Isalín a eu un grand sourire en voyant le passage ouvert. Elle s’est imaginée que la sortie ne serait pas loin derrière et que d’ici peu, ils seraient à l’air libre. Grave erreur. Plus ils marchent, plus les minutes deviennent des heures, plus elle perd le fil du temps. Quand Rafael demande une torche, elle lui donne, alors qu’elle constate que la luminosité faiblit justement. Elle a faim. Elle a soif. Elle a mal aux jambes. Ce n’est pas la première fois qu’elle se sent comme ça, mais c’est la première fois depuis longtemps…

L’islandaise a un regain d’énergie quand ils trouvent successivement de quoi faire une torche et une gouttière qui laisse filer de l’eau. Si la cheffe propose avec raison de la filtrer avant – au cas où – Isalín vient se coller en dessous, bouche ouverte, pour recueillir quelques filets d’eau sur sa langue. C’est frais, c’est salvateur. De quoi lui faire oublier qu'elle est crevée. Elle s’essuie ensuite les lèvres et regarde les autres.

- J’avais trop soif…, marmonne-t-elle ; mais quand même, elle réfléchit un peu, alors elle ajoute : on devrait pas marquer les tunnels par lesquels on passe ? Elle n’a pas la sensation qu’ils l’aient fait jusqu’à maintenant, et le résultat est qu’ils tournent peut-être en rond, ça se trouve, on est passés plusieurs fois au même endroit… si on se met des repères, ça pourrait nous éviter ça, non ?

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Après des heures à errer dans l’obscurité, difficile de ne pas avoir de sombres pensées. Combien de temps s’est écoulé ? Impossible à dire. Combien de temps encore ? Que fichait cette barricade là, avec tous ces meubles, si loin de la moindre habitation ? Qui a tout fichu là et d’où ça vient ? Il a fallu les déplacer non ? Je me raccroche à cette idée. Je me dis aussi que je dois revenir. Pour Nolan et Cassidy. Pour Farah. C’est impossible que je meurs de faim ou de soif ici. Le climat est angoissant. Même si tout le monde est relativement calme, cette pénombre, seulement transpercée par la lueur des torches et oppressante et chaque son me semble amplifié.

Enfin, Rafaël tombe sur quelque chose qui ne soit pas de la terre et de la pierre. Pour fabriquer des torches, comme à l’ancienne. Je suis mort de fatigue et je ne suis sans doute pas le seul. J’ai faim et soif et nous savons bien que nos rations s’épuisent bien trop vite. De base, nous ne devions pas partir bien longtemps ni nous retrouver piégés… Je connais pourtant ces sensations, mais cela n’est pas agréable. Mourir comme ça… Non, je préfère encore me flinguer avant.

Andrea trouve de l’eau. Miraculeux. Et personne ne va être très regardant concernant sa consommation. Je hoche la tête à l’idée de remplir nos gourdes et bois dés que je peux. « J’ignore à quel point cela peut être réellement efficace. J’ai quelques compresses de gaz encore, cela peut faire office de filtre également. Et c’est un peu plus hygiénique, sans vouloir te vexer Andrea. » J’ai un léger sourire. A la remarque d’Isalin, je hoche la tête. « Pas bête. J’espère quand même qu’on n’a pas tourné en rond jusque là. » Je me suis assis pour me reposer un peu. Difficile de se poser dans ces conditions, mais il faut ménager nos forces. « On devrait faire l’inventaire de ce qu’il nous reste en nourriture. » Je ne termine pas ma phrase, je pense que tout le monde a compris. Il va falloir nous montrer économes.

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De l’eau, ça faisait du bien, même si elle n’était pas forcément la plus propre, ça restait toujours une meilleure option que de boire notre urine… Bear Grylls n’était vraiment pas un exemple à suivre à ce sujet. La proposition d’Andrea me fit sourire, couplée à celle de Tomeo : « Gardez le charbon de vos torches. » Dis-je simplement, un vieux truc que j’avais appris au cas où quand je faisais le trek et mes randos : « Le charbon actif permet d’agglomérer les impuretés et de filtrer l’eau. Ça marcherait mieux avec un bois déjà traité, mais ça sera toujours plus efficace que de la faire passer dans nos t-shirts et ça économisera notre gaze. » Normalement il faudrait faire bouillir l’eau et la laisser reposer avec les charbons pendant un moment. Mais ça serait mieux que rien.

Le moral était aussi en berne, la fatigue et la faim se faisaient sentir… j’étais moins réceptif à la première qu’à la seconde. Mais ce n’était pas le cas de tout le monde et même si je n’étais pas le chef du groupe, j’ai ressenti le besoin de leur parler et de les aider : « Je vais faire mon moniteur de colonie, mais ça ressemble beaucoup à une randonnée qui s’éternise tout ça. Le secret, c’est de ne pas perdre le moral et de bien répartir le matériel et d’avoir de bonnes histoires à raconter. » La fatigue est un cercle vicieux, on se concentre sur elle, alors elle est plus présente, de plus en plus présente, au point de miner le moral et de conduire à l’abandon.

Isalin avait eu une bonne idée en proposant de marque les tunnels par lesquels nous passions, ça voulait aussi dire qu’elle était motivée à continuer ! J’ai ouvert mon sac et j’ai lancé à la cantonade : « Si quelqu’un veut se délester un peu, je peux prendre des trucs dans mon sac. » Je pouvais prendre un peu plus sur les épaules, peut-être pour soulager Isalin ou Isaac, les plus faibles du groupe.

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Ils avaient fini par déblayer le chemin. Malheureusement, la direction prise ressemblait comme deux gouttes d’eau au tunnel qu’ils avaient emprunté auparavant. Dans ce dédale obscur, impossible de se repérer correctement. Depuis combien de temps erraient-ils dans les méandres de ce souterrain ? Sûrement trop longtemps… Mais le vieux Greene était incapable d’estimer le nombre d’heures passées sous terre.

Il commençait à craindre un manque de vivre, la faim se faisait ressentir depuis plusieurs heures à présent. Il n’avait pas touché à ses réserves, néanmoins… Alors quand les autres trouvèrent un point d’eau, cherchant un moyen de la filtrer, le cavalier ouvrit son sac pour en sortir deux petites bouteilles. « Il me reste un peu d’eau mais… On pourra remplir les bouteilles pour les réutiliser. » Il les tendit à Isalin avant de répondre à la question de Tomeo. « J’ai quelques barres énergétiques et quelques fruits secs… Mais ça ne nous fera pas longtemps… » Il jeta un œil vers les autres, se demandant s’ils avaient quelque d’autre. Puis posément, il reprit « J’ignore depuis combien de temps nous sommes dans ces tunnels mais ça commencer à faire un moment… Je sais que nous devons trouver un moyen de sortir, rapidement… Mais si cela devait s’éterniser, il faudrait penser à dormir un peu… Le manque de sommeil risque de jouer sur notre lucidité, il faudra nous reposer à un moment ou un autre… Mais pour l’instant… Tomas a raison, nous devrions nous occuper l’esprit… » Puis à la remarque du norvégien, il ne put s’empêcher de sourire « Je sais que je suis un peu rouillé mais merci de penser à moi en tout cas. »

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Isalín n’est pas peu fière que son idée ait été approuvée. Bon en vérité, ça ne servira peut-être à rien, parce que maintenant qu’elle y pense : s’ils tournaient en rond, ils seraient déjà passés devant la gouttière, les bouts de bois au sol et, surtout, ils seraient repassés devant les meubles qu’ils ont déblayés. Mais si ça leur permet d’éviter au moins une fois de revenir sur leurs pas, c’est toujours ça de gagné, pas vrai ?

Le dilemme du filtrage de l’eau ne la captive pas trop parce que… et bien elle a bu comme ça, elle ! C’est une maigre consolation, considérant qu’elle a faim et qu’elle a mal aux pieds. D’ailleurs, quand Isaac parle de barre de céréales, l’adolescente tourne instinctivement la tête vers lui, ses prunelles de jade étincelantes comme celles du chat potté. Elle n’ose demander, mais si elle peut en avoir une…

Tomas parle de rester motivé et de raconter des histoires, le doyen continue sur sa lancée en proposant de dormir… mais Isalín n’a pas sommeil ! En fait, son cerveau n’arrête pas de tourner, et elle comble les incertitudes avec des mots :

- Vous croyez qu’ils peuvent être grand comment ces tunnels ? Et… vous trouvez pas bizarre qu’on ait croisé aucun monstres ? J’veux dire… ils adorent rentrer partout, non ? Et si nous on se perd, eux ils devraient se perdre aussi. Pourtant, rien ! C’est fou quand on y pense, et son esprit qui poursuit les associations d’idées avec les tunnels l’amène à reprendre son débit accéléré, une fois, j’ai lu un livre avec des gens perdus dans des conduits souterrains. Pour trouver la sortie, ils allumaient un briquet pour voir dans quel sens penchait la flamme. J’crois qu’ça leur indiquait d’où venait le vent…, précise-t-elle pensivement – elle ne sait plus trop.

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Ok, à moi, pour un autre jeu, fit Andrea après que Tomas ait réussi à faire deviner son mot à tout le monde.

Il fallait tuer le temps et garder le moral, rien de très facile dans cette pénombre. Et difficile de savoir aussi comment le temps passait dans tout ça. Andrea devait bien l'admettre, elle ruminait beaucoup de colère et de déprime. Mais le fait de parler avec les autres permettaient de relativiser. Pour autant, elle avait particulièrement hâte de sortir d'ici et de rentrer, histoire de régler enfin ces affaires en suspens. Elle n'imaginait pas dans quel état était le campement à dire vrai...

Je suis une personne de Nisqually, fit-elle comme première indication. Je suis un homme et j'ai une femme, fit-elle.

Tout ça pour faire deviner une personne, incroyable...

Vous pouvez me poser trois... Non, cinq questions ! Ajouta-t-elle avec un sourire, essayant d'animer un peu leur marche.

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