L’humeur n’est pas vraiment au beau fixe. Ryan pince les lèvres devant la réaction de la blonde, se repliant dans un mutisme similaire le reste du trajet. Les mines sont sombres, les pensées sont ailleurs. Si elle avait été d’un naturel plus charismatique ou joyeux, la jeune femme aurait sûrement sorti un « haut les cœurs ! » plein d’enthousiasme pour essayer d’arracher quelques sourires… Mais elle préférait respecter les humeurs de chacun. L’artiste se contenta donc de s’installer à l’arrière avec la plupart du groupe, observant les visages et la route.

Lorsqu’ils arrivèrent, Saseum donna quelques instructions au conducteur, ce qui les fit se rapprocher en marche arrière de la zone de distribution. Elle sauta du camion pour rejoindre l’asiatique qui s’était posté devant la herse métallique qui condamnait la baie de chargement. Elle dégaina son couteau, délaissant son arme à feu pour l’instant, et secoua la tête pour se forcer à mettre de côté toutes ses autres pensées. Une seconde d’inattention pouvait être dramatique… ou fatale, selon le monstre qu’ils affrontaient.

Positionnée un peu en retrait dans le groupe, elle assista – impuissante – à l’attaque qui ébranla la confiance d’Andrea. Ce fut Soo, et Corray, qui lui vinrent en aide. Un des morts profita de sa distraction pour lui attraper le bras et tenter de lui déchirer la chair de ses dents pourries… son cœur rata un battement et elle lui donna un violent coup de pied dans le ventre pour le repousser, prise de court. Il s'écrasa contre la herse et... s'immobilisa. Fort heureusement, le fait de porter un sweat épais lui fut salutaire. Elle recula de quelques pas, subitement essoufflée et en même temps, très alerte. Ce qui l’avait autrefois terrorisée semblait désormais enflammer le sang dans ses veines. Elle était en vie. Et eux, morts. Et elle ne voulait pas finir comme eux.

Pensant que le monstre qui l'avait agressé était encore en vie, elle le chercha du regard. Son cadavre était pourtant immobile et la Lewis remarqua qu'une tige en fer sortait de son orbite desséché. Un mouvement à sa droite la fit sursauter et elle découvrit avec effroi qu’un cadavre écrasait pratiquement la jeune femme blonde. « JULIET ! » cria-t-elle inconsciemment, effrayée par la simple idée qu’elle se fasse mordre. Le temps sembla se suspendre : c’était pour ça qu’elle s’entraînait avec Nihima. Pour protéger les autres. Ryan raffermit sa prise sur la poignée de sa lame et empoigna, de sa main libre, le mort par son col pour l’éloigner de son amie. Dans le même mouvement, elle lui planta son couteau dans la tempe et le poussa sur le côté avec un grognement. Assurée qu’il n’était plus une menace, elle tendit la main à Juliet pour l’aider à se relever. « Rien de cassé ? » s’enquit-elle avec un froncement de sourcils.

Spoiler:

Récapitulatif:

Elle remercia d'un signe de la tête sa fille et son compagnon pour l'avoir tiré de cette mauvaise passe. Un soupir lui échappa. Manque de chance peut-être, sans doute pas de préparation, Andrea avisa rapidement qu'il ne restait plus rien autour d'elle, et qu'ils étaient parvenu déjà à une zone intéressante pour ce qu'ils étaient venus chercher. Saseum distribua à nouveau des informations, et l'afro-américaine hocha la tête. Ses yeux se portèrent sur la jeune asiatique qui l'accompagnait, à qui elle posa une main douce sur son épaule :

Nous allons explorer un peu, pour récupérer des informations sur la famille de Soo, annonça-t-elle. Sans s'obstiner si la situation devenait trop dangereuse, Andrea tenait à ce que tout le monde rentre ce soir, sans exception. Je passe en première, tu veux venir, Soo ? Demanda-t-elle à l'adolescente avec un sourire.

Elle avisa les dégâts de l'usine, et avança pour découvrir ce dont Saseum parlait. Effectivement, l'endroit ne semblait franchement pas sûr, et ça allait être forcément risqué. Mais dans un premier temps, ils savaient à quoi ils avaient à faire :

Trois morts, les plateformes ne sont pas stables, soyez prudents, annonça-t-elle à ceux qui étaient avec elle. Elle ne contraignait personne à venir, la suite était du bonus pour sa fille. De fait, Andrea s'avança souplement, équilibré sur la répartition de son poids. Très vite, le premier mort fut à sa portée, qu'elle acheva à l'aide de son couteau. Le second voulu lui tomber dessus, mais l'afro-américaine le repoussa et le fit basculer par-dessus bord. Danger écarté, il s'écrasa en bas.

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Ils s’en étaient, au final, plutôt bien sortis face aux mordeurs libérés en même temps que Saseum soulevait la porte métallique de l’usine. Ce n’était pas bon signe pour autant – pas vraiment. Après tout, si quelques uns d’entre eux se trouvaient là, qui pouvait prédire combien d’autres se trouveraient dans le reste de l’usine ? Ils ne devaient pas être les seuls à y avoir été piégés – ou alors c’est qu’ils avaient, tous autant qu’ils étaient, une bonne étoile. Rafaël voulait y croire, mais les choses étaient rarement aussi tranchées. Il écouta attentivement Saseum, qui évoquait ce qu’ils pouvaient voir dans l’usine, hochant la tête à la mention des vestiaires, alors que Ryan signalait vouloir y aller. « J’y irai avec toi. »Peut-être qu’il n’y aurait rien, et que ce serait plus rapide qu’ils ne le pensaient. Ou, au contraire, peut-être que des gens s’étaient réfugiés ici, depuis que la terre ne leur appartenait plus et qu’ils devaient la partager avec les morts-vivants. Peut-être qu’ils y trouveraient des ressources utiles.

Mais cela, il ne le saurait qu’en s’y rendant. Suivant donc Andrea, Soo et Corray, le gitan emprunta la porte puis l’escalier menant aux plateformes qui menaient d’un côté aux bureaux de la direction et de l’autre aux vestiaires. Une fois les obstacles éliminés par l’afro-américaine et son compagnon, il s’engagea lui aussi sur la plateforme. « Soyez prudents. Et si vous êtes en danger, l’un de vous devrait pouvoir rebrousser chemin pour nous avertir. Aucun de nous ne sera très loin. » Normalement, en tout cas. A moins que des obstacles n’entravent leur progression – ce qui n’était pas impossible, considérant l’état délabré des lieux.

Adressant un signe de tête à chacun d’entre eux, il avança donc jusqu’à ne plus les voir, et à arriver dans la salle de repos. Les grognements qu’il lui sembla percevoir n’auguraient rien de bon, et la prudence était de mise. Tenant fermement son bâton, il observa brièvement la pièce, avant de s’avancer davantage.

Ryan connaissait ce genre d’endroit : abandonné, dévasté, oublié de tous… une véritable mine d’or pour les connaisseurs. Une fois que la menace imminente avait été éradiquée, elle s’était mise à fouiller les poches des cadavres pour essayer d’y trouver des choses intéressantes. Un trousseau de clefs avec un décapsuleur, un paquet de chewing-gum à la menthe périmé, beaucoup de boulons ici et là, et dans la poche intérieure du gros malabar qu’elle avait dégommé, une photo de famille pliée en deux. Elle resta de longues minutes à les regarder, ce couple et leurs deux enfants. Le gamin avait une tignasse noire qui lui rappelait celle de Milow. Et la fille un sourire édenté, qu’elle affichait fièrement du haut de ses… quoi, six, sept ans ? Difficile à dire. Elle n’avait jamais été douée pour ce genre de devinette, de toute façon.

Ce fut le grognement du mort qui attaquait Andrea qui la tira de ses songeries. Un réflexe, vieux de plusieurs années, la poussa à observer rapidement les alentours et fit se renforcer sa prise sur la poignée de son arme. Elle exhala un soupir en identifiant la menace, déjà gérée par la métisse et son compagnon. Ils s’éloignèrent en direction des bureaux, mais visiblement, de cet accès ils auraient aussi pu examiner d’autres pièces. « Je vais faire un tour aux vestiaires… y’aura peut-être une salle de repos aussi. » Rafaël annonça qu’il l’accompagnerait et elle hocha la tête d’appréciation. Ryan avait confiance en lui, alors elle ne voyait aucun inconvénient à devoir faire équipe ; qui plus est, il savait se débrouiller.

Après avoir franchi les escaliers et jeté un dernier regard à la petite famille, ils s’engouffrèrent pour leur part dans un autre corridor. Positionnée à l’origine juste après le gitan, elle se déplaça pour être à sa gauche lorsqu’ils se postèrent devant la porte qui menait (si l’on en croyait la petite pancarte poussiéreuse au mur) à la salle de repos. Resserrant sa prise sur son couteau de chasse, la jeune femme échangea un regard avec son compagnon, un signe de tête silencieux et pointa le museau à l’intérieur de la pièce. Deux zombies s’y trouvaient. L’un était tourné dans leur direction, ses orbites desséchées le privant de sa vision, et le second était affalé près d’une porte. Elle plissa les yeux : étaient-ce les vestiaires, là-bas ? Elle aimait bien les vestiaires, ça recelait toujours plein de choses intéressantes. « Je devrais pouvoir me charger de l’aveugle… je passe en premier, » annonça l’opératrice radio dans un murmure.

Elle semblait confiante. Elle était confiante. Après tout, combien de rôdeurs avait-elle zigouillé depuis le début de l’épidémie ? Des centaines ? Des milliers ? Celui-là représentait une menace encore plus dérisoire que les autres. Il était vieux de six ans, aveugle et si décomposé qu’il n’allait bientôt même plus pouvoir marcher. Elle était confiante, oui. Et si Nihima avait été présente, elle lui aurait foutu une claque derrière le crâne pour lui remettre les idées en place. Ce qui lui aurait permis de mieux étudier la situation : elle aurait vu les perles étalées au sol, elle aurait compris qu’elles provenaient sûrement du collier du zombie étalé au sol (vu le tailleur-jupe, c’était une femme de bureau) et elle n’aurait pas glissé dessus. Sa chute n’aurait pas alerté le mort sans yeux. Elle n’aurait pas relevé son arme, prise d’une peur soudaine, et elle n’aurait pas frappé le cadavre en coinçant sa lame entre ses côtes.

Ouais. Elle aurait mieux fait de se manger une claque derrière le crâne.
Elle ne serait pas sur le point de se faire bouffer.

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