Lorsque le mort s’affaissa brusquement sur elle, toute combattivité évanouie, Ryan s’autorisa un soupir rassuré. Rafaël n’avait pas raté son coup, lui. Elle attrapa sa main lorsqu’il l’aida à se relever, et passa les minutes d’après à essayer de s’essuyer avec la chemise du cadavre en réprimant des grimaces dégoutées. Elle avait beau avoir tué plusieurs rôdeurs, elle n’était toujours pas habituée à l’odeur et… beurk à la texture. Le gitan s’occupa d’éliminer la deuxième menace, puis revint vers elle, un air d’inquiétude sur le visage. « Plus de peur que de mal, admit-elle avec un froncement de sourcils en baissant les yeux vers son sweat pourri. Elle releva le menton lorsqu’il lui tendit sa bouteille d’eau et secoua la tête. J’ai enlevé le plus urgent, je m’en débarrasserai une fois rentrée… on va pas gâcher de… oh. » La jeune femme s’arrêta en montrant une fontaine à eau derrière lui. Si la bouteille renversée était déjà vide, ce n’était pas le cas de celle posée juste à côté. L’eau avait sûrement croupi, néanmoins elle comptait l’utiliser pour se nettoyer, pas pour se désaltérer. Avec un sourire de vainqueur, l’artiste commença à se débarbouiller, se servant d’un morceau de la chemise mouillée pour essuyer les restes liquéfiés du mort tout en observant les alentours.

Ce fut un distributeur qui attira son attention : renversé sur le côté, il avait été négligé tout comme le reste du bâtiment par les pilleurs et quelques snacks attendaient sagement qu’on les délivre de leur carcasse… Ce qu’elle allait faire avec plaisir. « Attends, avant d’aller aux vestiaires, regarde-moi ce trésor ! » l’interpella la brune avec enthousiasme. Plutôt que d’essayer de relever la machine, elle se laissa rapidement tomber face à la fente, tendant le bras à travers pour essayer d’atteindre les objets. Ses doigts effleurèrent quelques canettes, des chips sûrement devenues mortelles, et… Ses yeux s’écarquillèrent. Est-ce que ça serait pas un Twinkie, ça ? Bien sûr que si ! Avide, elle tendit la main plus loin, forçant pour atteindre la rangée en E, grimaçant sous l’effort. « Alleeeez, allez… come to mama… » se mit à susurrer Ryan en faisant fi de la douleur engendrée par l’action. Elle pouvait y arriver. Elle y était presque. Ok, ça faisait six ans qu’il était là, peut-être un peu plus même, mais ça valait bien le coup non ? Une pâtisserie ne pouvait pas la tuer. Impossible. Puis elle la méritait ! Ses doigts se refermèrent d’un coup sur l’emballage en plastique. « A moi ! » Elle tira d’un coup sec… et l’enfer s’abattit sur Rafaël et elle. Ou plutôt, le distributeur termina de glisser pour tomber d’un bruit sourd, entraînant le bras de la jeune femme au passage qui lâcha un cri de douleur. « Sweet fucking baby Jesus ! »

Ok. Ce n’était ni discret, ni très indiqué dans leur situation. Elle venait de réduire à néant toute l’opinion que l’on pouvait avoir d’elle. Maintenant, les autres allaient se demander comment une gourde pareille avait pu survivre pendant presque cinq ans dehors sans être bouffée. Pour sa défense, c’était juste une putain de mauvaise journée… et elle méritait ce Twinkie. Elle en avait suffisamment bavé comme ça. Tout en se redressant très lentement, extirpant son bras blessé et faisant signe à Rafaël qu’elle n’avait rien de cassé malgré l’incident, elle jeta un regard noir au distributeur. Un regard noir et un coup de pied virulent qui éclata la vitre. Devant l’air réprobateur du gitan, Ryan eut le réflexe malencontreux d’hausser les épaules et se retrouva à grincer des dents pour réprimer un couinement. « De toute façon, j’ai déjà détruit notre couverture… Elle se pencha pour attraper une canette de soda parmi les débris, gardant son bras amoché le plus droit possible. Tiens, attrape, on fait rapidement le tour des vestiaires et on bouge… »

Il allait sûrement lui dire qu’elle était inconsciente, stupide et maladroite, et elle l’aurait parfaitement mérité. Tout comme la pâtisserie qu’elle venait de fourrer dans sa poche avec précaution. Oh, la douce saveur de la victoire était si proche ! C’était le seul Twinkie qu’il restait dans la machine. Elle allait en déguster chaque miette. Chaque. Putain. De. Miette. Son bras la lançait douloureusement, elle reconnaissait le symptôme d’une épaule démise pour l’avoir de nombreuses fois expérimenté ces dernières années. Avec Milow, elle savait en remettre une en place, mais pas toute seule. Et puis Juliet pourrait sûrement le faire plus efficacement… elle ne voulait pas chouiner devant Rafaël. Il devait déjà la prendre pour une incapable. De son épaule intacte, elle poussa la porte des vestiaires et s’arrêta devant les deux rangées. Serrant les mâchoires, et fuyant toujours le regard du gitan, elle lança : « Je prends celle de gauche, » avant de s’y engager, ouvrant les casiers un à un.

Spoiler:

Preston a conscience qu'il surprend tout le monde en débarquant comme cela. Il a le réflexe de lever encore plus haut ses mains vers le ciel pour montrer sa bonne foi. Un des hommes lui demande d'approcher sans geste brusque. L'ancien militaire s'exécute. Son esprit tourne à mille à l'heure. Est-ce qu'il a eu raison de se rapprocher d'eux ? Après tout, il ne les connait pas. Son regard passe sur chacun des survivants. Ils n'ont pas l'air d'être des combattants mais s'il y a une confrontation, avec sa blessure, il a peu de chance d'en sortir vainqueur.

L'homme parle d'une certaine Juliet qui doit soigner ses blessures. Est-elle médecin ? Il garde les mains en l'air et attend. De toute façon, il ne peut pas faire mieux.

Preston sursaute lui aussi en entendant le gros bruit venant de l'intérieur du bâtiment. La réaction de l'homme en face de lui ne se fait pas attendre. « Ohh ohh ohh, doucement. » lâche-t-il en sentant la lame de la machette contre sa gorge. « Je suis seul. » affirme-t-il. « J'ai lâché mon unité il y a quelques jours. J'ai été attaqué dans la nuit. Un pillard a voulu me voler mes affaires, j'ai été blessé en le confrontant. » Il n'a rien à cacher et est prêt à répondre à toutes ses questions. « Je peux tout vous raconter mais je vous assure qu'il y a des morts qui se rapprochent. » Le temps va leur manquer s'ils veulent quitter les lieux en évitant une confrontation.

Preston jette un regard au camion. Visiblement, ils sont venus récupérer des choses ici. Ils ont un camion, donc de l'essence. Ils font forcément parti d'un groupe plus gros et ils ont surement un refuge. C'est sa chance. Il n'est pas vraiment taillé pour la survie seul. « Je peux te donner mes armes, mais si les morts nous arrivent dessus, je ne pourrais plus me défendre. » glisse-t-il. L'homme est prêt à leur ce qu'il a en guise de bonne foi, mais il n'est pas du tout rassuré par les rôdeurs qui accourent vers eux, attirés par le bruit qu'ils ont fait. « Et je t'assure que je peux vous aider à vous en débarrasser. J'étais militaire avant, j'ai déjà fait face à des horde de rôdeurs. » Malgré sa blessure, il peut encore leur être utile.

Le chargement se passe bien, ils font une bonne équipe et, l’espace d’un instant, Juliet se met à espérer que cela leur prendra moins de temps que prévu. Que, rapidement, ils pourront partir d’ici, et rentrer chez eux. Être dehors, loin du no man’s land et de sa foule rassurante, la rend nerveuse, et elle craint avant tout de tomber sur un groupe de New Eden. Elle n’ignore pas les accords passés avec eux, et si elle les réprouve, elle sait qu’ils sont censés les protéger de toute agression. Néanmoins, Juliet ne peut s’empêcher de prier pour que ni Oliver, ni Chris, ne se trouvent parmi eux. Ces deux-là, elle ne supportera pas de les voir, c’est certain.

Une partie de son esprit occupé par ces pensées, l’autre par le chargement, Juliet sursaute avec les autres lorsqu’un inconnu surgit de nul part. Méfiante, elle écoute le court échange entre lui et Saseum, sourcils froncés. Quand le coréen lui ordonne de s’occuper de ses blessures, elle hausse un sourcil. Non ? Elle ne s’approchera pas de cet homme dont elle ignore tout, et qui semble encore suffisamment alerte pour dégainer son arme. Fais-le t- commence-t-elle, acerbe, interrompue par un bruit d’enfer, qui les fait tous réagir. Merde, qu’est-ce que c’était que ce bordel, exactement ? L’inconnu tente de se justifier, et elle lance un coup d’oeil à Devon, toujours installé derrière son volant, dans l’incertitude. Reportant son attention sur l’homme, elle le fixe d’un air méfiant. Combien de temps, environ, avant qu’ils arrivent ? Et combien sont-ils ? Ils ont plusieurs options : fuir, en abandonnant les ressources qu’ils sont venus chercher, ou au contraire, fermer les issues ouvertes pour entrer ici, et espérer que les morts ne trouveront pas de point d’accès. C’est sans compter, bien sûr, sans la béance du toit éventré, qui offre une ouverture rêvée.

Elle n’a pas le temps de réfléchir plus loin, qu’une voix féminine résonne dans le silence. Merde, tonne-t-elle, aussi surprise qu’agacée. Décidément, tout part en vrille dans cette expédition. C’est bien une femme qui arrive cette fois, suivie par une petite fille. Fait chier, marmonne-t-elle dans sa barbe, poing serré. Elle qui espérait que tout se passerait vite, et sans accroc. Soupirant, elle tourne la tête vers Saseum. Je vais chercher les autres. Quoi que vous décidiez, on a besoin d’eux. Hors de question de laisser quelqu’un derrière eux. Sans attendre d’autorisation, Juliet saute au bas du camion, et prend la direction de l’étage, où a disparu le reste de l’expédition.

Il hissa la jeune femme, la regardant tenter de se rendre présentable, s’il pouvait dire ça comme ça, légèrement écœuré. Il en avait vu d’autres, depuis tout ça mais il ne put s’empêcher d’être soulagé de ne pas être à sa place. S’essuyant légèrement la main sur un canapé élimé et usé comme pas possible, il haussa les épaules alors qu’elle refusait l’eau. « Comme tu veux. Souriant légèrement, il reprit la parole. Mais si les autres veulent que tu rentres en courant derrière la voiture parce que tu pues trop la mort, je ne te défendrai pas ! » Il ne sut si elle le prenait au sérieux ou pas, mais il grimaça malgré tout en la voyant se renverser de l’eau probablement croupie sur elle. C’était moins pire mais… Enfin, il espérait qu’elle ne choperait aucune saloperie.

La laissant à son nettoyage sommaire, il s’avança vers des petits placards, probablement remplis de trucs périmés mais on ne savait jamais. Peut-être y trouverait-il son bonheur. Peine perdue. Alors qu’il s’apprêtait à sortir de la pièce, direction leur Graal, Ryan l’interpella, et il fronça les sourcils en la voyant allongée au sol, bras tendu, fouillant un distributeur. « Qu’est-ce que tu fous ?! » Elle aurait pu briser la vitre – ça aurait fait un peu de bruit, oui, mais s’il y avait un mort-vivant dans le coin, ils seraient tombés dessus tôt ou tard. Et, sursautant alors que le distributeur tombait avec fracas, le contenu secoué, il se retint de crier sur Ryan pour l’éloigner aussi vite que possible de la trajectoire. « Bordel ! Qu’est-ce que tu as foutu ? Pourquoi tu t’y es prise comme ça ? Je suis sûr que j’aurai même pu crocheter la serrure. » Sauf que ce n’était pas vraiment le moment de l’engueuler, alors qu’elle se relevait d’elle-même, son bras pendant bizarrement. Soupirant, il ôta l’écharpe qu’il portait autour du coup, pour mettre son bras à elle en écharpe, sans un mot. « Si on te demande ce qui s’est passé, tu trouves une excuse toi-même. » Surpris, il attrapa malgré tout le canette qu’elle lui tendait au vol, la glissant dans son sac sans un mot. Soupirant, il prit malgré lui tout ce qui était accessible – sucreries, chips, boissons… Ils auraient tout le temps de trier après coup.

Secouant la tête, alors qu’elle semblait bien trop enthousiaste à son goût, il vérifia que son bras tenait à peu près correctement – il n’était pas médecin ni rien, bordel ! - et s’engouffra à son tour dans les vestiaires, ouvrant des casiers un à un. « Ryan, ramène toi ! C’était pas comme si elle pourrait porter quoi que ce soit, mais bon. Regarde, on a trouvé le jackpot ! » Six tenues, en état plutôt bon, compte tenu du temps passé. Elle pouvait voir des casques à visière plexi, des manteaux et pantalons qui étaient probablement ignifugés et les gants allant avec. S’il avait raflé au passage trois paquets de clope, un briquet, un mp3 et son chargeur, il comptait bien les garder pour lui. Plus incongrus, il avait trouvé deux paires de pantoufles, dont une qu’il lança sur Ryan – ça ne lui ferait pas grand mal. « Tiens, pour le confort, à la maison. » Aucune idée de pourquoi elles se trouvaient là.

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