles dans un danger inutile, pensant que cet endroit était beaucoup plus petit mais à présent qu’il avait la possibilité de fouiller, allait-il vraiment abandonner ? Bref, de toute manière il devait s’activer. Plongeant à même caisse, il jeta les produits périmés, c’était de la pharmacie principalement voir vaccins. Jetant la première caisse après avoir retiré tout son contenu un à un : pas de bol il n’y avait rien d’utilisable. « P’tain… Aller ! » jura-t-il en serrant les dents et en se concentrant sur le second carton.

Malheureusement, l’opération fut la même et alors que le sol était jonché de matériel percé, de vieilles boîtes couvertes de mousse ou de comprimés périmés, Baumann jeta les deux cartons avant de frapper du pied dedans avec violence. Il commençait très sérieusement à en avoir marre, le coup du bébé lui avait mis les nerfs tellement à vif et l’idée qu’il mettait en danger les siens pour rien lui était tout bonnement insupportable. Après quelques secondes à se calmer, son regard se posa sur les deux caisses du dessous, est-ce que les fouiller en valait vraiment la peine.

Isiah soupira à nouveau, scrutant autour de lui au cas où sa petite crise ne lui avait pas causé des représailles mais comme il semblait l’avoir imaginé : l’endroit était complètement désert à présent. Baumann reporta alors son attention sur les différents cartons, il n’y avait plus que deux et autant dire qu’au vu de ses précédentes trouvailles, rien de bon ne semblait se dégager de cette pièce. Haussant les épaules, il commença alors à fouiller l’air dépité et un peu découragé mais il devait persévérer et y croire non ? Non… bon bah, tant pis il fouillerait avec la mine dépitée et sévère comme il savait tirer quand il voulait se la jouer badass ou essayer d’impression Frankie bien qu’à cet instant présent, il s’agissait vraiment vraiment vraiment d’énervement.

Malheureusement si le fait de s’énerver servait vraiment à influencer la chose, le monde déjà bien sur les nerfs aurait implosé. Oui bon certes, le monde avait fini par imploser mais… bref ! Mauvais choix de comparaison de la part de la narration. Tout cela pour dire qu’après avoir une nouvelle fois renversé le carton, le blond ne trouvait rien à défaut de recouvrir le sol de déchets et de verres. Passant sans répit à l’autre carton Isiah murmura dans sa barbe : « Aller… S’il vous plaît… Juste un p’tit truc… », et alors que le blond continuait de jeter les boîtes entamées ou complètement recouvertes de crasse, ses yeux se posèrent sur un drôle d’objet en tissu tandis que le serrurier n’en revenait pas sur ses yeux. Ouvrant le zip d’un coup sec, il écarquilla les yeux tandis qu’il se contenta de serrer le poing tel un footballeur après avoir marqué un but : « Yes ! » grogna-t-il tandis qu’il inspectait par sécurité, une seconde fois sa trouvaille.

Il y avait une vraie trousse de soin devant lui, si cette dernière avait souffert du temps humide, à l’intérieur il restait des bandages, de l’alcool à désinfecter, des ciseaux et un vieux reste de matériel à recoudre et quelques échantillons de crèmes contre les infections mais surtout les brûlures : ce n’était pas grand-chose en quantité mais, c’était toujours le minimum vital à emporter et cela ne pourrait que servir tôt ou tard. Fourrant avec hâte le matériel dans son sac, le moral repointait à l’horizon tandis que l’Allemand s’apprêtait déjà à repartir de la pièce. Mais alors qu’il passait l’encadrure de la porte, il s’arrêta et tourna sa tête, il allait en oublier de fouiller la grande armoire de métal ce nigaud. Avait-elle plus de chances de garder un butin digne de ce nom ? Il en doutait fort mais tant pis, il devait l’inspecter aussi.

Les négociations, qui n’étaient pourtant pas le fort de la coréenne, se déroulaient plutôt bien. Et la libération d’Hannah ne coûta qu’un paquet de crackers et une bouteille d’eau. Lorsque l’adolescente la rejoignit, Frankie fit rouler la bouteille au sol jusqu’à l’inconnue. Pour le peu qu’elle pouvait voir avec le faisceau de sa lampe torche, cette personne avait sans doute souffert. En un sens, qui n’avait pas souffert depuis le début de l’épidémie ? Mais la coréenne avait encore figure humaine, on ne pouvait pas en dire autant de cette femme. Puis elle posa une question, une question qui arracha une grimace à la brune.

Instinctivement, sa main s’était posée sur son ventre, parce qu’elle imaginait facilement ce qu’il avait pu arriver à ce bébé. Ils avaient trouvé des cadavres, des rôdeurs, alors comment imaginer qu’un bébé ait survécu dans ce bâtiment ? S’il était encore vivant, il n’était plus là, ça n’était pas possible autrement. Et Frankie avait l’impression de ressentir cette perte, cette douleur, parce que malgré tout cette vie qui grandissait en elle prenait de la place dans sa vie.

Son regard noir se posa sur Hannah lorsque l’adolescente répondit à la question de la folle. Frankie n’avait pas eu l’impression que la sœur de Nigel en avait quoique ce soit à faire de sa grossesse, alors d’un bébé inconnu qui était le fils d’une tarée ? Ça lui paraissait peu probable, surtout qu’ils n’avaient pas entendu de pleurs de bébé plus tôt. Elle allait lui demander ce qu’elle racontait quand la coréenne crut comprendre où elle voulait en venir. Lui mentir, la manipuler pour qu’elles puissent s’échapper de cet endroit. Et pourtant, la diva n’arrivait pas à ajouter quoique ce soit, parce que quel que soit le sort du bébé, mentir à cette mère lui brisait le cœur. « Nous … ne savons pas où est ton bébé … » souffla-t-elle sans néanmoins démentir les propos d’Hannah.

Faisant demi-tour le blond se dirigea vers cette grande armoire de métal, sa précédente joie l’avait presque fait oublier sa tâche. Cramponnant son canif fermement, le blond ouvrit d’un coup sec la porte qui n’avait pas besoin de tant de force pour s’ouvrir : toujours était-il qu’Isiah avait son arme prête à agir sur la moindre surprise, que ce soit tête de raclure ou de simples rats justement. Mais alors qu’il ouvrit le mobilier, il eut à nouveau un sourire d’espoir. Cette fois-ci il n’y avait nul doute, nulle hésitation, la marchandise avait été gardée en bien meilleure état à l’intérieur. Récupérant le plus de choses possible, l’Allemand essaya de faire un tri le plus rapide possible : à mesure qu’il vidait les étagères, il put s’assurer de la qualité de quelques produits, rien de très poussés mais il y avait tout de même quelques antidouleurs et anti-inflammatoires sans oublier le « C’est pas automatique » des antibiotiques.

Il avait beau avoir fouillé au plus vite, il avait essayé de faire ça bien mais à présent il devait se dépêcher, il s’était déjà absenté trop longtemps et le fait que les filles ne l’avaient pas encore rejoint pour l’enguirlander était surprenant. Amassant ses précieuses trouvailles dans son sac, il se mit à courir à l’étage avant de dévaler les marches en sautant par-dessus la rambarde pour gagner un peu de temps, essayant toujours de limiter ses bruits, tel un Yamakasi enfin un truc dans le genre mais en un peu plus Allemand et un peu plus apocalyptique. Bref, le regard alerte il se rendit au plus vite devant l’étrange porte que gardait Billy.

Ce dernier essayait tant bien que mal de lutter contre la douleur et cela se lisait sur son visage. Lorsque leurs regards se croisèrent le vieil homme souffla tout en grognant et en essayant péniblement de se relever : « J’entends rien, tabernacle… C’trôp bizarre, Isi… » dit-il avant que le blond ne lui coupe la parole, posant sa main sur son épaule avec autorité pour l’obliger à se rassoir : « Ouais, ouais j’sais, reposes-toi le vieux, tu en as besoin… ». Puis sur ces mots il s’engouffra par la porte menant aux réserves, revolver à la main lampe dans l’autre, couteau rangé.

Tâtant du regard, il retrouva rapidement la trace des deux jeunes filles grâce à leurs lampes mais coupant la sienne, il s’approcha à pas de loup en entendant des bribes de voix. Elles ne semblaient pas toutes seules. Et alors qu’il apercevait les deux femmes, une dernière silhouette bien plus sinistre l’inquiéta : contournant très brièvement le groupe, il leva la pointe de son revolver avant d’apparaître derrière cette… cette personne. À peine venait-il de franchir la petite zone éclairée, qu’il retira la sécurité de son arme pour bien faire comprendre qu’elle n’était plus en position de quoi que ce soit, puis alors que les dernières paroles faisaient écho, il ajouta d’une voix grave : « Je sais où est ton bébé. ».